La philosophie du mariage en Islam

Il est courant d’entendre tout et son contraire au sujet du mariage en Islam. Pour savoir ce qu’il en est réellement, il suffit d’ouvrir le Qur’ân, de le lire attentivement et de le méditer sérieusement. Plusieurs axes s’en dégageront alors :

  1. Les finalités
  2. Les méthodes
  3. Les « anomalies » et leurs solutions
  4. Les divergences juridiques

Les finalités du mariage dans le Qur’ân et dans la Sunnah

 « …Parmi Ses signes qu’Il ait créé pour vous à partir de vous-même des épouses, afin qu’auprès d’elles vous trouviez l’apaisement ; et Il a placé entre vous mawwada (affection) et rahma (miséricorde, amour, compassion, …) » (Qur’ân 30, 21). Le mariage n’est pas donc là, en islam, pour rendre malheureux ou pour justifier une vision « totalitaire » et « violente » de la relation conjugale, mais plutôt celle de l’apaisement, de l’affection, de l’amour et de la tendresse.

« C’est Lui qui vous a créé d’une âme unique, dont il tira l’épouse, pour que ce dernier trouvât auprès d’elle la paix… » (Qur’ân 7,189). L’homme et la femme ont la même origine, et la « séparation » ou « l’émanation » des deux sexes à partir de l’âme originelle (unique et primordiale), ont pour but l’union (par leur complémentarité) dans la réalisation de la paix mutuelle.

Cette dimension de complémentarité et de soutien mutuel est évoquée dans le verset suivant : « Elles sont un vêtement pour vous et vous êtes un vêtement pour elles » (Qur’ân 2, 187). Ce verset aborde la notion de réciprocité et de complémentarité, d’un soutien mutuel et d’un respect mutuel.

Quant au verset où certains le traduisent par « corrigez-les » ou « frappez-les », sa signification a fait l’objet de divergence, mais une étude linguistique, herméneutique et prophétique exclut de toute façon toute frappe violente causant des blessures ou des traces, et cela selon l’avis des 4 écoles juridiques. D’autres disent même qu’une tape légère n’est pas autorisée et que le sens du verset n’est pas celui d’une tape physique (même légère) car les autres versets où Allâh emploie le même verbe pour désigner une frappe physique, l’intensité, le moyen et l’endroit concernés par la frappe physique sont évoqués, alors que dans ce verset non.

Certains disent donc qu’il n’est pas permis de frapper son épouse, mais même parmi ceux qui l’autorisent, le sens de « frapper » exclut ici celui de causer des blessures ou une humiliation indigne. Souvent on utilise l’explication attribuée à Ibn ‘Abbâs : « utilisez un siwâk (petite branche de la taille d’une brosse-à-dent) » ce qui ne cause pas de blessure ou de fortes douleurs. Et là encore, c’est seulement après avoir usé du dialogue ou d’une « séparation physique », et qu’en cas de grande désobéissance. Le tabi’î (disciple d’un compagnon) ‘Atâ a dit, par rapport au verset : « Qu’il ne la frappe pas, même s’il lui donne un ordre et elle ne lui obéit pas ! » (rapporté par le juge malikite Abû Bakr Ibn al ‘Arabî). L’imâm as-Shaf’î dans son Kitâb Al Umm (et dont ses propos sont repris aussi par le grand exégète et juriste shafiite Fakhr ud-Dîn Ar-râzi dans son Tafsir al-Kabir) : « Le fait de corriger (légèrement, sans causer de blessure ou de douleur) est, dans ce cas extrême, autorisé mais le fait de ne pas la toucher est la meilleure solution ! ».

L’exégète Al Âlûsi dans son Rûh Al Ma’âni, ainsi que l’imâm As-Sâbûnî dans Ahkâm ul Qur’ân, citent l’accord entre les savants sur le fait que ne pas corriger (même légèrement) dans ce cas est la meilleure solution et le meilleur exemple à suivre.

Le Prophète (‘alayhî salât wa salâm) lui-même n’a jamais frappé ses épouses (cf. paroles explicites d’Aîsha dans le Sahîh Muslim et rapporté aussi par Abû Dawûd) et lui-même considérait ceux qui battaient leurs femmes ou les insultaient comme étant de mauvais musulmans (hadith Abû Dawûd) et disait « Ne frappez pas les femmes », rapporté par Abû Dawûd). De même, il y a interdiction de causer du tort au visage.

