La Loi divine est-elle supérieure aux lois humaines ?

« Dis : « En vérité, ma Salât, mes actes de dévotion, ma vie et ma mort appartiennent à Allâh, Seigneur des mondes » (Qur’ân 6, 162).

  La réponse est évidemment affirmative. Si on part du principe que Dieu (Allâh) a créé les mondes et les êtres humains, et si nous sommes en mesure de déterminer l’origine divine de Sa Loi (contrairement à certaines prétentions humaines qui sont fausses, confondant leur propre loi ou compréhension erronée avec celle de la Loi divine), alors évidemment et logiquement, Sa Loi est en soi supérieure pour des raisons métaphysiques, théologiques et philosophiques évidentes.

  Par ailleurs, les lois humaines varient d’un pays à l’autre et s’opposent souvent entre elles, et beaucoup sont édictées par des criminels ou des gens sots dont l’intelligence n’est pas reconnue, tandis que d’autres sont imposées sans même consulter les populations concernées. Rien qu’en Occident, nous voyons que des millions de personnes dans chaque pays d’Europe ou d’Amérique du Nord, contestent de nombreuses lois en vigueur, qu’ils considèrent soit comme illégitimes, soit comme injustes, absurdes ou inadaptées à la réalité, ou encore appliquées de façon arbitraire quand il s’agit des proches du pouvoir ou de certains riches.

  Pour les Musulmans, tout comme pour les Juifs, Chrétiens, Hindous, Bouddhistes, etc. qui sont conscients et connaisseurs de leur Religion et de leur tradition spirituelle, la loi religieuse ou les principes de leur Religion sont nécessairement plus légitimes et supérieurs aux lois humaines. De même, leur amour pour le Divin, leurs parents ou leurs proches, pour la vie, le Sacré, l’intelligence, la justice universelle et la dignité humaine, dépasse, surpasse et transcende les lois humaines et les systèmes politiques faillibles et faillis. Or en France, on veut reprocher par exemple aux Musulmans d’être intelligents et cohérents avec leurs principes, et alimenter un odieux amalgame. En effet, considérer un régime politique (d’autant plus quand il est corrompu, pervers, obscurantiste, hypocrite, criminel et injuste comme l’est celui de la France) comme inférieur à la Loi divine ou au respect que l’on porte à nos parents ou nos enfants, ne signifie pas pour autant que cela reviendrait à s’attaquer à nos concitoyens, à semer la terreur dans la société, ou à ne pas respecter les lois qui de fait, sont en vigueur, quand bien même certaines d’entre elles ne seront respectées qu’à contre-coeur. Contester intellectuellement les faiblesses ou dérives d’un régime relève simplement du bon sens, de la liberté de conscience et de l’esprit critique. Et l’Islam demande, tout en cultivant le Tawhid, d’être aussi bienfaisant envers les autres citoyens, qu’ils soient Musulmans ou non, et de ne pas se rebeller contre l’autorité politique ou la loi humaine en vigueur, tant que la liberté de conscience et de culte ainsi que notre sécurité sont garanties. Et tout en interdisant la violence, l’islam demande aux croyants de débattre intellectuellement sur de bonnes bases, ou d’utiliser les moyens politiques, économiques, intellectuels ou sociaux pour diminuer les injustices, changer positivement les consciences, exposer sagement la fausseté des superstitions liées au kufr et au shirk, et d’assurer toujours plus de justice, de compassion, de solidarité, de spiritualité et de sécurité aux citoyens.

  Tant que ledit État n’impose pas de commettre des péchés (comme le shirk, le meurtre, l’adultère, le viol, le pillage, l’agression, la calomnie, etc.), les Musulmans sont tenus de respecter les institutions et lois en vigueur, même si certaines d’entre elles ne seraient pas du tout légitimes en soi (ni selon la Loi divine, ni selon l’assise populaire). Comme nous l’avions déjà développé ailleurs, nous avons un excellent exemple avec les Compagnons du Prophète (ﷺ) ayant émigré en Abyssinie (alors terre chrétienne) pour fuir la persécution. Ils se contentèrent de vivre paisiblement leur religion, leur vie de famille et de leur vie professionnelle tout en vivant en bonne intelligence avec les autres communautés, et sans semer le trouble dans la société ni se rebeller contre le pouvoir politique dont le dirigeant était qualifié de « juste » dans un pays de « sécurité et de justice » par le Prophète (ﷺ). Ainsi, les Sahâba, comme ils vivaient en bonne harmonie et adoptaient une attitude responsable, bienveillante, sage, intelligente et agréable envers les autres, cela suscitait aussi la sympathie des autres communautés et du Négus à leur égard, voyant en eux non pas un danger, mais une « force ». Même si l’islamophobie actuelle est en partie la manifestation d’un racisme aberrant et d’une manipulation politique (de la part de gens pervers et criminels, voyant dans l’islâm un danger pour leurs méfaits et leur business sale, et dans les Musulmans un obstacle à leur emprise totalitaire sur les sociétés actuelles), il n’en demeure pas moins que certains groupes se disant « musulmans » empirent la situation de par leur manque de bon comportement, d’intelligence, de compassion et d’attitude responsable et chevaleresque.

