Analyse sur le crime d’apostasie en Islam et la position du Shaykh al-Imâm Kamâl ad-Dîn Ibn al-Humâm (m. 861 H/1457)

  Contrairement à une idée reçue et malheureusement fort répandue, la peine pour l’apostasie n’est pas mentionnée dans le Qur’ân mais bien dans la Torah, la Bible, les textes zoroastriens ainsi que dans les ahadiths (pour ce qui est de l’islam)[1].

  En arabe et dans l’Islam, 2 notions distinctes évoquent le sujet de l’apostasie, mais celles-ci se confondent néanmoins assez souvent, à savoir « ridda » et « irtidâd », semant la confusion chez certains. Le terme ridda comporte aussi la notion de faire sécession, ce qui était dans le cas dans la guerre dite de riddâ (d’apostasie) menée par des renégats qui faisaient sécession et voulaient causer l’éclatement et la chute de l’Etat et donc des citoyens sous la protection de l’Etat musulman (ici du Califat d’Abû Bakr). Quant au terme d’irtidâd, cela correspond mieux à l’idée d’une apostasie simple ou pacifique, sans nécessairement conduire à un trouble politique ou à la volonté de lever les armes contre l’Etat ou la communauté. Cette distinction est pourtant fondamentale, car non seulement elle implique des conséquences différentes, mais aussi parce que cette distinction théologico-juridique est aussi évoquée dans le Qur’ân et la Sunnah.

  Pour l’imâm mujtahid et Shaykh hanafite, l’une des plus grandes autorités de son temps dans le fiqh, tout en étant polymathe (logique, mathématiques, musicologie, philologie, histoire, etc.), al-Shaykh al-Imâm Kamâl ad-Dîn Ibn al-Humâm de son vrai nom Muhammad Ibn Abdulwahhâb (m. 861 H/1457). Il traita la question du crime d’apostasie dans son Sharh Fath al-Qadîr (en 8 volumes), dans le volume 5, dans la section Bâb Ahkâm al-Murtaddîn. Parmi les autres imâms du Khalaf qui adopteront plus ou moins l’avis des imâms du Salaf qui disaient de ne pas tuer des apostats pacifiques, nous pouvons citer parmi les plus connus et dont l’autorité est pleinement reconnue, l’imâm et juriste malikite Abû al-Walid al-Baji (m. 474 H/1081), l’imâm et juriste hanafite Al-Sarakhsi (m. 490 H/1096), l’imâm et juriste hanafite Burhan al-Din al-Marghinani (m. 593 H/1197).

  Pour eux, les textes islamiques authentifiés et explicites sur le sujet, montrent que l’apostasie (d’un ex-musulman) ne doit pas être punie à cause de son changement de croyance ou de doctrine – car cela reste entre lui et Allâh -, mais quand il y a des implications sociétales ou politiques qui peuvent impacter l’Etat ou la communauté, le cas est alors différent, et l’Etat peut prévoir une certaine peine discrétionnaire.

  Comme il le rappelle, au niveau des ussûl al-fiqh, l’importance de prendre en compte l’intérêt général de la nation est un principe juridique important en Islam, et toutes les peines prescrites en Islam doivent servir à protéger la société de tout ce qui peut la détruire ou lui nuire, l’Islam protégeant la vie, la santé, la sécurité, la foi, la dignité, l’honneur, la chasteté, etc. des citoyens.

  Pour lui comme pour d’autres juristes, l’apostat n’est pas un simple kafir (comme ceux qui sont restés non-musulmans tout en vivant en terres d’islam), mais un potentiel ennemi politique en devenir, surtout s’il existe des liens politiques avec des nations non-musulmanes qui sont en état de guerre avec les Musulmans ou la nation musulmane en question. C’est donc non pas une question de conscience ou de croyance dont il est question ici – et le Qur’ân est clair là-dessus, le simple changement de croyance n’exige aucune peine juridique ici-bas pour le simple apostat : « Ceux qui ont professé la foi, puis sont devenus mécréants, puis ont professé la foi de nouveau, ensuite sont redevenus mécréants, et n’ont fait que croître en mécréance, Allâh ne leur pardonnera pas, ni les guidera vers un Chemin droit » (Qur’ân 4, 137) -, mais d’un problème d’ordre politico-social, surtout, si comme le précise le Shaykh, il déclare publiquement son apostasie, dans un but politique qui sort du simple cadre de la vie privée. De nombreux versets instituent la liberté de conscience, et quand l’apostasie pacifique est évoquée, aucune sanction juridique n’est évoquée dans le Qur’ân, contrairement aux crimes sociétaux (le pillage, banditisme, meurtres, guerre, persécutions politiques, vol, adultère, etc.) où le Qur’ân mentionne l’existence de peines maximales pour ce genre de crimes.

