Chaque année, les mêmes débats et commémorations ont lieu lors du jour de ‘Ashûra’, aussi bien du côté sunnite que du côté shiite. Afin d’introduire la problématique et le sujet, citons le texte du Sayyid Shaykh Muhammad Al-Yaqûbî, un descendant de l’imâm Hassân (‘alayhî salâm) à ce propos :
« Le jour de `Âshûra’ est un jour de joie et de bonheur. Nous le jeûnons pour remercier Allâh ta`âla car il y a sauvé Son Prophète Mûsâ que la paix soit sur lui et a anéanti son ennemi Pharaon.
Il n’est pas correct que ce jour se transforme en un jour de lamentations, de pleurs et d’auto-flagellations en guise de tristesse dû au meurtre de l’Imâm Hussein que la paix soit sur lui. Ahl al-Bayt sont nos maitres, et les aimer fait partie d’un des fondements de notre Religion. Mais `Âshûra’ est certes le jour où le Prophète ﷺ a établi la Sunna de son jeûne. Il ne nous est donc pas permis d’abroger la Sunna et de contredire le Prophète ﷺ et d’occuper la journée à autre chose que ce qui a été légiféré par lui ﷺ.
Un grand nombre de compagnons du Messager d’Allâh ﷺ, sont morts en martyrs, ils ont été assassinés, dont Hamza Ibn `Abd al-Muttalib, `Umar Ibn al-Khattâb, `Uthmân Ibn `Affân, `Alî Ibn Abi Tâlib et Al-Zubayr Ibn al-`Awâm.
Sayyidna al-Hassan Ibn `Alî est mort empoisonné, néanmoins nous ne célébrons la mort de personne et nous n’établissons pas de cérémonie de condoléances dû au jour de son décès.
Plus encore, nous ne commémorons pas la mort de notre Prophète ﷺ alors qu’il est le meilleur de la création d’Allâh, et que les musulmans n’ont pas été affligés d’une plus grande calamité que celle de sa mort, que les grâces et la paix d’Allâh soient sur lui et sa Famille, comme il l’a dit lui-même dans le hadīth qu’Al-Tirmidhi a rapprorté dans al-Shamā’il : « Je suis le ‘’ farat’’ (je les attends au Paradis) pour ma Ummah, rien ne les affligera plus que moi (ma perte) ».
Mais nous célébrons sa naissance ﷺ qui fût la naissance de la Guidée et de la Lumière. La sagesse en cela est que la célébration renouvelle la joie et suscite l’enthousiasme, car l’Islâm n’attend pas de nous que nous vivions dans un état de tristesse renouvelé chaque année, et que nous renouvelions les funérailles de quiconque quel qu’en fût son degré.
Le hadîth musalsal du jour de `Âshûra’ :
Le meilleur d’entre les prophètes, le plus grand bien-Aimé, Sayyiduna Muhammad ﷺ a dit : « Le jeûne du jour de `Âshûra’, je compte sur Allâh (ahtasibu `alā Llāh) pour qu’Il expie les péchés de l’année précédente ». Muslim, Abû Dawûd, al-Tirmidhî et Ibn Mâjah, d’après Qatâdah al-Ansârî, qu’Allâh soit satisfait de lui et de tous.
Et nous l’avons narré musalsalan bi al-samâ’ (transmission orale) le jour de ` Âshûra’ sur l’autorité de notre père, `Allâmatu al-Shâm, le gnostique connaisseur en Allâh, al-Sharīf le Shaykh Ibrâhîm al-Yaqûbi al-Hassanî al-Idrîsî (1406 H) sur l’autorité de son oncle paternel le célèbre Shaykh Muhammad al-Sharîf al-Yaqûbî, l’Imâm des Malékites à la grande mosquée des Omeyyades à Damas (1343 H), sur l’autorité du Shaykh Bakrî ibn Hâmid al-`Attâr(1320 H), sur l’autorité de `Umar ibn `Abd al-Ghanî al-Ghazî (1277 H) sur l’autorité de Muhammad Sa`îd al-Sûwaydî (1140-1223 H) sur l’autorité de Muhammad ibn Ahmad `Aqîlah al-Makkî (1150H) via le sanad (chaîne de transmission) de l’Imâm `Aqīah le très célèbre dans ses séries (musalsalāt).