A une occasion, le Prophète (‘alayhî salât wa salâm) évoqua que de nombreuses femmes étaient venues se plaindre de leurs maris en raison de leur mauvais comportement, et dit à ce sujet : « Ceux-là (ces maris) ne sont pas les meilleurs d’entre vous » (hadîth rapporté par Ibn Hibbân et Ibn Mâjah).

Les divergences découlent de l’utilisation et de la lecture de certains ahadiths, tandis que certains exégètes ne se sont pas basés sur une lecture intégrale du Qur’ân (réunir tous les versets traitant de la même thématique) pour interpréter les textes.

Le passage qurânique en question dit : « Les hommes assument et prennent soin [doivent toujours se comporter convenablement ; qawwâmûna] des femmes, par la faveur qu’Allâh a accordée aux uns par rapport à d’autres, et par ce qu’ils ont fait circuler de leurs biens. Les femmes vertueuses [qânitât] se recueillent (spirituellement), gardiennes, devant le mystère, par ce qu’Allâh garde.  Quant à celles dont vous craignez l’hostilité/grande désobéissance [nushûz], exhortez-les, puis faites lit à part et, enfin, éloignez-vous d’elles [et provoquez un « choc » chez elles afin de montrer la gravité de la situation ; wa-dribûhunna]. Alors, si elles restent disponibles vis-à-vis de vous, ne désirez pas de recours contre elles. Et si vous craignez le désaccord entre les deux faites alors appel à un arbitre de la famille de l’époux et un de la famille de l’épouse. Si le couple souhaite au fond la réconciliation, Allâh rétablira l’entente entre eux… » (Qur’ân 4, 34-35). Ce verset est souvent mal traduit, mais en aucun cas le sens voulu ne peut être celui de la violence conjugale visant à causer du mal à son épouse, car cela contredit les versets antérieurs et postérieurs qui suivent, comme celui-ci : « Adorez Allâh et ne Lui donnez aucun associé. Agissez avec bonté envers (vos) père et mère, les proches, les orphelins, les pauvres, le proche voisin, le voisin lointain, le collègue et le voyageur, et les domestiques sous votre responsabilité, car Allâh n’aime pas, en vérité, le présomptueux, l’arrogant » (Qur’ân 4, 36). L’ordre d’agir avec bonté exclut la tyrannie, l’injustice, l’agression verbale ou physique, la maltraitance ou le meurtre. Même si les tensions sont vives ou difficiles, Allâh interdit de s’emporter au point de causer du tort à l’autre, ou même de se comporter de façon arrogante. Comme on peut voir, tous les versets du Qur’ân liés au mariage et au comportement, surtout envers les croyants et les proches en particulier, interdisent l’agression, la violence et la tyrannie. De même, le verset 34 de la Sûrate 4 ne parle pas de supériorité d’un genre (masculin) sur un autre genre (féminin), et même l’exégète Ibn ‘Abbâs, selon ce qui lui est attribué, commentait cette « faveur divine » comme étant le fait que l’homme a traditionnellement la charge de travailler pour sa famille, et avait donc le devoir de subvenir aux besoins de sa famille. Il s’agit ici d’une responsabilité en rapport avec le social, et non pas lié à une supériorité humaine de l’homme sur la femme dans l’absolu. Quant à l’autre passage, le sens ne peut pas être celui de « frapper » physiquement l’épouse, car dans tous les passages qurâniques où les termes arabes dérivés de la racine « DRB » sont employés dans le sens d’une frappe physique, le contexte s’y prête et Allâh indique la façon dont l’action se déroule (ou doit se dérouler), c’est-à-dire « frappe le sol avec un bâton »« frappe avec une petite brindille », « frappe le rocher », etc., ce qui n’est pas le cas ici, et où de plus, les versets antérieurs et postérieurs au verset 34 excluent une telle possibilité, qui ne règlera en aucun cas le conflit qu’il faut résoudre. Et par « nushûz » il faut entendre une désobéissance avérée impliquant la transgression d’un interdit Divin, et qui s’accompagne d’hostilité. Par exemple l’adultère, la maltraitance physique, la trahison envers son époux, etc., et non pas des choses banales liées aux préparations culinaires, des petites insultes, les tâches ménagères, etc., sauf si l’épouse le fait volontairement dans un but de provocation et ne respecte pas volontairement ses engagements pour nuire à l’époux. Et si jamais une telle chose devait arriver, le Qur’ân propose d’abord les exhortations, et si cela ne suffit pas, de faire lire à part pour exprimer son mécontentement, et elle ne revient pas à une attitude plus conciliante, alors manifester clairement la gravité de la situation mais sans violence. Et si les deux recherchent la réconciliation, alors il faut demander à une personne tierce de jouer le rôle de médiateur. En tous les cas, ce n’est pas en se montrant colérique et en frappant ou en humiliant son épouse, – ou son mari car la violence conjugale envers les hommes existe aussi -, que la situation peut s’améliorer, et qui n’engendrera que de la haine et de la frustration, – qui sont deux choses contraires à la finalité du mariage en Islam.

