Le conflit syrien : La Turquie face à la politique russo-syrienne

La date du 28-29 février 2020 fut l’une des pires journées du régime syrien en termes de pertes militaires et matérielles. Après la frappe russo-syrienne contre une base turque à Idleb (conformément à l’accord de Sotchi signé avec la Russie et l’Iran), causant la mort de plus de 33 soldats turcs et faisant à peu près autant de blessés graves, la Turquie a alors lourdement riposté.

Bilan : plusieurs centaines de soldats et de miliciens assadistes ont été tués, presqu’autant ont été blessés. A cela s’ajoute la mort du général de brigade Burhan Rahmun, commandant de la 124ème brigade de la garde républicaine, qui a été tué dans une frappe de drone turque dans la province d’Alep, 5 officiers ont été tués dans la frappe de drone turque dans l’ouest d’Alep, 3 colonels (dont Mazen Hamwi Furwati), 1 major et 1 général.

Les drones turcs ont opéré dans la province d’Alep, où 3 membres du Hezbollah libanais ont été éliminés. Des sources locales parlent aussi de 5 à 17 soldats russes tués (la Wagner et les forces spéciales du FSB sont stationnées tout le long de la ligne de front).

Plus de 50 blindés du régime ont été pulvérisés, une dizaine ont été pris et récupérés par les rebelles.

Les drones turcs auraient bombardé selon plusieurs sources les usines de défense à Al-Safira dans le sud-est d’Alep (« c’est la principale usine d’armement du régime syrien, les bombes-barils ainsi qu’une large quantité d’armes chimiques »).

En outre, les forces turques ont détruit (bilan datant de l’après-midi) plus de 5 hélicoptères, 23 chars, 10 véhicules blindés, 23 canons et obus de différents types et tailles, 5 camions de munitions, un SA-17, un système de défense aérien de type SA-22, 3 dépôts de munitions, deux dépôts de matériaux, un bâtiment de quartier militaire. Dans la nuit du 29 février, des drones turcs ont visé une réunion d’officiers iraniens dans la campagne du sud-ouest d’Alep et le site a été complètement détruit. Les forces turques ont détruit un convoi militaire de l’armée syrienne au front de Ma’ara Dibsa au sud-est d’Idlib. Un drone turc a ciblé un convoi militaire des milices assadistes dans la ville de Marat al-Nu`man, dans la campagne sud d’Idlib. L’armée de l’air turque a pris pour cible des véhicules et soldats de l’armée syrienne par des tirs de drones dans la région d’Idlib. L’armée syrienne a été ainsi forcé de déplacer ses avions de l’aéroport militaire de Neyrab à Alep par peur d’une éventuelle attaque des forces turques. L’aéroport militaire syrienne de Hama s’est également fait attaquer par des frappes de drones de l’armée turque. Les forces turques ont ainsi bombardé l’aéroport militaire syrienne de Kweres dans la campagne ouest d’Alep. Et enfin, les avions turcs ont pris pour cible d’autres véhicules des forces d’Assad, tous ont été détruits. Tout cela a été filmé et diffusé, et confirmé par des sources locales.

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Les rebelles appuyés par les turcs ont également éliminé des dizaines de soldats et miliciens du régime, leurs opérations ne sont pas comptabilisées parmi les chiffres relatés que pour les opérations de l’armée turque. A noter que la veille, le régime syrien avait envoyé au casse-pipe de nombreux enfants soldats pour servir de chair à canon. Les rebelles ont également capturé des dizaines de soldats et miliciens du régime syrien, en plus d’avoir détruit plusieurs blindés et camions, et d’avoir récupéré plusieurs tanks et d’importantes quantités de munitions.

Jusqu’au 1er mars 2020, le bilan s’est considérablement alourdi, le Ministre turc de la Défense a annoncé que du 28 au 29 février 2020 le bilan était de : « 2212 éléments du régime Assad ont été neutralisés, un drone, 8 hélicoptères, 103 chars, 72 artillerie et lance-missiles et 3 systèmes de défense aérienne ont été détruits à ce jour ».

A cela s’ajoute le bilan des opérations menées par les rebelles pro-turc avec au moins une centaine de miliciens et soldats pro-Assad tués, des dizaines de soldats et miliciens capturés, plusieurs tanks détruits et d’autres qui ont été capturés, en plus d’importants stocks de munitions récupérés. De même, les rebelles, soutenus par l’armée de l’air turque ont abattu 2 avions du régime syrien, tandis que le régime syrien avait détruit un drone turc juste avant.