Le 10 Muharram 1442 ».
Une même date, soit à la même époque, soit à des époques différentes, peut signifier des événements joyeux ou tragiques selon les cas et les peuples. L’important donc, au-delà de la date, c’est la symbolique qui y est associée. Dans de nombreuses familles, les mêmes dates correspondent à la mort de certains proches tout comme à la naissance de nouveaux nés, faudrait-il alors se priver de se réjouir de leur naissance ? Non, mais il y a un temps pour chaque chose, et là où le croyant doit manifester sa joie et son espoir, il doit s’y conformer, et là où le moment exige le recueillement, le « deuil » et la « tristesse », il doit s’imprégner de cette ambiance. Comme l’ont dit des savants : « Le croyant sincère, c’est celui dont la peine se mêle à l’espoir et dont la joie se mêle à une forme d’appréhension ».
Quant au jour de `Âshûra’, il a été commémoré en raison de la Grâce d’Allâh qui fut accordée au Prophète Mûsâ (‘alayhî salâm), pratique accomplie par le Prophète, les éminents membres des ahl ul bayt et des nobles Compagnons. C’est pour cette raison que le jeûne a été recommandé en ce jour, et non pas pour fêter la mort de l’imâm Hussayn (‘alayhî salâm), – et encore moins pour danser et chanter le fait qu’il ait trouvé tragiquement la mort -comme ont pu le dire certains shiites par ignorance ou par propagande.
Il se trouve malheureusement que ce jour fut aussi celui où l’imâm Hussayn (‘alayhî salâm) tomba en martyr à Karbala, et devint le symbole du sacrifice et de la justice face à l’oppression, chose qu’il ne faut pas oublier. Seulement, beaucoup de shiites oublient la pratique des ahl ul bayt ainsi que les préceptes islamiques puisqu’ils ont innové en transformant le jour de ‘Ashûra’ en un jour de deuil, où ils exagèrent dans leurs pleurs, leurs chants et où certains s’infligent volontairement de lourds sévices corporels, contredisant la voie des Compagnons et des Ahl ul bayt. Pourquoi faudrait-il dès lors exagérer comme ils le font, et mettre de côté le Prophète Muhammad ainsi que nos maîtres ‘Abû Bakr, ‘Umar, ‘Uthmân, ‘Alî, Jâ’far Ibn Abî Tâlib et Hassân (pour ne citer qu’eux) qui ont aussi été assassinés ou qui sont décédés, alors que leur mort a causé un impact certain dans la conscience de la Ummah.
Néanmoins cet événement tragique fut prédit par le Prophète dans un hadîth rapporté par Ahmad dans son Musnad rapporte, d’après ‘Aîsha et Umm Salama – qu’Allâh soit satisfait d’elles -, 2 des épouses du Prophète, qu’il dit à l’une d’elles : « J’ai reçu aujourd’hui la visite d’un ange que je n’avais jamais rencontré auparavant, lequel vint prophétiser l’assassinat de mon (petit) fils, Hussayn. L’ange proposa même de me remettre un peu d’argile prélevé sur la terre où mon fils trouvera un jour la mort. Dès que j’ai accepté, il me remit de l’argile de couleur rougeâtre ». Bien que le Prophète aima profondément tous ses enfants, il accorda une attention particulière aussi à l’imâm Hussayn (‘alayhî salâm). Dans un hadîth rapporté par Ahmad, At-Tirmidhî et Ibn Mâjah notamment (d’après Ya’lâ Ibn Murrah), il est dit que le Prophète a dit : « Hussayn fait partie de moi et je fais partie de Hussayn, Allâh aime celui qui aime Hussayn, et Hussayn est à l’origine de l’une des tribus ». Et comme on le sait, le Calife ‘Umar ibn al-Khattâb aimait beaucoup l’imâm al-Hussayn, et lui donna en mariage Shahr Banû, fille de Yazdegerd III le dernier empereur perse de l’empire Sassanide. Alors que les autres lignées de l’imâm Hussayn se sont éteintes en raison des assassinats et des massacres qui les visèrent, c’est par cette lignée (arabo-persane), suite à l’initiative du calife ‘Umar, que les éminents imâms des ahl ul bayt purent voir le jour, notamment l’imâm As-Sajjâd (‘Ali Zayn ul Abidîn) et sa descendance.