Allâh nous révèle dans le Qur’ân ceci également : « Ceux qui savent réprimer leur colère et pardonner à leurs semblables, car Allâh aime les bienfaisants » (Qur’ân 3, 134). Ce qu’Allâh attend donc du mari musulman, c’est de pouvoir réprimer leur ego en cas de colère, de savoir passer l’éponge, et d’agir de façon bienfaisante.

Et cet appel à l’endurance, au pardon et à la maîtrise de soi est valable dans toutes les situations de la vie courante :

« La bonne action et la mauvaise (action) ne sont pas pareilles. Repousse (le mal) par ce qui est meilleur (le bien) ; et voilà que celui avec qui tu avais une animosité devient tel un ami chaleureux. Mais (ce privilège) n’est donné qu’à ceux qui endurent et il n’est donné qu’au possesseur d’une grâce infinie.  Et si jamais le Diable t’incite (à agir autrement), alors cherche refuge auprès d’Allâh ; c’est Lui, vraiment l’Audient, l’Omniscient » (Qur’ân 41, 34-36).

« Tout ce qui vous a été donné [comme bien] n’est que jouissance de la vie présente; mais ce qui est auprès d’Allâh est meilleur et plus durable pour ceux qui ont cru et qui placent leur confiance en leur Seigneur, qui évitent [de commettre] les péchés les plus graves ainsi que les turpitudes, et qui pardonnent après s’être mis en colère, qui répondent à l’appel de leur Seigneur, accomplissent la Ṣalât, se consultent entre eux à propos de leurs affaires, dépensent de ce que Nous leur attribuons, et qui, atteints par l’injustice, ripostent. La sanction d’une mauvaise action est une mauvaise action [une peine nécessaire] identique. Mais quiconque pardonne et réforme, sa récompense incombe à Allâh. Il n’aime point les injustes ! Quant à ceux qui ripostent après avoir été lésés, …ceux-là pas de voie (recours légal) contre eux ; Il n’y a de voie [de recours] que contre ceux qui lèsent les gens et commettent des abus, contrairement au droit, sur la terre : ceux-là auront une correction douloureuse. Et celui qui endure et pardonne, cela en vérité, fait partie des bonnes dispositions et de la résolution dans les affaires » (Qur’ân 42, 36-43).

Le Prophète Muhammad (‘alayhî salât wa salâm) a dit : « « Oh Abû Dharr voudrais-tu que je t’indique deux qualités dont l’acquisition est très aisée, mais qui pèseront lourd dans la balance ? ». Certes, oui, ô Messager d’Allâh. « Tâche donc d’avoir un bon comportement et d’observer le silence, par Celui qui détient l’âme de Muhammad dans Sa main, d’entre toutes les bonnes actions accomplies par les créatures, rien ne vaut ces deux qualités » » (Hadîth rapporté par Ibn Abî ad-Dûnya).

Le Prophète Muhammad (‘alayhî salât wa salâm) a dit : « Fait partie des nobles traits de caractère, le fait de pardonner à celui qui se montre injuste envers toi » (Hadîth rapporté par al-Bayhaqî dans « Al-Shu’ab », n°8077).

« Ils n’aiment pas être humiliés, et quand ils ont pris le dessus, ils pardonnent » (hadîth rapporté dans le Sahîh d’al-Bukharî).

Et que les gens injustes ne pensent pas que leur injustice restera sans conséquence, car comme nous le dit Allâh dans Sa Parole : « Et ne pense point qu’Allâh soit inattentif à ce que font les injustes. Il leur accordera un délai jusqu’au jour où leurs regards se figeront » (Qur’ân 14, 42).

Un autre hadîth stipule clairement que : « Les meilleurs parmi vous ne battent pas, n’insultent pas et n’abandonnent pas les femmes » (Hadîth rapporté par Abû Dawûd, nikâh n°1840). Par déduction, les mauvais musulmans sont donc ceux qui battent, insultent et abandonnent les femmes.

« Qu’aucun d’entre vous ne frappe sa femme comme on bat un esclave pour ensuite dormir avec elle la nuit » (Hadîth rapporté par Al-Bukharî et Muslim).