L’apostasie est évoquée à plusieurs reprises dans le Qur’ân, sans jamais mentionner l’existence d’une quelconque peine juridique, mais seulement une réprobation éthico-morale :

« Ô les croyants ! Quiconque parmi vous apostasie de sa religion… Allâh va faire venir un peuple qu’Il aime et qui L’aime, modeste envers les croyants et fier et puissant envers les mécréants, qui lutte dans le sentier d’Allâh, ne craignant le blâme d’aucun blâmeur. Telle est la Grâce d’Allâh. Il la donne à qui Il veut. Dieu est Immense et Omniscient » (Qur’ân 5, 54)

    « Vous avez bel et bien rejeté la foi après avoir professé la foi. Si Nous pardonnons à une partie des vôtres, Nous en corrigerons une autre pour avoir été des criminels » (Qur’ân 9, 66), ce qui là aussi montre une distinction entre les apostats pacifiques (et/ou « sincèrement perturbés » au niveau de leur foi) et ceux qui, en plus de l’apostasie, ont commis des crimes.

« Nulle contrainte en religion ! Car le bon chemin s’est distingué de l’égarement. Donc, quiconque mécroit au Rebelle tandis qu’il cultive la foi en Allâh saisit l’anse la plus solide, qui ne peut se briser. Et Allâh est Audient et Omniscient » (Qur’ân 2, 256)

« Et si ton Seigneur l’avait voulu, tous les êtres humains peuplant la Terre auraient, sans exception, embrassé Sa foi ! Est-ce à toi de contraindre les gens à devenir croyants ? » (Qur’ân 10, 99).

 « Dis : « Ô négateurs ! Je n’adore pas ce que vous adorez, pas plus que vous n’adorez ce que j’adore ! (…) À vous votre religion (dîn), et à moi la mienne ! » (Qur’ân 109, 1-3 et 6).

  Dans une fatwa du Shaykh Ahmad Kutty, il écrit : « La liberté de conscience est l’un des droits fondamentaux de l’être humain garanti dans le Qur’ân, il est donc absurde de prétendre que l’islam autorise de mettre des gens à mort simplement parce qu’ils se convertissent à une autre religion (…). En pleine conformité avec les enseignements ci-dessus, ni le Prophète, ni aucun des 4 Califes bien guidés qui lui ont succédé n’avaient l’habitude de traquer les gens et de les exécuter pour un simple changement de leur religion. Au contraire, ils se sont abstenus de le faire, sauf dans de rares cas impliquant la trahison. La trahison, toutefois, est une autre affaire. La punition pour la trahison dans le Qur’ân est aussi stricte que dans la Bible Hébraïque. Mais elle ne doit jamais être confondue avec un simple changement de religion »[2].

  Par rapport aux hudûd, celles-ci sont des peines maximales qu’il faut appliquer seulement lorsque toutes les conditions sont réunies, mais qui sont suspendues ou levées dans les cas où l’injustice politique prédomine, si la famine ou l’ignorance sont répandues dans la société, si la justice sociale et la bonne gestion des ressources ainsi que la bonne éducation ne sont pas d’abord assurées dans la société, ou si l’intérêt général exige un allègement des peines ou une autre méthode plus efficace concernant les gens de la masse. Certains savants disent aussi qu’il s’agit de peines maximales qu’il est possible de ne pas appliquer mais dont il est interdit d’aller au-delà dans les peines, pour éviter les peines jugées trop atroces, disproportionnées ou cruelles.

Quant au ta’zir (peine discrétionnaire) qui peut évoluer ou changer selon les époques, les régions ou les dirigeants, elle doit être moins lourde (ou en tout cas pas plus lourde/dure) que le hadd, et selon certains savants, l’autorité peut ne pas appliquer du tout de sanction si elle perçoit qu’il n’est pas de l’intérêt général (maslaha) comme le rapporte par exemple Ibn Qudama al-Hanbali (m. 620 H/1223) dans Al-Mughnî (12/469-470).

  Le chercheur, historien et islamologue John L. Esposito dans What Everyone Needs to Know about Islam (Oxford University Press, 2011, 2e éd., p.74) estime que dans l’esprit des premiers juristes musulmans, cette peine relevait d’une loi humaine (et donc discrétionnaire – ta’zir -, et non pas une peine immuable d’ordre divin) adoptée par la première communauté musulmane pour prévenir et punir l’équivalent de la désertion ou de la trahison. Et pour le Professeur et Dr. Oliver Leaman – philosophe et spécialiste du Judaïsme et de l’Islam – dans The Qur’an: An Encyclopedia (éd. O. Leaman, Routledge, 2006, pp. 526-27), se référant aussi à Albayrak Ahmet, dit que cette peine ne devrait être appliquée que si l’apostasie devient un mécanisme de désobéissance civile et de trouble à l’ordre public (fitna). Et en effet, dans le Qur’ân, la fitna est pire que le simple meurtre, puisque la fitna, que l’on pourrait traduire comme étant plus que de la simple mécréance, comme étant une situation où la guerre civile, l’oppression, les persécutions, les meurtres de masse et l’anarchie prévalent dans la société, faisant bien plus de morts et causant bien plus de maux qu’un seul mort. Allâh dit : « Ils t’interrogent sur le fait de faire la guerre pendant les mois sacrés. – Dis : « Y combattre est un péché grave, mais plus grave encore auprès d’Allâh est de faire obstacle au Sentier d’Allâh, d’être impie envers Celui-ci et la Mosquée sacrée, et d’expulser de là ses habitants. La « fitna » est plus grave que le meurtre. Or, ils ne cesseront de vous combattre jusqu’à, s’ils peuvent, vous détourner de votre religion. Et ceux parmi vous qui adjureront (volontairement) leur religion et mourront infidèles, vaines seront pour eux leurs actions dans la vie immédiate et la vie future » (Qur’ân 2, 217). Le contexte du verset fournit ainsi clairement le sens de la notion de « fitna » et « d’apostasie » ici, à savoir la présence de l’oppression, des persécutions, des trahisons politiques et de la guerre.