Faut-il rappeler encore une fois que l’imâm Hussayn fut trahi par des « shiites » lors de cette tragédie, tandis qu’il fut soutenu par des sunnites qui s’opposèrent aussi au pouvoir de Yazid le corrompu. Ce n’était donc pas là une opposition entre sunnites et shiites, d’autant plus que Yazid est une figure désavouée, dénoncée et condamnée par d’éminents imâms sunnites, à commencer par Abû Hanifa, Sûfyan at-Thawrî, As-Shafi’î, Mâlik et l’imâm Ahmad pour ne citer qu’eux.
Le 10 Muharram de l’an 61 H il fut ainsi trahi aussi bien par certains de ses partisans auto-proclamés (shiites) que par les omeyyades (pour leurs ambitions politiques). On relate qu’environ 70 individus ont trouvé la mort à Karbala à ses côtés, dont environ une vingtaine appartenait à la famille du Prophète, d’où l’ampleur de cette tragédie, et la sagesse du calife ‘Umar pour préserver la lignée de l’imâm Hussayn, – qui eut sans doute une inspiration et une prémonition à ce sujet – et Allâh sait mieux. Lors de cette tragédie, les descendants mâles de Hussayn périrent donc ce jour-là, à l’exception de l’imâm ‘Alî Zayn ul ‘Abidîn, mais on dénombre aussi parmi les figures assassinées, des descendants de l’Imâm Al-Hassân, – on sait que parmi les survivants il y a son fils Hassân et son autre fils Zayd -. Parmi les femmes qui étaient aux côtés de l’imâm Hussayn il y avait notamment ses 2 filles Fatima et Sukayna. Quant à sa soeur Zaynab (surnommée « le soleil entre les deux lunes ») elle fut contrainte de quitter Médine après la tragédie et choisit (sous les conseils d’Ibn ‘Abbâs, le cousin du Prophète et donc son oncle éloigné) de se réfugier en Egypte, et dont la population l’accueillit chaleureusement, et il fut rapporté suite à cela cette noble parole : « Ô, gens d’Egypte ! Vous nous avez offerts votre protection, qu’Allâh vous accorde la sienne ; vous nous avez accueillis, qu’Allâh vous accorde sa proximité ; vous nous avez aidés, qu’Allâh vous accorde Son aide. Puisse Allâh vous prodiguer, pour toute épreuve, un secours ; et pour toute difficulté une porte de sortie ».
Depuis, cette invocation a porté ses fruits puisque l’Egypte devint une terre de science, – à la fois sacrée et naturelle -, en même temps qu’une terre bénie par la manifestation de nombreux saints.
Par ‘ailleurs, Zayd Ibn `Alî – fils de l’imâm ‘Alî Zayn ul ‘Abidîn – connut le même sort que son grand-père Hussayn, et tomba en martyr aussi face au pouvoir omeyyade (sous le règne de Hishâm ben `Abd al-Malik) le 5 janvier 740, et fut lui aussi trahit aussi par certains « shiites » qui l’abandonnèrent car il refusait de désavouer Abû Bakr et ‘Umar et car il ne reconnaissait pas le dogme duodécimain et l’extrémisme de certains shiites.