Du 2 au 3 mars 2020 (jusque 12h00), la défense turque confirme avoir abattu 1 avion de combat, 1 drone, 6 chars, 5 artilleries, 2 systèmes de défenses aériens et 327 soldats du régime d’Assad au cours des dernières 24 heures. Les forces turques TSK vont déployer également un nouveau système de défense antiaérien HISAR-A dans la dans la région d’Idleb qui sera opérationnel d’ici une semaine. La chaine nationale turque TRT diffuse (le 3 mars) une nouvelle vidéo montrant les drones turcs cibler des véhicules militaires de l’armée d’Assad dans la région d’Idleb.

Le bilan pour la Russie et le régime syrien est très lourd : des milliards d’euro d’équipement réduits en miette ou récupérer par leurs « ennemis ». D’importantes pertes humaines également à souligner comme nous l’avons vu. Côté turc, les médias turcs ont annoncé la mort du commandant, Ahmed Erman, tué lors de cette journée dans la région de Saraqeb. Au moins 2 autres soldats turcs sont tombés en martyr également le 28 février. Le 2 mars 1 soldat turc est tombé martyr également, et l’aviation russe a tué au moins une dizaine de civils à Idleb et ailleurs à travers ses bombardements massifs.

A force de jouer les criminels arrogants, on finit par se prendre le retour du bâton.

Cette journée aura été un répit inespéré pour la population civile syrienne qui n’était plus la cible du régime syrien et l’aviation russe le temps d’une journée !

Quant aux critiques portées contre la Turquie, récapitulons ce qu’il en est :

A chaque opération d’envergure, Erdogan laisse un délai et plusieurs opportunités pour trouver un accord bénéficiant aux différents partis (et évitant ainsi un bain de sang inutile) ou aux forces terroristes et criminelles de quitter une zone de combat ou de se rendre ; et aux civils sous leur domination (terroriste/criminelle), la Turquie offre plusieurs couloirs et corridors sécurisés pour fuir les champs de bataille, et leur fournit aides médicales et alimentaires si besoin. Les autres ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes. La Turquie est un des seuls pays honnêtes et qui respecte tant bien que mal les accords… La Turquie est très patiente envers l’Union Européenne, la Grèce, la Russie et le régime syrien, mais quand ils trahissent leurs paroles, massacrent des innocents ou violent les accords de façon arrogante, la Turquie a le devoir de réagir à la mesure de ses capacités pour combattre cette injustice.

L’implication de la Turquie en Syrie était nécessaire, non seulement pour éviter un massacre de la population syrienne, mais aussi pour nettoyer la région des organisations terroristes marxistes qui ont souvent été tolérées et utilisées par le régime syrien pour nuire aux intérêts de la Turquie et menacer directement son intégrité territoriale et sa sécurité.

La présence turque a permis aussi d’éviter que d’autres millions de réfugiés syriens entrent en Turquie, ce qui aurait causé l’implosion du pays de l’intérieur (ce qui est aussi l’un des objectifs du régime syrien), et d’importants flux migratoires en direction de l’Europe.

Rappelons aussi que le régime syrien n’a aucune légitimité en soi en Syrie (ni conformité à la Loi Divine, ni soutien populaire, ni principe éthique orientant sa politique intérieure), et qu’il est responsable de la mort de plus de 500 000 civils depuis environ 10 ans.

N’oublions pas non plus qu’à Idleb se trouvait environ 4 millions d’habitants, dont seulement 40 000 à 60 000 combattants. Et parmi ses combattants, les éléments radicaux (daeshites et certains membres du HTS) ne représentent même pas la moitié. Par ailleurs, ces éléments radicaux sont moins criminels et sanglants que les milices pro-Assad et que les forces russes sur le terrain, qui prennent un malin plaisir à détruire tout sur leur passage, et à torturer les survivants.

Il ne faut pas s’y tromper, la Russie a toujours des projets impérialistes pour le Moyen-Orient et l’Europe.  Et à notre époque les russes sont, – il faut se le rappeler -, responsables de la mort d’1 million d’afghans, de 300 000 à 400 000 tchéchènes, daghestanais et autres, et depuis quelques années, de dizaines de milliers de civils syriens. Et si on emploie la définition commune du mot « terrorisme » alors la Russie et le régime syrien sont inclus dans cette catégorie, puisqu’ils sèment la terreur, massacrent des civils et détruisent systématiquement des cliniques, écoles, habitations civiles, boulangeries, usines et d’autres cibles qui ne sont pas liées directement au domaine militaire. La différence entre la Russie et la Syrie, est que les russes ne bombardent pas leurs propres citoyens (russes) de façon massive, tandis que le régime syrien n’a pas hésité à massacrer une grande partie de sa population civile, au lieu de défendre son pays contre les agressions israéliennes sur son propre territoire.