  Certains pensent trouver néanmoins un verset parlant de la peine de l’apostasie simple dans le Qur’ân : « Ils aimeraient vous voir mécréants, comme ils ont mécru : alors vous seriez tous égaux ! Ne prenez donc pas d’alliés parmi eux, jusqu’à ce qu’ils émigrent dans le sentier d’Allah. Mais s’ils tournent le dos, saisissez-les alors, et tuez-les où que vous les trouviez, et ne prenez parmi eux ni allié ni secoureur » (Qur’ân 4, 89), sauf que le verset juste après réfute cette idée, puisque le verset 4/89 parle des criminels et combattants ennemis qui combattent les Musulmans et causent l’oppression : « Si donc ces gens-là se tiennent à l’écart, et au lieu de vous attaquer vous offrent la paix et la sécurité, Allâh ne vous donne plus aucun droit de les inquiéter » (Qur’ân 4, 90).

  Même si beaucoup de juristes ne le précisaient pas explicitement et en détail, c’était surtout la crainte de se lier aux nations ennemies ou de faire sécession politique contre l’Etat légitime ou contre la Ummah, qui légitimait leur décision d’appliquer une peine (exécution ou emprisonnement), tout en leur laissant la porte ouverte au repentir (même dissimulé) afin d’annuler l’exécution de la peine publique et de retrouver leur vie normale en échange de renoncer à semer la fitna (trouble, désordre, chaos, corruption …) en public. C’est ce qu’ont écrit par exemple les savants Burhan ad-Dîn al-Marghinani (m. 593 H/1197) dans Al-Hidâya (1/581) et Kamâl ad-Dîn Ibn al-Humâm (861 H/1457) dans Fath ul Qadîr (6/67-68).

  Cela ne règle évidemment pas la question des hypocrites, toujours possibles, mais ceux-ci, du temps du Prophète (ﷺ) furent laissés en paix, car cela les poussait au moins extérieurement à ne pas répandre la haine, l’apostasie/mécréance ou le combat dans la sphère publique.

  On peut en déduire de tout cela cependant – et surtout pour notre époque – que l’apostat pacifique, sans aucune motivation politique hostile à l’Islam, aux Musulmans ou aux dhimmis, ne doit pas être puni ici-bas pour cela, même s’il faut essayer de le rassurer et de le convaincre – sans le forcer ni être dur – de revenir à la foi en clarifiant ou dissipant ses doutes et ses confusions. Par ailleurs, dans le cadre des relations internationales signées par les différents Etats de la planète, musulmans et non-musulmans, la clause de non-agression mutuelle et la clause de protéger la liberté de conscience, qui sont des principes et valeurs islamiques également, implique l’absence de sentence juridique pour les apostats simples/pacifiques. Et selon le principe de « maslaha » (intérêt général), cette peine, appliquée aux simples apostats pacifiques, serait pire que le « remède » proposé pour empêcher la propagation du mal, puisque pouvant alimenter davantage le doute, le trouble à l’ordre public, ou susciter des révoltes et faire croitre l’hypocrisie en même temps, en somme, tout ce qui est réprouvé par Allâh et que la Shar’îah ordonne d’éviter. Les principes de la Shar’îah empêchent donc d’appliquer, surtout de nos jours, ce genre de peine, d’autant plus que le Qur’ân n’exige pas ce genre de choses, et que le Prophète (ﷺ) dans la Sirah et la Sunnah a pardonné à des apostats sans exiger leur repentir et sans les tuer, les maltraiter ou les emprisonner, de même pour les Califes bien-guidés, ainsi que pour des imâms du Salaf comme ‘Umar Ibn ‘Abd ‘al-Azîz (m. 101 H/720), Al-Awzâ’î (m. 157 H/774), Sufyân at-Thawrî (m. 161 H/778),  parmi les premiers juristes, et où d’autres juristes comme Ibrâhîm al-Nakhâ’î (m. 96 H/715) – et qui était l’un des maîtres de l’imâm Abû Hanifa (qui était d’avis qu’il ne fallait pas appliquer la peine de mort pour les femmes apostates) – disait de toujours accorder une porte de sortie aux apostats, autant de fois qu’il le fallait, en leur demandant de se repentir (même s’ils ne faisaient pas) de façon continuelle (à chaque fois qu’ils étaient convoqués). Et c’est ce qui s’accorde le mieux avec le Qur’ân, la Sunnah et le contexte historique de l’époque. Ibn Qudama al-Hanbali dans Al-Mughnî (12/107) et Ibn Hazm dans son Kitâb al-Muhallâ (12/109) et dans son Marâtib ul ijmâ’ (p.210) relatent l’existence d’avis remontant à des imâms du Salaf et de leurs disciples qu’il existait d’autres avis que l’exécution.