Dans son combat légitime contre l’oppression, l’imâm Zayd Ibn ‘Alî répondait à ceux qui voulaient lui prêter allégeance, ceci : « Je vous convie au Livre d’Allâh (Qur’ân) ainsi qu’à la Sunnah de Son Prophète (‘alayhî salât wa salâm). Comme je vous convie au combat contre les oppresseurs, pour défendre les plus faibles, rendre leurs droits aux gens, partager le butin entre ses ayants-droit, faire justice à ceux qui ont subi des injustices, et secourir les gens de la vérité (persécutés injustement) … Voulez-vous prêter serment pour tout cela ? ». (Ibn al-Âthir, Al-Kâmil, page sur l’année 121 H).
Des gens (appartenant à un courant shiite) posèrent ainsi des questions à l’imâm Zayd qui répondit à la question « Que penses-tu d’Abû Bakr et de ‘Umar ? » : « Allâh leur pardonne. Je n’ai entendu personne de ma famille dire du mal d’eux. Et moi aussi, je ne dirai aucun mal d’eux ! ».
« Mais alors pourquoi demandes-tu de venger le sang de la famille alide ? ».
« L’imâm Zayd répondit : « Tout ce que je peux dire concernant ces deux compagnons est qu’Alî était plus en droit d’être élu calife. Mais la population les a choisis et nous a « éloignés » du califat, pour cause d’utilité publique. Et tout ceci est très loin de la mécréance. Ils ont été choisis, ils ont gouverné et ont été équitables. Ils ont mis en pratique le Qur’ân et la Sunnah ! ».
Ils lui dirent : « Pourquoi combats-tu donc alors ? ».
Il répondit : « Ceux-ci (les omeyyades) ne sont pas comme ceux-là (Abû Bakr et ‘Umar). Ceux-ci (les omeyyades) ont été injustes envers les gens, comme ils l’ont été envers leurs propres personnes. Et je vous convie au Livre d’Allâh et à la Sunnah de Son Prophète (‘alayhî salât wa salâm) ; et je vous convie à la revivification de la voie prophétique, et à l’anéantissement des innovations blâmables. Si vous m’obéissez, ce sera préférable pour vous, et si vous refusez, je ne suis alors point votre garant (devant Allâh) » (Ibn Kathîr, Al-Bidâya wa al-Nihâya, p. 330).
Les shiites rafidites, ayant été désavoués dans leurs positions par l’imâm Zayd, refusèrent donc de leur prêter allégeance et l’abandonnèrent.
L’imâm Zayd dit alors tout haut : « Je crains qu’ils vont faire (aujourd’hui pour moi) ce qu’ils ont fait (auparavant) pour Hussayn. Quant à moi, par Allâh, je combattrais jusqu’à la mort ! ».
Que nous apprend donc ce récit ?
Tout d’abord que l’on ne peut pas accuser l’imâm Zayd d’avoir usé ici de « taqiya », car il répondait à des shiites imamites (qui n’avaient cependant pas côtoyé l’imâm Zayd ni l’imâm Jâ’far, car ils venaient d’une région lointaine, de Kûfa) venus lui poser des questions.
L’imâm Zayd appelait ouvertement à la révolte contre les oppresseurs.
Il dit explicitement que selon lui l’imâm ‘Alî était le plus méritoire pour être élu calife, – cela fait l’objet de divergences de la bouche même de l’imâm ‘Alî qui reconnut les mérites particuliers de Abû Bakr et de ‘Umar à son fils Muhammad Al-Hanafiyya -, mais qu’il ne s’agissait pas d’une obligation religieuse instituée dans le Qur’ân et la Sunnah, mais d’un ijtihad. Le Qur’ân (dans sa totalité) existait déjà donc bien et fut mémorisé par cœur sans altération par de nombreux savants de l’époque, et était aussi étudié par les exégètes. La Sunnah était aussi une source importante de la religion pour les ahl ul bayt.