  Il y a cependant une règle d’or en Islam à respecter concernant la loyauté et la civilité : tolérer les autres et respecter les lois en vigueur, mais ne jamais commettre de péchés ou de choses impliquant l’idolâtrie, l’injustice, l’oppression ou un péché manifeste.

  Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Nulle obéissance dans les actions qui sont mauvaises et blâmables (et impliquant la désobéissance à Allâh), l’obéissance ne se fait que pour ce qui est bon, juste et convenable et qui est reconnu universellement (comme étant une bonne chose) »[1] et « L’écoute et l’obéissance sont exigées de chaque musulman – dans ce qu’il aime et ce qu’il n’aime pas – tant que cela n’implique pas la désobéissance (au Créateur) dans ce qui constitue un péché ou un acte blâmable et nuisible. Si on lui ordonne de désobéir à Allâh (dans un acte légiféré et relevant du bien), alors aucune écoute ou obéissance (envers celui qui donne un ordre illicite ou injuste) n’est exigée de lui »[2].

  Le Prophète Muhammad (ﷺ) a dit par ailleurs : « Ne soyez pas des suiveurs idiots et aveugles. Ne dites pas : « si les gens font le bien, nous le ferons aussi, et s’ils se conduisent injustement, nous nous conduirons comme eux ». Fixez votre pensée, et décidez que si les gens font le bien, vous le ferez aussi, mais s’ils se conduisent méchamment, vous ne vous laisserez pas entraîner à l’injustice »[3].

  Le Sahâbi ‘Abdullâh Ibn Mas’ûd (m. 32 H) a dit : « Ne soyez pas comme des moutons ». On lui demanda : « C’est-à-dire ? ». Il répondit : « C’est de se dire : Je suis les gens. S’ils empruntent le droit chemin (et le bien) je l’emprunte avec eux et s’ils s’égarent (du droit chemin et du bien), je m’égare avec eux. Que chacun d’entre vous se prépare à ne pas renier sa religion si un jour tout le monde la reniait » comme le rapporte par exemple Ibn Al-Qayyîm dans Al-Fawâ’îd.

  A propos des parents non-musulmans, et ce même s’ils mettent une pression pour que leur enfant musulman abandonne l’Islam ou commettent de l’idolâtrie, Allâh dit : « Et si tous 2 te forcent à M’associer (en commettant le shirk ou le kufr) ce dont tu n’as aucune connaissance, alors ne leur obéis pas (en cela) ; mais reste avec eux ici-bas de façon convenable et respectueuse. Et suis le sentier de celui qui se tourne (sincèrement et intégralement) vers Moi. Vers Moi, ensuite, est votre retour, et alors Je vous informerai de ce que vous faisiez »  (Qur’ân 31, 15). La notion de « Musahaba » signifie le fait de les accompagner (ici-bas), de ne pas les abandonner (sauf en cas de force majeure ou par nécessité), passer du temps avec eux en étant à leur écoute et à leur service, maintenir une bonne relation avec eux, se montrer patient, tolérant, gentil, bienfaisant, généreux (dans le licite), compatissant, juste, équitable et endurant malgré les désaccords ou la difficulté dans certaines relations. Pour la notion de « Ma’rûfan », il s’agit de toute attitude empreinte de bienveillance, de bonté, de savoir-vivre et de tout ce qui est reconnu dans la société (parmi les vertueux, les justes et les sages) comme étant convenable, louable, bénéfique, bon, etc. Il s’agit donc dans ce verset, d’ordonner aux musulman(e)s d’être gentils, aimables, courtois, respectueux, bienveillants et à l’écoute des parents, fussent-ils des non-musulmans n’aimant pas l’Islam ou incitant leurs enfants à commettre du shirk (le plus grand péché sur le plan intellectuel/théologique). Le verset, tout en exigeant du Musulman qu’il n’obéisse pas à l’autorité parentale et à toute autre autorité lui ordonnant de commettre un péché (comme le shirk, le meurtre, la sorcellerie, l’oppression, l’adultère, l’agression, le vol, le banditisme, se droguer, etc.), lui demande tout de même de rester courtois et bienveillant, tout en maintenant les liens de parenté autant que faire se peut avec ses parents ou les autres personnes de la société.

  Il y a une attitude hypocrite également qu’il nous faut signaler concernant certains États occidentaux, comme la France car ils interdisent la liberté de culte, d’expression ou de manifester de façon arbitraire, exigent des citoyens (Musulmans ou non) de soutenir un génocide ou une oppression, et d’accepter toutes les injustices commises par les autorités politiques qui ne respectent même pas une partie de leurs propres lois, et qui veulent d’un autre côté modifier aussi la loi à leur convenance car ne pouvant pas interdire aux Musulman(e)s certains de leurs droits qui ne sont pas contraires à la « loi actuelle ». Ainsi, car les Musulmans ne sont pas « hors la loi », ils cherchent à la modifier constamment pour justifier des violations de leurs droits fondamentaux, violations qui touchent aussi de plus en plus les citoyens non-Musulmans. Encore plus hypocrite, ils appellent à obéir aveuglément à des lois liberticides et criminelles en France, mais incitent les populations d’autres pays à verser dans le terrorisme, la révolte ou le séparatisme contre d’autres États , et étrangement, pas dans les pires dictatures ou régimes de la planète (que la France soutient), mais seulement quand les autres États font la promotion de l’indépendance politique et économique, la pudeur, la spiritualité, la justice sociale et la solidarité avec des peuples réellement opprimés.