 Mais le cas est évidemment très différent pour ceux qui ont un agenda politique hostile à l’islam, et qui sont payés ou instrumentalisés par des groupes politiques islamophobes, dont le but politique est d’affaiblir le monde musulman, d’humilier, persécuter et tuer les Musulmans ou de bombarder des pays musulmans – sans se soucier non plus de la vie des Juifs, Chrétiens, Bouddhistes, Hindous, Zoroastriens et autres qui y vivent -.

  Depuis l’époque prophétique, puis à l’ère des Califes bien-guidés, – à l’origine donc -, les murtaddîn (apostats, renégats, sécessionistes, dans un sens politique) étaient perçus comme des combattants (ennemis) de l’intérieur, desservant le même statut que les combattants ennemis, contrairement aux apostats pacifiques qui eux ne se réunissaient pas en groupe pour combattre les Musulmans, s’en prendre à la communauté/nation ou faire sécession de l’Etat. Cette distinction, qui découle pourtant du Qur’ân, de la Sunnah purifiée et des Califes bien-guidés eux-mêmes, voir par exemple les récits dans Al-Musannaf d’Abd Ar-Razzâq, les Sunân de Saîd Ibn Mansûr, ainsi que les Sunân d’Abû Dawûd et d’An-Nasâ’î qui sous l’autorité de ‘Aîsha, évoquent le hadith prophétique en le resituant dans son contexte de façon complète, disant que la peine – exécution, crucifixion ou expulsion – contre le murtâd/apostat politique s’applique seulement à celui qui en plus d’apostasier fait la guerre : « Il est interdit de tuer un musulman sauf dans 3 cas : un adultérin qui commet l’adultère (en public et qui n’a pas d’excuse légale) et qui devra être lapidé à mort (si un juge se prononce sur son cas), un individu qui tue volontairement un autre être humain, et un homme qui quitte l’Islam (et la communauté) tout en faisant la guerre à Allâh et à Son Messager, celui-ci devrait alors être exécuté, crucifié ou banni (expulsé) du pays (sauf s’il repent avant de lui mettre la main dessus) »[3].

  Dans la version d’Ibn Mas’ûd il y a aussi cette connotation politique de quitter l’Islam tout en étant séparé de la nation/communauté/groupe – jama’ah, formulation pouvant signifier en devenir l’ennemi, en lui faisant la guerre ou en faisant acte de sécession politique[4]. Le Shaykh Ibn Taymiyya dans As-Sârîm (p. 319) précise bien que cette expression ne désigne pas nécessairement le simple « apostat (pacifique » mais bien plutôt « l’apostat qui combat » (al-murtadd al-muhârib), ce qui va aussi dans le sens d’une autre version rapporté par Al-Bukharî dans son Sahîh n°4334 selon Abû Qilâba.

Ou encore le cas d’un petit groupe d’apostats de la région de ‘Ukl, qui en plus d’avoir apostasiés (ils avaient fait semblant d’être musulmans), avaient aussi trahi leur parole, volé et torturé une personne avant de le tuer. Le Prophète, ayant entendu ça, demanda à ce qu’ils soient exécutés pour leurs multiples crimes. C’est aussi là que fut révélé le verset « (…) la récompense (comme conséquence) de ceux qui font acte de guerre contre Allâh et Son Messager » et contre les Musulmans qui portent ce Message céleste[5].

Al-Bukharî dans son Sahîh n°6869 relate aussi que du temps du Calife ‘Umar ibn ‘Abd al-‘Azîz un homme était venu lui parler pour qu’une personne que des gens avaient accusé d’adultère soit mise à mort. Cette personne lui dit que même si 50 personnes témoignaient de l’accusation, elle ne devrait pas être exécutée ? Le Calife ‘Umar Ibn ‘Abd al-‘Azîz répondit que si personne de confiance (en public) ne les avait vu commettre l’acte sexuel alors il ne fallait pas leur appliquer de sanction, et rajouta : « Par Allâh, le Messager d’Allah (ﷺ) n’a jamais fait exécuter personne sauf dans l’une des 3 situations suivantes : (1) une personne qui a tué quelqu’un injustement et délibérément – a été tuée en raison de la loi du talion (en Qisas) -, (2) une personne mariée qui a eu des relations sexuelles illégales (en public volontairement devant plusieurs témoins et sans excuse légale) et (3) un homme qui a combattu (et fait la guerre contre) Allâh et Son Messager et a déserté l’Islam et est devenu un murtad (renégat) (…). Je vais vous rapporter le récit d’Anas. Anas a dit : « 8 personnes de la tribu de ‘Ukl sont venues au Messager d’Allâh (ﷺ) et ont prêté serment d’allégeance à l’Islam (se sont converties à l’Islam). Le climat de l’endroit (Médine) ne leur convenait pas, alors ils sont tombés malades et se sont plaints de cela au Messager d’Allâh (ﷺ). Il leur dit : « Ne sortirez-vous pas avec le berger de nos chameaux pour boire du lait et de l’urine des chameaux ? ». Ils dirent : « Oui ». Ils sortirent donc et burent du lait et de l’urine des chameaux. Une fois guéris, ils tuèrent le berger du Messager d’Allâh (ﷺ) et emmenèrent tous les chameaux. Cette nouvelle parvint au Messager d’Allâh (ﷺ), qui envoya des hommes à leur poursuite. Ils furent capturés et amenés au Prophète (ﷺ) (…). Qu’y a-t-il de pire que ce que ces gens ont fait ? Ils ont déserté l’Islam, ont commis des meurtres et des vols (…) »