Il affirme clairement que Abû Bakr et ‘Umar furent élus, sans peur et sans contrainte, par la majorité des compagnons et des gens du peuple, qu’ils étaient musulmans, pieux, justes, équitables, et qu’ils appelaient au Qur’ân et à la Sunnah. Il ne dit jamais qu’ils étaient les ennemis des ahl ul bayt non plus. Par ailleurs, son neveu Jâ’far étudia lui-même auprès de Al-Qasim qui était l’élève et le neveu d’Aîsha, considérée donc comme une musulmane, croyante et pieuse, par Al-Qasim, Muhammad al-Bâqir, Jâ’far As-Sâdiq et Zayd, conformément à la position de l’imâm ‘Alî qui dit cela publiquement face à ses opposants (les kharijites).
Il confirme donc qu’Abû Bakr et ‘Umar étaient légitimes, bien qu’Alî avait selon lui, la préférence dans l’élection à cette fonction. Parmi ses avis juridiques, il y a aussi le fait qu’il est permis de prêter allégeance à des dirigeants musulmans qui sont justes et pieux, bien que moins savants ou pieux que d’autres, si les autres refusent d’en assumer la charge.
Le terme péjoratif de « shiites rafidi » fut employé, par l’imâm Zayd (descendant de l’imâm ‘Alî), qui se désavoua, – à l’instar de Jâ’far as-Sâdiq -, des thèses défendues par les shiites extrémistes.
Comme le rapporte l’historien Abû Zuhra dans son Târîkh (p. 668) à travers des récits historiques attestés et fiables, l’imâm Zayd réfuta les déviances shiites (infaillibilité, occultation de l’imâm, calomnies et takfir contre Abû Bakr et ‘Umar, l’idée de retour des êtres humains dans la vie d’ici-bas après leur mort terrestre, …) et déclara son fort attachement à Abû Bakr et à ‘Umar, confirmant leurs mérites, leurs qualités et la légitimité de leur califat, bien que selon lui, ‘Alî aurait dû les devancer dans cette fonction. Cependant, la Sagesse Divine en a voulu autrement, non seulement car Abû Bakr et ‘Umar étaient aussi légitimes et justes, mais aussi parce qu’ils étaient plus âgés que l’imâm ‘Alî, qu’ils étaient aptes à protéger la communauté, qu’ils étaient les califes de la situation pour les épreuves de leur époque, et car l’imâm ‘Alî allait lui-même devenir calife, et être éprouvé par les épreuves qui étaient les siennes. Par ailleurs, bien que conseiller politique des premiers califes, l’imâm ‘Alî pouvait ainsi se concentrer sur le peu de temps qu’il restait à Fatima avant de quitter ce bas-monde suivant la juste prédiction énoncée par le Prophète juste avant sa mort, ainsi que se charger d’éduquer spirituellement et scientifiquement un certain nombre de disciples, ce qui est difficile lorsque l’on occupe la fonction de calife à plein temps, et que l’on doit faire face à de nombreux troubles.
Pour en revenir à l’imâm Zayd, selon lui, il est donc permis que les meilleures personnes soient dirigées par des moins bonnes, tant qu’elles remplissent les conditions pour diriger légitimement les affaires politiques de la nation, avec justice, sagesse, intelligence et piété. De même, le choix du dirigeant doit correspondre à l’intérêt et à l’utilité publics (maslaha), comme cela fut le cas pour Abû Bakr, ‘Umar et ‘Uthmân.
Zayd affirme également que personne dans sa famille n’a dit du mal des califes bien-guidés ou d’Aîsha, par conséquent, ce qui était transmis de façon sûre et notoire chez les ahl ul kissâ (‘Alî, Fatima, Hassân et Hussayn) et leurs descendants comme les imâms ‘Alî Zayn al ‘Abidîn, Muhammad al-Baqîr, Jâ’far as-Sâdiq, etc., était que Abû Bakr, ‘Umar et ‘Uthmân étaient des califes légitimes, musulmans, pieux et justes. Ils n’accordaient donc aucun crédit aux récits inventés dans le but de semer les troubles et les divisions, en salissant notamment la mémoire de Abû Bakr, de ‘Umar, de ‘Uthmân et de ‘Aîsha, et qui par la même occasion, faisaient passer l’imâm ‘Alî pour un lâche, un menteur, un traitre et un hypocrite incapable d’assumer sa fonction ou de protéger Fatima, et par extension, ce reproche, selon les récits inventés (pourtant approuvés par beaucoup de shiites et acceptés par des sunnites aussi), s’appliquait aussi aux descendants de l’imâm ‘Alî qui respectaient les compagnons et ne faisaient pas leur takfir.