Mu’âwiya b. Hayda rapporte : « Je demandai à l’Envoyé d’Allâh : « Quels droits nos épouses ont-elles sur nous ? ». Il répondit : « Elles ont droit, tout comme vous, à la nourriture et à l’habillement et vous ne devez ni les frapper au visage, ni les insulter et (si vous êtes irrités contre elles) continuez néanmoins d’entretenir avec elles des relations normales sauf en ce qui concerne les rapports conjugaux » » (Hadîth rapporté par Abû Dâwûd)

Iyyâs b. ‘abd Allâh b. abû Dhubâb rapporte ces propos de l’Envoyé d’Allâh : « Ne frappez pas les servantes d’Allâh (les femmes) ». Peu après ‘Umar vint trouver l’Envoyé d’Allâh pour lui dire : « (Maintenant) les femmes se montrent insolentes vis à vis de leurs époux ». Alors le Prophète toléra qu’on les corrigeât (légèrement), mais un grand nombre de femmes vinrent se plaindre de leur époux auprès des femmes du Prophète (‘alayhî salât wa salâm) qui déclara : « De nombreuses femmes sont venues se plaindre de leur époux auprès de la famille de Muhammad. Ceux-là ne sont certes pas les meilleurs d’entre vous » » (hadîth rapporté par Abû Dawûd), c’est-à-dire qu’il blâma leur mauvais comportement.

Le Prophète Muhammad (‘alayhî salât wa salâm) a dit : « Celui qui honore les femmes est un noble et celui qui les méprise n’est qu’un cabot » (hadîth rapporté par Ibn ‘Asakîr dans son Tarikh Dimashq, 13/313, la chaine de la version de ce hadîth a été jugée faible, mais le sens est conforme au Qur’ân, à la Tradition prophétique et au comportement des nobles compagnons et des ‘awliya).

Un autre hadîth nous dit : « La douceur n’a jamais été présente dans une chose sans qu’elle ne l’ait embellie et la dureté n’a jamais été présente dans une chose sans qu’elle ne l’ait enlaidie et certes Allâh est doux et aime la douceur » (rapporté par Al-Bazzâr).

Muslim rapporte dans son Sahîh les 3 ahadiths suivants : « Allâh est doux et Il aime la douceur. Il donne pour la douceur ce qu’il ne donne pas pour la violence ni pour aucune autre qualité » ; « Lorsqu’une chose est ornée de douceur, elle l’embellit, et lorsqu’elle en est privée, elle l’enlaidit » et « Celui qui est privé de douceur est privé de tout bien ».

Al-Bayhaqî, quant à lui, a rapporté ce hadîth célèbre : « Celui qui est facile à vivre, calme et doux, Allâh l’interdit à l’enfer ».


Nous trouvons également dans la Tradition prophétique, les paroles suivantes : « Le plus parfait des croyants est celui qui a la meilleure conduite. Les meilleurs d’entre vous sont ceux qui sont les meilleurs avec leurs femmes » (hadîth rapporté par At-Timirdhî), « Ne frappez pas vos femmes » (Hadîth rapporté par At-Tirmidhî), et lors du sermon d’adieu, le Prophète a rappelé l’importance des enseignements fondamentaux de l’Islam, dont celui de bien se comporter avec les femmes : « (…) Ô peuple ! Il est vrai que vous avez certains droits à l’égard de vos femmes, mais elles aussi ont des droits sur vous. Souvenez-vous que c’est par la permission d’Allâh que vous les avez prises pour épouses et que c’est Allâh qui vous les a confiées. Si elles respectent vos droits, alors à elles appartiennent le droit d’être nourries et habillées convenablement. Traitez donc bien vos femmes et soyez gentils avec elles, car elles sont vos partenaires et elles sont dévouées envers vous » (Hadîth rapporté par al-Bukharî, Muslim, Ahmad, At-Tirmidhî et d’autres).

La justice et la piété sont des devoirs qui incombent à tout croyant digne de ce nom :

« Certes, Allâh enjoint la justice, la bienfaisance et l’assistance aux proches. Et Il interdit l’indécence, l’injustice et la rébellion » (Qur’ân 16, 90).

« Nous avons effectivement envoyé Nos messagers avec des preuves évidentes, et Nous avons révélé, par leur intermédiaire, l’Écriture et la Balance, afin que les gens établissent la justice » (Qur’ân 57, 25).

« Adorez Allâh et ne Lui donnez aucun associé. Agissez avec bonté envers (vos) père et mère, les proches, les orphelins, les pauvres, le proche voisin, le voisin lointain, le collègue et le voyageur, et les domestiques sous votre responsabilité, car Allâh n’aime pas, en vérité, le présomptueux, l’arrogant » (Qur’ân 4, 36).