  ‘Umar Ibn ‘Abd al-‘Azîz, en plus d’être un Calife juste et pieux, était aussi un savant qui connaissait bien les enseignements qui remontaient à son arrière-grand-père ‘Umar ainsi qu’à la famille alide (notamment via l’imâm Muhammad Al-Bâqir de qui il était proche), et il relata ici le hadith dans son contexte, c-à-d que ceux qui étaient punis étaient les apostats/renégats qui commettaient des crimes et représentaient une menace pour l’Etat et la sécurité des citoyens (dans leur vie et leurs biens).

Cette version-là, en plus d’être sahîh, offre l’avantage non seulement d’être plus complet et précis en en donnant le contexte, mais aussi de le mettre en lien avec les versets révélés à ce sujet : « C’est pourquoi Nous avons prescrit pour les Banî Isrâ’îl que quiconque tuerait une personne non coupable d’un meurtre ou d’une corruption (de désordre et de chaos) sur la terre, c’est comme s’il avait tué toute l’Humanité. Et quiconque lui fait don de la vie, c’est comme s’il faisait don de la vie à toute l’Humanité. En effet Nos Messagers sont venus à eux avec les preuves. Et puis voilà, qu’en dépit de cela, beaucoup d’entre eux se mettent à commettre des excès et des abus sur la Terre. La « récompense » (et conséquence) de ceux qui font la guerre contre Allâh et Son Messager, et qui s’efforcent de semer la corruption (le désordre et l’insécurité) sur la Terre, c’est qu’ils soient tués, ou crucifiés, ou que soient coupées leur main et leur jambe opposées, ou qu’ils soient expulsés du pays. Ce sera pour eux l’ignominie ici-bas ; et dans l’Au-delà, il y aura pour eux une énorme correction, excepté ceux qui se sont repentis avant de tomber en votre pouvoir : sachez qu’alors, Allâh est Pardonneur et Miséricordieux » (Qur’ân 5, 32-34). Ce passage insiste donc en premier lieu sur l’importance de ne pas tuer d’innocent (croyant comme incroyant) – Ordre divin réitéré à ceux qui ont suivi fidèlement le Prophète Mûsâ (‘alayhî Salâm) puis à l’ensemble des croyants qui reconnaissent aussi les différents Prophètes -, et de ne pas semer la corruption sur Terre, c’est-à-dire les crimes de banditisme, de sécession politique ou de guerre civile qui causent le désordre, le chaos, la confusion et l’insécurité sur Terre. Et dans un 2ème temps, le Qur’ân indique quelles sont les punitions maximales que les autorités politiques légales peuvent infliger à ceux qui sont des criminels, des pilleurs, des assassins, des renégats violents et des terroristes : la peine capitale, l’expulsion du pays, l’amputation ou la crucifixion, ou une peine moins lourde (que la mort, l’amputation, la crucifixion ou l’expulsion) pour ceux qui se repentent et cessent leurs crimes avant que les gens ne leur mettent la main dessus, et dans l’Au-delà, ces derniers seront traités avec plus de clémence s’ils se sont repentis de leurs actes et tentés de se racheter de leurs anciens méfaits avant de mourir.

En l’an 6 de l’Hégire, le traité de Hudaybiyya fut signé entre le Prophète (ﷺ) et ses ennemis idolâtres parmi les qurayshites. Parmi les clauses qui étaient fixées, et que le Prophète (ﷺ) respecta, le fait de ne pas empêcher les apostats ou hypocrites qui vivaient à Médine de pouvoir rejoindre la Mecque (alors sous contrôle idolâtre des ennemis de l’Islam). Entendant cela, des Compagnons s’exclamèrent : « Messager d’Allâh, nous écririons cela ? ». Le Prophète expliqua ainsi son acceptation de la clause : « Oui. Celui qui nous aura quittés pour partir auprès d’eux, Allâh l’aura éloigné. Et celui qui aura cherché à nous rejoindre, Dieu créera pour lui une porte de sortie »[6].