Zayd Ibn ‘Alî était un salaf vertueux et très savant, une autorité dans les sciences du Qur’ân, du Hadîth, du fiqh, du kalâm, de la ‘aqida, de la spiritualité, de la logique et de la langue arabe. Tous les sunnites véridiques dirent du bien de lui, et l’imâm Abû Hanifa l’approuva aussi dans son combat contre l’oppresseur. Il fit la même chose que l’imâm Hussayn, qui était à la fois un compagnon du Prophète et son petit-fils, réputé pour sa science et sa piété, et qui se leva contre l’oppression. En soi, donc, la révolte face aux tyrans est autorisée en Islam, cependant, si les conditions ne sont pas favorables à une telle révolte, il vaut mieux s’en abstenir, et ce fut là l’avis de l’imâm Al-Hassân, – pour qui il est nécessaire de préserver l’unité et la paix -, de l’imâm Muhammad Al-Bâqir et de l’imâm Jâ’far As-Sâdiq.
L’imâm Zayd, tout comme son frère Muhammad al-Bâqir et son neveu l’imâm Jâ’far, détestaient la taqiyya définie et appliquée comme les shiites rafidites. Ils étaient courageux et dirent donc toujours la vérité, même face aux tyrans. Et c’est parce qu’ils ne mentaient pas et ne dissimulaient pas leurs véritables opinions qu’ils étaient considérés comme véridiques, car les menteurs et lâches ne peuvent pas constituer une autorité et une référence dans la religion en Islam (cf. Qur’ân, Sunnah et propos des ahl ul bayt). Seulement, là où les imâms Hassân, ‘Alî Zayn ul Abidîn, Muhammad al-Baqîr et l’imâm Jâ’far préconisaient de rester loin des affaires politiques, de se consacrer à la science et à la spiritualité, et de préserver autant que possible la stabilité de la nation, – quand bien même celle-ci serait dirigée par des injustes -, les imâms Hussayn et Zayd ibn ‘Alî, – ainsi que quelques autres tout comme de l’imâm Abû Hanifa – étaient plutôt d’avis qu’il fallait se soulever ouvertement face à l’oppression afin de garder la tête haute et de donner ainsi espoir aux opprimés. Il s’agit là des 2 avis qui se valent et qui ont toujours divisé les savants (aussi bien shiites que sunnites), bien que selon les contextes, certains savants ont adopté le second avis. Les sources historiques (cf. Abû Zûhra, Târîkh, p. 371) indiquent que les deux arrière-petit-fils de l’imâm ‘Alî avaient été aidés et soutenus par l’imâm Mâlik et Abû Hanifa. L’imâm Mâlik aida la rébellion de Muhammad Nafs Zakiyya à Médine, tandis que l’imâm Abû Hanifa aida Ibrâhîm, et demanda aussi aux soldats et aux officiers de refuser l’ordre de le tuer. L’un des officiers répondit à l’appel d’Abû Hanifa et refusa dès lors d’obéir à ses supérieurs lorsque ceux-ci exigeaient de commettre des assassinats illégitimes. Abû Hanifa, en raison de son influence grandissante, se mit à critiquer publiquement les injustices du pouvoir politique. En raison de son courage, de sa défense de la vérité, de sa critique face aux injustices du pouvoir politique et en raison de son soutien privé et public envers les ahl ul bayt, il fut emprisonné et torturé chaque jour durant le temps de son incarcération. De même, il assista ouvertement l’imâm Zayd, lui envoya des combattants et de l’argent, quand au même moment, des shiites autoproclamés abandonnèrent l’imâm Zayd. Comme souvent, l’histoire se répète et chaque époque à son lot de trahison, de despotisme et d’injustice, mais aussi des personnalités fortes et justes qui se dressent tant bien que mal face aux injustes et aux tyrans. Et à défaut de pouvoir soutenir ouvertement les justes dans leur combat légitime contre l’oppression, ne soutenons pas les injustes dans leurs actions blâmables et indignes, car de tout cela, nous devrons en répondre devant le Très-Haut le Jour des comptes.