« La bonté pieuse ne consiste pas à tourner vos visages vers le Levant ou le Couchant. Mais la bonté pieuse est de croire en Allâh, au Jour dernier, aux Anges, au Livre et aux prophètes, de donner de son bien, quelqu’amour qu’on en ait, aux proches, aux orphelins, aux nécessiteux, aux voyageurs indigents et à ceux qui demandent l’aide et pour délier les jougs, d’accomplir la Salât (prière rituelle) et d’acquitter la Zakât (aumône obligatoire). Et ceux qui remplissent leurs engagements lorsqu’ils se sont engagés, ceux qui sont endurants dans la misère, la maladie et quand les combats font rage, les voilà les véridiques et les voilà les vrais pieux » (Qur’ân 2, 177), c’est-à-dire que tout comme le verset précédemment cité, la bonté pieuse est une obligation morale universelle et possède une portée générale incluant toutes les catégories de personne et toutes les classes sociales, où le musulman doit leur manifester de la bonté et être animé par la confiance en Allâh, la bienveillance à l’égard des créatures et de leur manifester de la bonté, tout en étant humble et équitable, sans jamais rompre leurs bonnes promesses et leurs engagements divers (professionnels, sociaux, familiaux, …).

De même, tous les éléments relatifs à la vie conjugale doivent aussi inclure ces versets qûraniques : « …Ne les soumettez pas (vos femmes) à des contraintes, dans le but de leur reprendre une partie de ce que vous leur avez donné, à moins qu’elles n’aient commis un adultère prouvé. Entretenez de bons rapports avec vos femmes, et si vous avez quelque aversion pour certaines d’entre elles, sachez que l’on peut avoir parfois de l’aversion pour une chose qui peut cependant être pour vous la source d’un grand bonheur (bienfait) » (Qur’ân 4, 19).

« Et faites que ces femmes habitent où vous habitez, et suivant vos moyens. Et ne cherchez pas à leur nuire en les contraignant à vivre à l’étroit. Et si elles sont enceintes, pourvoyez à leurs besoins jusqu’à ce qu’elles aient accouché. Puis, si elles allaitent [l’enfant né] de vous, donnez-leur leurs salaires. Et concertez-vous [à ce sujet] de façon convenable. (…) » (Qur’ân 65, 6).

L’importance de l’épouse, et de sa protection, relève du sacré en Islam. Le Prophète Muhammad (‘alayhî salât wa salâm) dit en effet : « Celui qui meurt en défendant sa femme est un martyr » (hadîth rapporté par Abû Dawûd dans ses « Sunan » n°4772, et par At-Tirmidhî dans ses « Sunan » n°1421). Dans le hadîth rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunan selon Sa`îd ibn Zayd, il est dit : « Celui qui est tué en défendant ses biens, est un martyr. Celui qui est tué en défendant sa religion, est un martyr. Celui qui est tué en défendant sa vie, est un martyr. Et celui qui est tué en défendant sa famille, est un martyr ».

Et par rapport à l’épouse, qui devient une mère, dans le Qur’ân, nous pouvons y trouver les conseils du Prophète Luqmân le Sage adressés à son enfant (ici un fils, mais qui n’est pas spécifique à l’identité masculine) :
« Nous avons effectivement donné à Luqmân la sagesse : « Sois reconnaissant envers Allâh, car quiconque est reconnaissant, n’est reconnaissant que pour soi-même ; quant à celui qui est ingrat… En vérité, Allâh se dispense de tout, et Il est digne de louange ».
Et lorsque Luqmân dit à son fils tout en l’exhortant : « Ô mon fils, ne donne pas d’associé à Allâh, car l’association à [Allâh] est vraiment une injustice énorme ».
Nous avons commandé à l’humain [la bienfaisance envers] ses père et mère ; sa mère l’a porté [subissant pour lui] peine sur peine : son sevrage a lieu à deux ans. « Sois reconnaissant envers Moi ainsi qu’envers tes parents. Vers Moi est la destination. Et si tous deux te forcent à M’associer ce dont tu n’as aucune connaissance, alors ne leur obéis pas (en cela) ; mais comporte-toi avec eux ici-bas de façon convenable. Et suis le sentier de celui qui se tourne vers Moi. Vers Moi, ensuite, est votre retour, et alors Je vous informerai de ce que vous faisiez ».
« Ô mon enfant, fût-ce le poids d’un grain de moutarde, au fond d’un rocher, ou dans les cieux ou dans la terre, Allâh le fera venir [le jour des comptes au Jugement dernier]. Allâh est infiniment Doux et Parfaitement Connaisseur.
Ô mon enfant accomplis la Ṣalât, commande le convenable, interdis le blâmable et endure ce qui t’arrive avec patience (et endurance). Telle est la résolution à prendre dans toute entreprise !
Et ne détourne pas ton visage des hommes, et ne foule pas la terre avec arrogance : car Allâh n’aime pas le présomptueux plein de gloriole. Sois modeste dans ta démarche, et baisse ta voix, car la plus détestée des voix, c’est bien la voix des ânes » »
(Qur’ân 31, 12-19).