Entre l’an 8 et l’an 9 H, le cas de Dhu-l-Khuwayssira comme mentionné dans les Sahihayn d’Al-Bukharî et Muslim, où cet individu, sûrement un hypocrite, prononça des propos dont le sens était clairement de la mécréance et de l’apostasie. Cependant, et ce bien que les différentes peines immuables maximales (hudûd) et discrétionnaires avaient été instituées, il n’exigea pas que celui-ci soit tué. Or, cela eut lieu peu de temps avant la mort du Prophète (ﷺ). Il (ﷺ) dit même : « Je cherche la protection d’Allâh contre le fait que les gens disent que je fais tuer ceux qui sont dans ma compagnie (Que les gens ne disent pas que Muhammad exécutait ceux qui étaient dans sa compagnie !) »[7]. Le hadith continue en disant que de sa progéniture, cet homme (venant) du Najd : « De la descendance de cet homme surgiront des gens qui réciteront (extérieurement) le Qur’ân sans toutefois dépasser leur gorge (ne pénétrant pas leur cœur) ; ils tueront les adeptes de l’Islam et épargneront les idolâtres (combattant les Musulmans) » ce que plusieurs savants ont considéré comme faisant allusion à l’apparition de Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb au et à sa secte meurtrière au début du 18e siècle, puis à leurs adeptes parmi les terroristes de Daesh dans les années 2010.

‘Abd ar-Razzâq dans son Musannaf n°18696 et Ibn Hazm dans son Al-Muhallâ (12/112-113) rapportent qu’en temps de guerre, des gens ont apostasié (et s’apprêtaient à rejoindre le camp ennemi), mais certains musulmans leur mirent la main dessus pour les exécuter (car allant devenir des combattants ennemis). Leur cas fut rapporté au Calife ‘Umar Ibn al-Khattâb qui désavouait leur décision, leur indiquant qu’il fallait d’abord les emprisonner, leur laissant un délai (ici 3 jours, mais cela peut être bien plus, la Loi divine ne fixant aucun délai déterminé) tout en leur donnant de quoi se nourrir et leur demandant de revenir à l’Islam ou de renoncer à leur projet de rejoindre le camp ennemi.

Sa’îd Ibn Mansûr ibn Shu’ba al-Marwazi (m. 227 H) rapporte dans ses Sunân : « La ville de Tustar fut prise par traité, puis ses habitants renièrent l’Islâm. Les Muhâjirs les combattirent alors et les firent prisonniers. Mais ‘Umar ibn al-Khattâb ordonna quon oblige ceux qui avaient été faits prisonniers à seulement payer la jyzia et dispersa leur chef », et ses Sunân sont antérieurs aux Sahihayn d’Al-Bukhari et Muslim.

Le Calife ‘Umar Ibn al-Khattâb était donc d’avis que pour les apostats politiques pouvant devenir des combattants ennemis, devaient d’abord être arrêtés et convaincus de revenir à l’Islam et de rester au sein de la Communauté, mais le cas échéant, les emprisonner, d’une part pour les empêcher de rejoindre le camp ennemi, et d’autre part de tenter de les faire revenir dans le giron de l’Islam pour leur propre bien-être, et sans les torturer évidemment. Quant aux apostats pacifiques, il était d’avis de replacer tout simplement la jyzia sur eux comme pour les autres dhimmis d’origine, les laissant ainsi circuler librement et en sécurité.

Ce fut aussi le même avis qu’appliqua son descendant et calife ‘Umar Ibn ‘Abd al-‘Azîz comme le rapporte ‘Abd ar-Razzâq dans son Musannaf n°18714 avec un cas d’un petit groupe d’apostats en terres d’Islâm (qui après être devenus musulmans, apostasièrent, mais sans causer de troubles politiques), à qui il demanda simplement de « replacer sur eux la jyzia et laissez-les (tranquille) »

Le cas de ‘Abdullah Ibn Sad Ibn Abi Sarh est également intéressant, puisque, ancien scribe du Prophète (ﷺ), il abandonna l’Islam pour rejoindre le camp ennemi des idolâtres, prenant part au combat et menant des expéditions militaires contre le Prophète. Lorsque le Prophète et les Musulmans remportèrent la dernière bataille contre eux, après les tentatives ennemies d’anéantir les Musulmans, son cas fut présenté au Prophète (ﷺ). Et alors même qu’il était un apostat belliqueux et combattant de guerre ennemi, il fut pardonné par le Prophète (ﷺ) sous la demande de ‘Uthmân Ibn Affân qui était son frère de lait comme le rapporte de façon sahîh Abû Dawûd dans ses Sunân n°2683. Ne représentant plus aucun danger politiquement et militairement, il n’était donc plus une menace sociétale et fut gracié, sans qu’il ne lui soit exigé de se repentir sur le champ ni en lui fixant une échéance précise et une date limite pour son éventuel repentir. Mais par la suite, et sans être sous la contrainte, il se reconverti à l’Islam et devint même gouverneur d’Egypte sous le califat de ‘Uthmân.

Les autres récits sont souvent non-authentiques[8] ou alors décontextualisés, où les nuances sont implicites et sous-entendues, d’où les confusions et contradictions (nombreuses) chez les juristes ultérieurs.

Selon une approche principiologique de l’Islam fondée sur ses principes, ses valeurs et ses finalités, en accord avec le Qur’ân, la Sunnah et les Califes bien-guidés, il est nécessaire de faire la distinction entre l’apostasie simple/pacifique (qui ne doit pas être sanctionnée ici-bas) et l’apostasie politique de nature belliqueuse qui est punissable selon des lois discrétionnaires et selon l’intérêt général lié au contexte.