Mais comment concilier ces deux événements aux sentiments antagonistes ?
Des savants issus des ahl ul bayt ont répondu à cela, comme ici le Shaykh Al-Habib ‘Alî Al-Jifrî : « Celui qui exprime sa joie pour commémorer le Triomphe de Mûsâ sur Pharaon, il aura adopté une posture de vérité ; et celui qui laisse place à la tristesse en commémorant la tragédie d’Al-Hussayn, aura adopté une posture d’amour. Et l’amour ne va pas à l’encontre de la vérité et la vérité ne va pas à l’encontre de l’amour ». Le problème serait donc de s’attrister en pensant au Triomphe du Prophète Mûsâ ou d’éprouver de la joie en se remémorant la tragédie de l’Imam Al-Hussayn comme l’ont rappelé certains. Quant au Shaykh Muhammad Sa’îd Ramadân Al-Bûtî, il dit : « La solution n’est pas de se mettre à pleurer devant les vestiges de cette bataille ; la solution consiste à transformer les vestiges en édifice ». Il faut donc éviter d’être dans la passion et de se leurrer dans une attitude contre-productive en prétextant un « amour démesuré qui s’oppose à la Vérité et à la Justice ». Aimer l’imâm Hussayn passe par le suivi de sa voie, l’accomplissement des bonnes œuvres, invoquer Allâh pour lui, respecter les personnes qu’il a respecté, comme ses parents et sa fratrie, les épouses et les Compagnons du Prophète, ainsi que se désavouer de toutes les formes d’injustices – ce que font malheureusement peu de shiites et de sunnites de nos jours – !
Des savants rappellent en outre que le jour de ‘Âshûrâ’, il est recommandé de mettre en oeuvre le hadîth (rapporté par Al-Bayhaqî et d’autres d’après Abû Sa’îd Al-Khudrî) qui enseigne que : « Celui qui fait preuve de générosité envers sa famille le jour de ‘Âshûrâ’, Allâh se montrera généreux à son endroit le reste de l’année ». Quant à l’authenticité de ce hadîth, si certains l’ont contesté (comme Ibn al-Jawzî et Ibn al-Qayyîm), d’autres l’ont bien authentifié (sans parler que son contenu ne pose aucun problème en soi) comme Ahmad Ibn Al-Siddîq dans Hadiyyat Al-sugharâ’, et ce fut d’ailleurs une pratique mise en œuvre à l’époque des Compagnons puis de leurs disciples. Il est rapporté par exemple que Jâbir Ibn Abdellâh et Sufyân Ibn ‘Uyayna l’ont expérimenté, l’un durant 40 ans et l’autre durant 60.
Quant à la mort de l’imâm al-Hussayn, elle symbolisera son sacrifice, sa détermination et son sens de la justice pour l’Amour d’Allâh et la cause des opprimés, et où il tomba martyr pour cela, et comme l’a rappelé Allâh dans le Qur’ân : « Et si vous êtes tués dans le sentier d’Allâh ou si vous mourez, un pardon de la part d’Allâh et une miséricorde valent mieux que ce qu’ils amassent. Que vous mouriez donc ou que vous soyez tués, c’est auprès d’Allâh que vous serez rassemblés » (Qur’ân 3, 157-158), et retrouvant ainsi tous ses bien-aimés par la même occasion, le tout en ayant eu une mort digne, et une vie menée dans la dignité, l’honneur, la justice et la vérité ! Que ta mort soit une source d’enseignements et de rappels pour nous autres musulmans, qui aspirons à la Satisfaction Divine et à la Justice ici-bas.