Dans un autre verset, nous lisons : « Nous avons enjoint à l’humain la bonté envers ses père et mère. Sa mère l’a porté et l’a enfanté avec peine. Depuis le moment où elle l’a porté, jusqu’à l’époque de son sevrage, trente mois se sont écoulés » (Qur’ân 46, 15).

De même, le Prophète Muhammad (‘alayhî salât wa salâm) a dit : « « Ô Messager d’Allâh, quelle est la personne la plus digne de ma bonne compagnie ? ». Il répondit : « Ta mère ». L’homme reprit : « Qui d’autre, ensuite ? ». Il répondit : « Ta mère ». L’homme répéta : « Qui d’autre, ensuite ? ». Il répondit de nouveau : « Ta mère ». « Ensuite ? » demanda l’homme une dernière fois ; il répondit alors : « Ton père » » (Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh).

De façon générale, une égalité sur le plan de la valeur et de la piété est soulignée dans le Qur’ân : « Les Musulmans et Musulmanes, croyants et croyantes, obéissants et obéissantes, loyaux et loyales, endurants et endurantes, pieux et pieuses, donneurs et donneuses d’aumône, jeûnants et jeûnantes, gardiens de leur chasteté et gardiennes, invocateurs souvent d’Allâh et invocatrices : Allâh a préparé pour eux un pardon et une énorme récompense » (Qur’ân 33, 35) et « Les croyants et les croyantes sont alliés les uns des autres. Ils commandent le convenable, interdisent le blâmable accomplissent la Salât, acquittent la Zakât et obéissent à Allâh et à Son messager. Voilà ceux auxquels Allâh fera miséricorde, car Allâh est Puissant et Sage » (Qur’ân 9, 71). Ces deux versets soulignent à la fois leur égalité sur le plan humain comme sur les plans religieux et spirituel, tout en mettant en exergue leur solidarité et leur complémentarité dans l’aspiration vers Allâh et les bonnes oeuvres.

L’éducation prophétique, et l’éthique du Qur’ân, exigent du croyant le bon comportement et la patience, et non pas le suivi de ses passions et l’attitude tyrannique ou colérique. La règle générale est donc de bien se comporter, à faire preuve de douceur et de compassion, d’empathie et de sagesse.


Les divergences juridiques

Cependant, entre les principes et les idéaux qurâniques et prophétiques d’une part, et les avis juridiques d’autre part, élaborés au fil du temps par les juristes musulmans, on note des différences induites souvent par des conceptions culturelles, des arguments juridiques privilégiant certains éléments au lieu d’autres arguments textuels, etc.

Face à ces divergences, le musulman doit toujours aspirer à l’excellence, et ne pas forcément suivre des avis juridiques qui pourraient nuire clairement, quand bien même certains juristes auraient considéré comme étant « licite », certaines pratiques, mais qui ne relèvent ni de l’obligation ni de la recommandation.

Il est par exemple rapporté que : « D’après ash-Shâfi’î, al-Muhallab et d’autres, l’épouse n’est pas obligée d’effectuer les tâches ménagères. Si elle le fait, ce ne sera que pure gentillesse de sa part. L’acte de mariage est un contrat qui exprime l’accord de vivre ensemble et d’avoir des relations intimes ensemble, et non la nécessité pour la femme de faire les tâches ménagères, disent ces savants » (Ibn al-Qayyim al-Jawziyya, Zâd ul-ma’âd, tome 5).

Citons aussi la Fatwa du hafiz al Qawarî (traduite par un étudiant du madhab malikite), qui est le savant de l’école malikite de sa génération pour beaucoup de malikites. Il est aussi le maître du célèbre juriste et sûfi Ahmad Zarrûq et le disciple du fameux Shaykh Ibn ‘Ashir (l’auteur du matn Ibn ‘Ashir). Le Shaykh Abû ‘Abdillah al Qawarî fut interrogé sur la pratique des femmes de confectionner leurs habits et les autres travaux domestiques qu’elles accomplissent quand il y a une dispute avec le mari. Est-ce que la femme doit être forcée de les faire ou pas ? Lui est-il permis de poser cela comme condition au moment du mariage ?