  Et concernant l’avis majoritaire durant l’ère médiévale de la peine mort pour les hommes (car pour les hanafites les femmes sont exclues de la peine de mort, bien que beaucoup préconisent la peine d’emprisonnement, jusqu’à son repentir), celui-ci ne peut de toute façon pas s’appliquer si : (1) l’intérêt général s’y oppose et que l’on ne craint pas un délitement de la situation ; (2) qu’il refuse en connaissance de cause d’avoir la vie sauve par un repentir verbal ou physique (par un signe de la tête ou de la main qui l’indique par exemple) que son repentir soit sincère ou non ; (3) que dans un pays musulman géré par la Shar’îah et des juges qui soient qualifiés, honnêtes et intègres ; (4) s’il  n’existe aucun doute sur sa réelle apostasie soit que lui-même exprime clairement son rejet de l’Islam en tant que tel soit qu’il rejette clairement après établissement de la preuve ce qui est nécessairement connu en Islam (par le rejet en connaissance de cause du Qur’ân comme Parole divine, du Prophète Muhammad comme Messager, des piliers de l’islam et de la foi et des grandes interdictions de l’Islam comme le meurtre, l’adultère, le vol, la sorcellerie, le shirk, etc.) car les hérésies en-deçà de cela ne sont pas du kufr et ne relèvent donc pas de l’apostasie ; (5) qu’un temps de réflexion suffisant lui ait été laissé et qu’une discussion avec un érudit clairvoyant et pieux pour clarifier ou dissiper ses doutes ait été engagée au préalable ; (6) que l’apostat vive dans un pays musulman, car les peines juridiques ne peuvent pas s’appliquer à l’apostat qui réside en terres non-musulmanes ; (7) qu’il soit jugé en pleine possession de ses facultés mentales et physiques, étant conscient de ce qu’il dit et de ses implications ; (8) seul le dirigeant et les juges qu’il a désignés ont autorité pour exécuter la peine ; (9) qu’aucun traité juridico-politique ou qu’aucune convention internationale entre plusieurs états ne condamnent cela ; (10) que l’apostat soit un adulte, pubère et suffisamment mature intellectuellement pour être conscient de ses décisions et de ce qui l’entoure ; (11) qu’il ne subsiste aucun doute quant à la motivation exacte de la peine et qu’aucune corruption des juges ou des accusateurs soit identifiée ; (12) que la manifestation de l’apostasie ait eu lieu en public et non pas en privé (sauf si son épouse ou son époux ou ses enfants, dénoncent l’apostat auprès des autorités en raison de son comportement provocateur, extrémiste ou trop prosélyte).

  Donc dans les faits, cette peine n’est islamiquement pas applicable et relève plus de la dissuasion en islam, tout comme pour la peine de l’adultère, qui n’est applicable que dans 2 cas concrets : si les coupables se désignent eux-mêmes, tout en étant lucides et conscients et exigent aux juges qu’ils soient punis pour cela, ou qu’ils l’aient commis en connaissance de cause et en étant lucides dans la sphère publique, devant plusieurs témoins connus pour leur intégrité morale et physique – au moins 4 -. Si leur fiabilité est douteuse, cela ne sera pas acceptée, et s’ils les ont espionnés dans un endroit privé, la peine ne leur sera pas appliquée, mais ceux qui ont espionné seront sanctionnés par une peine discrétionnaire car l’espionnage est interdit, et plus encore si cela se fait dans le cadre d’un rapport intime, fusse-t-il illicite. Et à notre époque, cette peine n’est plus applicable selon les conventions internationales et les clauses de l’ONU. Mais dans les faits, certains pays musulmans (même sécularisés) ou non-musulmans (comme la Chine, la Corée du Nord, les Etats-Unis, etc.) continuent d’appliquer cette peine, non pas pour des raisons religieuses, mais pour des raisons politiques et idéologiques, instrumentalisant cette peine pour punir des opposants politiques ou de véritables criminels ou agents secrets pour « trahison », « trouble à l’ordre public », « séparatisme », etc.

Il faut rappeler aussi que les véritables cas d’apostasie avant l’ère moderne étaient très rares dans le monde musulman[9], car les cas généralement connus (qui restaient peu communs) l’étaient surtout pour des raisons politiques ou de jalousie entre personnalités proches (ou appréciées) du pouvoir, et cette peine était alors instrumentalisée à des fins non-islamiques. Corruption et comportement que l’on observe encore très souvent de nos jours en Occident laïc comme en Orient, où des chercheurs, politiciens, intellectuels, « journalistes », etc. se liguent contre d’autres personnes en les calomniant ou les faisant passer pour des « ennemis du pouvoir » ou des « hérétiques/séparatistes » de la science, de la politique, de la médecine ou de l’économie, accusations motivées très souvent par la jalousie, l’appât du gain, la docilité au pouvoir en place ou les conflits d’intérêt (subventions par une compagnie concurrente ou qui monopolise le marché, raisons idéologiques, etc.). Les cas les plus marquants l’ont été sous le régime communique athée durant l’ex-URSS mais aussi aux Etats-Unis et dans les pays de l’Union européenne lors des conflits d’intérêt dans le domaine de la santé – impliquant Big Pharma -, avant la crise covidiste mais surtout avec la période du Covid où des milliers de chercheurs ont été sanctionnés, boycottés, licenciés, suspendus, persécutés, etc. sous de faux-prétextes [10].