  Aussi, il existe des lois humaines qui sont nouvelles et qui ne contredisent en rien la Loi divine, elles sont donc permises voire même nécessaires, comme les lois et règles du code de la route, du code maritime, du code du commerce, des règles dans les sports, etc., à condition qu’elles ne comportent pas des dangers majeurs pour la foi, la vie, la santé, la sécurité et la dignité des gens ou des animaux.

Quoi qu’il en soit, peu importe le pays et le système politique dans lesquels vivent les Musulmans, ils ne doivent pas oublier qu’il est une obligation religieuse pour eux, de bien se comporter envers leurs voisins et les autres communautés, et que même lorsqu’ils doivent exprimer leurs désaccords, ils doivent le faire avec adab et sagesse. Le Prophète (ﷺ) a dit : ‎« Lorsqu’une chose est ornée de douceur, elle l’embellit, et lorsqu’elle en est privée, elle l’enlaidit » [4] et : « Quiconque a reçu sa part de compassion, de douceur, de gentillesse, de bonté et d’amabilité a reçu sa part de bien. (Mais) quiconque à qui l’on refuse sa part de compassion, de douceur, de gentillesse, de bonté et d’amabilité a été privé de sa part de bien. Le Jour de la Résurrection, rien ne pèsera plus lourd dans la Balance du croyant que le bon comportement et les bonnes manières. Et Allâh réprouve l’individu indécent et grossier » [5]. Dans la version rapportée par Al-Bukharî, la notion de « Rifq » est employée, et celle-ci englobe notamment les qualités et valeurs suivantes : la douceur, la gentillesse, la bonté, la compassion, la patience, la convivialité, la tolérance, etc.

Ainsi, comme l’a dit le Prophète (ﷺ) à maintes reprises et comme on peut aussi le lire dans le Qur’ân, les vrais croyants sont ceux dont le sens de la justice, la compassion, la douceur, l’amour bienveillant envers les gens, la patience, la pudeur, la modestie, l’humilité, la bonté, la sagesse, la sincérité, la maitrise de soi, la bienfaisance, la charité et la volonté de faire la paix plus que d’alimenter le conflit, prédominent dans leur cœur et se manifestent dans leurs paroles, leurs actes et leurs aspirations, Or, de tout cela, aussi bien les rigoristes que ceux qui sont animés par une mentalité matérialiste ou kharijite en sont dépourvus, et ne sauraient donc représenter l’Islam ou incarner la guidance et la lumière de l’Islam. Ce n’est pas la maitrise des terminologies ou détails théologiques, juridiques, politiques ou philosophiques qui pèsera lourd sur la balance – car beaucoup se cachent derrière pour impressionner la « galerie » -, mais bien ceux qui, tout en cultivant une foi sincère envers Allâh par l’intériorisation du Tawhîd et du Tawakkul, en manifestaient aussi les plus belles manières et les plus nobles caractères dans leur relation à Ses créatures et à Sa Création, respectant leurs droits, faisant le bien, s’abstenant de leur nuire ou de semer la corruption, la haine, le désordre, la peur ou le fanatisme ici-bas.


Notes :

[1] Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°7257 selon ‘Alî, Ahmad dans son Musnad n°724, Muslim dans son Sahîh n°1840, Abû Dawûd dans ses Sunân n°2625 et d’autres, avec quelques variantes.

[2] Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°1707 selon Ibn ‘Umar, Abû Dawûd dans ses Sunân n°2626 selon Ibn Mas’ûd ainsi que d’autres narrations voisines par ‘Alî, Imran Ibn Hussayn et d’autres.

[3] Rapporté par at-Tirmidhî dans ses Sunân n°2007 selon Hudayfa, hassan, et sahîh selon la version d’Ibn Mas’ûd rapportée par Ibn al-Athir dans Jami` al-Ussûl fi Ahadith al-Rassûl. De grands savants du Hadith et juristes comme Al-Mundhiri et Al-Munâwî ont considéré les différentes chaines comme étant sahîh, hassân ou jayyid. Ibn ‘Abd al-Barr l’a également rapporté via Ibn Mas’ûd dans son Jâmi’ Bayân Al-‘Ilm wa-Fadhlihi.

[4] Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2594 selon ‘Aîsha.

[5] Rapporté par Al-Bukharî dans Al-Adab al-Mufrad n°464 selon Abû ad-Dardâ’ – sahîh -, une partie par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2002, An-Nawawî dans son Riyâd As Salihîn n°625 et d’autres.


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