Il dit alors dans sa fatwa : « Rien n’est obligatoire à la femme concernant les travaux domestiques, que ce soit pour elle ou pour son mari. Ceci est l’opinion primaire inscrite dans la Mudawwanah et dans d’autres ouvrages. Dans la mudawwanah, il est rapporté selon Rabi’ah que les deux époux doivent se donner assistance dans les travaux domestiques, dans l’aisance ou dans la difficulté et cela est conforme à ce qui est dans le livre de Ibn Habib. Cependant, cette opinion est contraire au premier avis évoqué qui se trouve dans la Mudawwanah ainsi que dans al ‘Utbiyyah. Il est rapporté de ‘Abdul haqq qu’il doit être pris en compte, sur cette question, l’habitude et la coutume du pays. Si la coutume des gens de ce pays est que la femme fait les travaux qui sont liés à sa personne, comme les femmes de Daylam, elle sera jugée par rapport à cela. Ibn Khuwayz Mandad opte pour le fait que la femme fera les travaux qui incombent aux femmes de sa condition. La femme qui est peu recherchée (daniyyah) devra balayer, faire le lit, cuisiner, chercher de l’eau si c’est cela la coutume du pays. Ce qu’ont dit Ibn Maslamah et Ibn Nafi’ sur cette question est connu. L’auteur de Taqyid al Risalah a rapporté du Shaykh Abû Fadl Rashid : il est obligatoire aux femmes berbères de faire les travaux domestiques qui leurs sont habituels car c’est selon cela qu’elles se marient. Mais le mashhur sur lequel on donne fatwa est qu’il ne lui est pas obligatoire de faire ces travaux. Elles n’ont pas à tisser ou à filer ou à faire tout autre chose. Si elle fait cela de bonne volonté et de sans aucun caractère obligatoire, il n’y a pas de divergence sur la licéité pour le mari et le fait qu’il en tire profit ou tire profit du prix de ses travaux domestiques. Le fait qu’elle arrête par la suite ne fait pas obstacle à ce dont il a tiré profit avant… ».

Il dit encore plus loin : « Dans al Burzilî (…) : « Le shaykh Abû Muhammad Salih a dit : « Si les travaux domestiques sont posés comme condition du mariage à la femme, ce mariage est annulé avant sa consommation et maintenu après » ».

Ainsi comme il est noté dans Al Nawazil al Sughra (2/296) de l’imam al Wazzanî, si le mari ordonne à la femme d’effectuer certaines tâches ménagères, elle n’est pas tenue de lui obéir en cela car il ne s’agit pas d’une obligation religieuse, et que le mari se doit de bien se comporter envers son épouse.

Pour éviter les mauvaises surprises, d’un côté comme de l’autre, l’époux et l’épouse doivent prendre leurs précautions et inscrire dans le contrat de mariage leurs conditions (la monogamie exigée par la femme pour son mari, – tant qu’elle ne renie pas le caractère autorisé de la polygamie du point de vue religieux -, l’accomplissement de certaines tâches, l’abstention de certaines pratiques, etc.) tant qu’ils n’interdisent rien de ce qui est obligatoire (sur le plan religieux), ni qu’ils autorisent ce qui est clairement considéré comme « illicite » ou qui relève de l’impossible à accomplir. Les deux pourront ensuite revoir et renégocier ensemble leurs conditions via un accord commun. Cela est autorisé par exemple chez les shafiites (comme nous l’a dit récemment le Shaykh Abû Zakariyya al-Shafi’î al-Hussaynî) et d’autres.

A cette question, le célèbre Shaykh Sayyid Sâbiq répondit :

« Certaines conditions susceptibles d’être inclues dans le contrat de mariage peuvent être en faveur de la femme, comme lorsque le mari s’engage à ne pas éloigner sa femme de sa demeure ou de sa ville, à ne pas l’emmener en voyage, et à ne pas lui donner une co-épouse, etc.

Certains savants estiment qu’un tel contrat de mariage est valide, mais que les conditions qui l’accompagnent sont nulles et que, par conséquent, l’époux n’est pas obligé de les remplir. Ceci est l’avis d’Abû Hanîfah, d’Ash-Shâfi`î et de nombreux autres juristes. En soutien à leur point de vue, ces savants avancent les preuves suivantes :

— On rapporta que le Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — dit : « Les musulmans sont contraints par leurs engagements, sauf à transformer le licite en illicite ou à transformer l’illicite en licite ». Ils estiment que la clause posée par la femme stipulant que son mari ne prenne pas une autre épouse en même temps qu’elle, ou qu’il ne l’emmène pas avec lui dans ses voyages est une clause nulle et sans valeur car elle rend illicite un acte licite à savoir le mariage ou le fait de l’emmener dans ses voyages.