Ajoutons aussi que le peuple syrien (dans sa majorité) préfère la Turquie et l’invite à venir en Syrie, tout en condamnant le régime syrien et ses alliés (russes et iraniens) qui n’ont rien à faire en Syrie car ils massacrent des innocents et que ces deux pays n’ont pas de frontières avec la Syrie et ne sont donc pas menacés directement par les menaces émanant de Syrie. La même chose s’applique aux Etats-Unis et aux pays européens qui n’ont rien à faire en Syrie. Par ailleurs, les forces russes et syriennes sont des pleutres qui ne ripostent pas aux agressions israéliennes en Syrie, mais qui vident toutes leurs munitions et larguent toutes leurs bombes contre les civils syriens et les groupes armés de l’opposition. La Russie entretient de très bonnes relations avec Israël et s’est rapprochée de l’Arabie Saoudite, et tous soutiennent le putschiste Haftar en Lybie, coupable de déstabilisation et de crimes de guerre. La Russie et Israël se sont mis d’accord également concernant la Syrie, où les deux ne se gêneront pas, et où la Russie laissera Israël mener ses opérations militaires en Syrie.

Quant à l’UE, elle n’a pas apporté son soutien à la Turquie dans les agressions dont elle a été victime. Elle n’a presque rien donné financièrement à des ONG turques (seulement 6 milliards d’euro promis, dont une partie n’a pas encore été versée), alors que la Turquie a dépensé déjà plus de 40 milliards d’euro à elle seule. La Russie et le régime syrien n’ont pas respecté les accords de Sotchi et ont attaqué les postes d’observation turcs, ainsi que violer les cessez-le-feu en ciblant volontairement des civils et des infrastructures civiles (écoles, cliniques, hôpitaux, boulangeries, usines, maisons, …). L’inaction de l’UE face aux attaques ciblant la Turquie et la population syrienne a entrainé le déplacement forcé de plus d’1 million de civils syriens aux portes de la Turquie (qui en abrite déjà plus de 3, 7 millions, soit bien plus que tous les pays européens réunis). La Turquie n’a donc d’autre choix désormais que de laisser les réfugiés atteindre l’Europe, si la Turquie ne veut pas imploser de l’intérieur, puisqu’elle est seule face à cette tragédie. Le 28 février 2020, la Turquie a laissé passer plusieurs centaines de réfugiés syriens, iraniens, irakiens, afghans, africains et autres, mais ceux-ci ont été violentés par les forces grecques et bulgares (utilisation de tirs à balle réelle et de lacrymogènes), fermant leurs frontières.

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Les responsables des vagues de réfugiés dans ce conflit sont dans l’ordre de priorité : le régime syrien, la Russie, l’Iran, les organisations terroristes marxistes, les Etats-Unis et la France.

Et le pays le plus important qui fait barrage aux réfugiés (les empêchant d’envahir en masse l’Europe) : la Turquie, qui a protégé l’Europe d’importants flux migratoires.

C’est là qu’on voit toute l’hypocrisie des nations donneuses de leçons à notre époque. La Turquie est seule dans cette lutte, elle a dépensé plus d’argent que toute l’UE réunie, et fait face à plusieurs organisations terroristes et criminelles, tout en protégeant les kurdes qui ne sont pas membres des organisations terroristes.

Un résumé également visant à répondre aux allégations des pro-Assad contre la Turquie :

– La Turquie était membre de l’OTAN avant qu’Erdogan n’arrive au pouvoir.

Un pays membre ne peut pas le quitter comme ça et le fait que la plupart des pays membres de l’OTAN crachent sur la Turquie montre qu’ils ne sont pas en phase. D’ailleurs l’OTAN a préféré ignorer les demandes de la Turquie (ne pas soutenir leur projet de créer une zone tampon). La Turquie sous Erdogan a profité de l’OTAN pour se renforcer intérieurement, ne pas se faire écraser par l’influence russe et pour éviter que des pays membres de l’OTAN ne l’attaquent directement en cas de profonds désaccords.

– L’Islam n’analyse pas du tout à la lumière de l’OTAN ou du sionisme. Qu’on soit sioniste ou non, l’injustice reste l’injustice. Le régime syrien et l’Iran sont profondément injustes, aussi bien à l’intérieur de leurs frontières qu’à l’extérieur (pour l’Iran). Depuis 2001, l’Iran a participé activement au chaos afghan et irakien, et a soutenu la chute de Khaddafi. Ses forces armées se sont essentiellement concentrées sur les musulmans et très accessoirement sur les américains en Irak (avec des alliances en Afghanistan contre les talibans et contre Saddam Hussein en Irak). L’Iran ne défend donc pas le monde musulman et n’assure pas les besoins de sa propre population.

