Najm ud-Din al-Tufi (673 H/1276 – 716H/1316) était un savant qui fut disciple d’Ibn Taymiyya.
Né en 673 H (1276) à Baghdâd en Irak et mort en 716 H (1316) à Hébron en Palestine.
Les biographes disent qu’il était shiite avant de devenir hanbalite (certains pensant qu’il demeura shiite et qu’il était sous taqiyya) et se référait au Shaykh Ibn Taymiyya en disant « notre Shaykh ». Il étudia à Baghdâd, ainsi qu’à Damas et au Caire. Il étudiera avec le Shaykh Ibn Taymiyya ainsi qu’avec le Shaykh Jamâl ad-Dîn al-Mizzî (m. 742 H/1341) qui était un juriste shafi’ite et grand muhaddith. Il étudiera également avec d’autres savants à la Mansûriyya et la Nâsiriyya. Après un court séjour en prison de quelques jours au Caire, il fut banni de la ville et se rendit dans la ville de Qus en Égypte, fréquentant les librairies et écrivant désormais ses propres ouvrages. Par la suite, il fit le Hajj et résidera un moment à la Mecque avant de voyager pour la Palestine et d’y rester jusqu’à sa mort, dans la ville de Hébron.
Au cours de son périple, il étudiera ainsi la théologie, le fiqh, la logique, le Hadith, le Qur’ân, la langue arabe ainsi que les textes de la Torah et de la Bible.
Sa particularité était qu’il était shiite avant d’embrasser le sunnisme – c’est l’avis d’As-Safadi (m. 764H/1362) tandis que certains pensent qu’il demeura shiite malgré tout en usant de la taqiyya – c’est l’avis d’Ibn Rajab al-Hanbali (m. 795 H/1393) l’élève d’Ibn al-Qayyim mais qui prit par la suite ses distances avec les positions d’Ibn al-Qayyim et d’Ibn Taymiyya qui faisaient polémiques -. D’autres encore, comme le Shaykh Muhammad Saîd Ramadan al-Bûti (m. 2013) affirment plutôt que c’est le propre d’un caractère volatil c’est-à-dire qui pouvait facilement changer de minhaj (ce qui implique l’absence de bases solides dans les fondements et les convictions d’ordres théologique, métaphysique et intellectuel).
Quoi qu’il en soit, il y a 2 éléments intéressants qui ressortent vraiment de son oeuvre.
Premièrement, son hypothèse selon laquelle Issâ Ibn Maryam (le Christ) était en réalité un Ange, ce qui contredit les textes qurâniques et bibliques, mais qui était peut-être un moyen de trancher la poire en 2 entre ceux qui le divinisaient et ceux qui ne le considéraient que comme un Messager d’Allâh et le support de Son Verbe. Il exposa son point de vue dans son livre al-Jâdal fî ‘ilm al-jâdal.
La deuxième chose est son travail sur la notion de Maslaha (l’intérêt général qui ressort de la Loi divine et des finalités qu’Elle détermine comme la préservation de la vie et de la religion, la sécurité, la préservation de l’intellect/conscience comme de la santé et des biens, etc.) dans un commentaire de l’ouvrage de l’imâm An-Nawawî (m. 676H/1277) intitulé Kitâb at-Taʿyīn fī sharḥ al-Arbaʿîn, disant à juste titre que cela ne peut s’appliquer qu’aux domaines des mu’amalat (relations sociales) et des adât (les coutumes et les habitudes culturelles) et non pas concernant les ibâdat (les actes d’adoration) car ces dernières sont déterminées par la Révélation divine et l’inspiration prophétique, tandis que les autres peuvent être déterminés ou ajustés en quelque sorte par les outils juridiques et intellectuels tels que l’analogie, l’intellect, le consensus, etc., en partant cependant toujours de la Révélation et de la Tradition prophétique. Tout en s’inspirant des grands imâms qui ont théorisé ces notions comme Abû Hâmid al-Ghazâlî, Al-Qarâfî et As-Shatibî par exemple, il les contredit sur un point important, à savoir que pour lui, si le Qur’ân, le Hadith (sahîh) et le consensus des savants contrediraient sa conception de la maslaha, c’est la maslaha qui prévaudrait, ce qui pourrait potentiellement mener à de nombreuses contradictions, impasses et dérives, puisque pouvant se confondre – sans cadre cohérent et solide – avec la subjectivité humaine et ses lacunes dans les raisonnements et les réflexions, comme on peut le voir chez bon nombre de nos contemporains, conditionnés ou manipulés par les idéologies modernes et les passions les plus viles.
Mais là où Al-Ghazâlî s’est montré plus cohérent et lucide, et en fournissant des exemples pour chaque cas et notion, al-Tufi n’a pas mentionné d’exemples concrets et précis permettant de justifier ses positions par lesquelles il se singularisait et se différenciait des autres, , d’où le fait qu’il n’ait pas été considéré comme une grande référence dans le domaine, et qu’il n’a pas eu de grande influence, jusqu’à l’arrivée du mouvement salafi .avec des érudits comme Jamâl ad-Dîn al-Qasimi (1866 – 1914) et Muḥammad Rashîd Riḍâ (1865 – 1935) que l’on pourrait qualifier de musulmans modernistes de type conservateurs, mais qui, en raison de certaines lacunes et méconnaissances en métaphysique, comme dans la dimension spirituelle de l’slam ainsi qu’en logique (notamment dans le fiqh), ont été induits en erreur par une certaine forme du rationalisme qui provenait de l’Occident.
On lui attribue généralement 50 ouvrages mais dont seulement 19 auraient été préservés de nos jours. On compte parmi ceux-ci :
- Kitâb at-Ta’yîn fi sharh al-Arba’în : commentaire du recueil de l’imâm An-Nawawî, en se focalisant essentiellement sur les notions juridiques liées à la maslaha.
- Mukhtassâr al-Rawdah : un abrégé du Rawdat al-Nazir du savant hanbalite Ibn Qudâmah.
- al-Ta’lîq ‘alâ al-Anâjīl al-arba’a wa-al-ta’lîq ‘alâ al-Tawrâh wa-‘alâ ghayrihâ min kutub al-anbiyâ’ : un commentaire critique sur les 4 évangiles canoniques, la Torah et d’autres livres attribués aux Prophètes.
- al-Jâdal fî ‘ilm al-jâdal : un livre dans lequel il expose sa propre opinion concernant la nature du Christ au sein des disputes et divergences entre les érudits au sujet de Issâ Ibn Maryam.
- al-Ishârât al-ilâhîyya ilâ l-mabâḥiṯ al-uṣûlîyya : un traité en 3 volumes sur les ussûl al-fiqh (les fondements du droit).
- Aṣ-Ṣaʿqa al-jaḍabîyya fî r-radd ʿalâ munkirî al-ʿArabîyya : un livre visant à défendre la langue arabe face à ceux qui la critiquaient.
Et d’autres ouvrages encore.