— On rapporta également que le Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — dit : « Toute condition non soutenue par le Livre d’Allâh est nulle, fussent-elles cent. » Les savants affirment que de telles conditions n’ont aucune base dans le Livre d’Allâh et qu’elles ne doivent donc pas être inclues dans le contrat de mariage.

— Ils estiment également que ces conditions n’ont aucun rapport avec la conclusion du contrat de mariage [1].

Un autre groupe de juristes sont d’avis que si la femme stipule dans le contrat de mariage que son mari n’épouse pas une autre femme en même temps qu’elle et que ce dernier ne remplit pas cette condition, le contrat devient nul et invalide. Cet avis est soutenu par `Umar Ibn Al-Khattâb, Sa`d Ibn Abî Waqqâs, Mu`âwiyah, `Amr Ibn Al-`Âs, `Umar Ibn `Abd Al-`Azîz, Jâbir Ibn Zayd, Tâwûs, Al-Awzâ`î, Ishâq et les juristes hanbalites. En soutien à leur point de vue, ce groupe de savants citent les preuves suivantes :

— Allâh — Exalté soit-Il — dit : « Ô les croyants, remplissez vos engagements » (Qur’ân 5, 1).

— Les Imâms Al-Bukhârî et Muslim rapportèrent selon `Uqbah Ibn `Âmir que le Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — dit : « Les conditions que vous êtes le plus tenus de respecter sont celles par lesquelles vous avez rendu légales les relations maritales ». Chaîne de narration à l’appui, Al-Athram rapporta qu’un homme épousa une femme ; celle-ci avait stipulé dans le contrat de mariage que son époux lui procure une certaine maison. Son mari voulut ensuite qu’elle habite dans une autre maison alors elle porta plainte devant `Umar Ibn Al-Khattâb. `Umar jugea que l’on devait procurer à cette femme la maison stipulée dans son contrat de mariage.

— De plus, ces savants jugèrent que la condition posée par la femme stipulant que son mari n’épouse pas une autre femme en même temps qu’elle est contraignante car elle donne un avantage à la femme sans contredire les objectifs du mariage. Elle ressemble, en ce sens, à l’exigence d’une dot plus élevée. Ibn Qudâma préféra cet avis au précédent et dit : « Telle fut l’opinion des Compagnons et nous ne connaissons personne ayant divergé avec eux de leur vivant. De plus, le hadîth selon lequel « Toute condition non soutenue par le Livre d’Allâh est nulle […] » désigne toute condition incompatible avec les règles de la Sharî`ah alors que ce genre de condition est recevable et nous avons cité les preuves qui soutiennent sa recevabilité. Par conséquent, quiconque doute de sa recevabilité doit soutenir son point de vue par des preuves ».

Partant de la fatwa ci-dessus, la femme a le droit de stipuler dans le contrat de mariage que son mari ne prenne pas une autre épouse en même temps qu’elle et cette condition sera contraignante, car même si la polygamie est un droit selon certaines conditions, elle n’est pas une obligation, tout comme il est permis de manger une pomme religieusement mais ce n’est pas une obligation pour autant. Si l’homme épouse une autre femme, l’épouse a alors le choix entre obtenir le divorce ou rester avec lui en tant que co-épouse.

Quant à quelques autres avis juridiques étranges ou pouvant comporter clairement une nuisance à l’épouse, – en tout cas à notre époque où les conditions et mentalités ont clairement changé par rapport à l’époque où ces fatawa ont été promulguées dans un contexte particulier -, souvenons-nous de ceci :

1) S’il n’y a plus aucune utilité dans ces avis.

2) Si les abus et traumatismes sont légions (et que cela contredit la finalité de la Sharî’ah).

3) Que ces avis ne font pas consensus.

4) Et que des savants reconnus ont contesté ces avis.

Alors les musulman(e)s devraient éviter clairement de les mettre en pratique, et opter pour des pratiques moins douteuses, plus bénéfiques, et qui sont conformes à la bienséance.

Et enfin, le musulman comme la musulmane, doivent sans cesser se rappeler que l’on sera interrogé sur nos intentions et nos actions envers toutes les créatures d’Allâh et sur Sa Création, et qu’il convient de ne pas bafouer Ses droits tout comme ceux de Ses créatures !


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