– L’Iran n’est aucunement légitime en Syrie, puisque d’une part la population syrienne n’en veut pas. D’autre part, l’Iran massacre des civils et des groupes d’opposition légitime. Le régime syrien lui-même n’est pas légitime et était loin d’être à la hauteur de la volonté populaire, et massacrait déjà son peuple à petit feu avant même 2011.

– La Turquie en Syrie est soutenue par des millions de syriens, et récemment encore, de nombreux syriens et libanais ont manifesté leur soutien à l’intervention turque en Syrie (évitant que 3 millions de civils soient tués ou s’introduisent en Turquie puis en Europe, ce qui ne serait pas gérable).

Ce sont des millions de syriens qui ont appelé la Turquie à venir les aider, et ce dès 2011. Les syriens dans leur majorité n’ont jamais appelé la Russie ou l’Iran à l’aide, bien au contraire, ils les ont violemment critiqué. La Turquie possède des frontières avec la Syrie, contrairement à l’Iran et à la Russie. De plus il existe de nombreuses poches du PKK/YPG qui menacent concrètement la sécurité de la Turquie, et que le régime syrien utilise de temps à autre pour déstabiliser la Turquie.

– Là où la Turquie a accueilli et nourri des millions de syriens, fourni de l’aide humanitaire en Syrie et reconstruit des écoles, des hôpitaux et des usines, l’Iran et le régime syrien font tout l’inverse : ils massacrent les civils et détruisent les écoles, les hôpitaux, les usines, les maisons, etc.

– L’Iran ne dépense presque rien dans l’humanitaire, là où la Turquie se place généralement première ou deuxième dans le classement mondial. La Turquie a fait beaucoup pour les musulmans en Turquie, en Albanie, en Bosnie, en Syrie, en Irak, en Palestine, en Birmanie, dans de nombreux pays africains, etc.

– La Russie est un allié d’Israël et ne s’oppose pas aux incursions israéliennes en territoire syrien (et le régime lui-même ne riposte jamais, préférant déverser tout son armement sur les civils ou les rebelles en Ak-47). Donc on voit bien que les alliances sont complexes, parfois poreuses ou très instables.

– La stratégie iranienne se retourne contre elle ; après des milliards d’euro dépensés pour leurs guerres de procuration (qui ne sert pas seulement à protéger la sécurité du pays) en Syrie, en Irak et au Yémen, l’influence iranienne est de plus en plus contestée, même par des mouvances shiites.

– Enfin, défendre ses intérêts nationaux est une obligation et une priorité pour consolider son territoire, mais cela n’est pas incompatible avec le fait d’aider les autres populations musulmanes, et c’est ce que fait la Turquie concrètement, en plus de promouvoir des partenariats et projets incluant de nombreux pays musulmans (Qatar, Pakistan, Malaisie, Indonésie, etc.).

– Evidemment, parmi les rebelles il y a aussi des groupes extrémistes ou terroristes (mais ils ne représentent pas 50% des combattants rebelles), mais ils ont massacré bien moins de personnes que le régime syrien, et ont fait preuve de beaucoup moins de cruautés.

– Le nombre de civils tués par les pro-Assad dépassent les 350 000. Du côté de l’opposition (hors-Daesh) on n’en est même pas à 10% des victimes du régime.

Résumons donc la situation : La Russie, l’Iran, le régime syrien, les Etats-Unis, la France et quelques autres pays européens ont bombardé et massacré volontairement des dizaines de milliers de civils (en haut du classement, le régime syrien), ce qui a causé tout ce flux migratoire. Ensuite, ils ont financé, soutenu et armé des organisations terroristes marxistes persécutant les musulmans et les chrétiens et commettant des attentats suicides en ciblant des civils. Ils n’ont pas aidé la Turquie face aux dépenses pour les réfugiés, ni n’ont soutenu le projet d’instaurer une safe zone pour les civils syriens en Syrie…La Grèce sème la terreur chez les réfugiés…Mais le grand méchant c’est la Turquie, qui a aidé des millions de syriens en Syrie et des millions de réfugiés syriens en Turquie…

Espérons que la Syrie sera débarrassée le plus rapidement possible du terrorisme (qui existe dans pratiquement tous les camps impliqués dans le conflit), du despotisme du régime actuel, du sectarisme et de l’hypocrisie des grandes puissances.

Mis à jour le 3 mars 2020.


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