  Parmi les érudits, mufti et savants connus de notre époque qui sont opposés à la peine de mort ou à l’emprisonnement pour l’apostat pacifique, aussi bien du côté des sunnites que des shiites ou des mu’tazilites et des ibâdites, qu’ils soient traditionalistes ou réformistes, citons Mahmud Shaltut qui était Grand Imam d’Al-Azhar (1958–1963), Ahmed el-Tayeb Grand Imam d’Al-Azhar (de 2010 à nos jours) et Grand Mufti d’Egypte (2002 – 2003), Ali Jomaa Grand Mufti d’Egypte (2003–2013), le grand ayatollah shiite iranien Hossein-Ali Montazeri et député du leader suprême d’Iran (1985 – 1989) et l’autre grand ayatollah Hussein Esmaeel al-Sadr, le juriste Taha Jabir Alalwani (1935–2016), Jamal Al-Banna, Tariq Ramadan, Khaled Abou El Fadl, Reza Aslan, l’érudit et savant pakistanais Javed Ahmad Ghamidi, l’érudit afghans Mohammad Hashim Kamali, l’érudit musulman et chercheur universitaire américain Jonathan A.C. Brown, le Shaykh Muhammad Salîm al-‘Awwâ, Shaykh Ahmad Kutty, ainsi que d’autres éminents savants ou érudits iraniens, turcs, pakistanais, égyptiens, saoudiens, syriens, maghrébins, malais, etc.

Wa Allâhu a’lam.


Notes :

[1] Même chose pour la peine de mort contre les blasphémateurs, elle n’est pas évoquée dans le Qur’ân, qui exige simplement du Prophète (ﷺ) et des croyants d’endurer ce qu’ils disent et de ne pas insulter en retour leurs religions, idoles ou figures qu’ils considèrent comme sacrées : « Accepte ce qu’on t’offre de raisonnable, commande le bien et ce qui est convenable et éloigne-toi des ignorants [qui ne cherchent pas la guidée]. Et si jamais le Shaytân (le Diable) t’incite à faire le mal, cherche refuge auprès d’Allâh. Car Il entend, et sait tout. Ceux qui pratiquent la piété et la droiture, lorsqu’une suggestion du Shaytân les touche, se rappellent (de la Correction divine) ; et les voilà devenus clairvoyants » (Qur’ân 7, 199-201) ; « N’injuriez pas ceux qu’ils invoquent – leurs idoles -, en dehors d’Allâh, car par agressivité, ils injurieraient Allâh, dans leur ignorance. De même, Nous avons enjolivé (aux yeux) de chaque communauté sa propre action. Ensuite, c’est vers leur Seigneur que sera leur retour ; et Il les informera de ce qu’ils œuvraient » (Qur’ân 6, 108) ; « et qui endurent (les épreuves et le mal des gens) dans la recherche de l’agrément d’Allâh, accomplissent la Salât et dépensent (dans le bien), en secret et en public, de ce que Nous leur avons attribué, et repoussent le mal par le bien. A ceux-là, la bonne demeure finale » (Qur’ân 13, 22) ; « Certes vous serez éprouvés dans vos biens et vos personnes ; et certes vous entendrez (…) de leur part beaucoup de propos désagréables. Mais si vous êtes endurants et pieux… voilà bien la meilleure résolution à prendre » (Qur’ân 3, 186). En temps de paix avec les non-musulmans vivant en dehors des pays musulmans cette peine ne peut pas être appliquée non plus. Mais pour les dhimmis, les juristes musulmans sont cependant divisés car une partie considère que blasphémer volontairement les Musulmans concernant Allâh et Son Messager implique une rupture du Pacte de citoyenneté – tout comme les Musulmans sont tenus de pas les insulter ou persécuter pour leur foi -, et stipulent alors la peine capitale ou une peine discrétionnaire (emprisonnement, flagellation, petits coups, amendes, etc.) et une autre partie stipule sur l’interdiction de les tuer mais diverge sur la nécessité ou non de leur infliger une peine discrétionnaire. L’imâm al-Jassas al-Hanafi (m. 370 H) a dit dans son Sharh Mukhtassar at-Tahawî fi al-fiqh al-Hanafi (6/142) : « At-Tahawî a dit : « Quiconque insulte le Prophète parmi les dhimmis, il est puni (dans un état musulman), et non pas tué ». Ceci parce qu’ils ont déjà consenti à leur religion, et de leur religion découle un culte à autre qu’Allâh, et un reniement du Messager d’Allâh (ﷺ). C’est ce qui ressort de ce qui a été rapporté : « Les Juifs sont entrés chez le Prophète et lui ont dit : « Que la mort soit sur toi ». Le Prophète a dit : « Et sur vous » ». Et il n’a pas ordonné qu’ils soient tués (alors qu’ils avaient la capacité de le faire) ». L’imâm al-Qudûrî al Hanafî (m. 428 H) a dit dans Al-Tajrid (12/6266) : « Les dhimmis blasphèment contre Allâh en disant qu’Il a un fils (au sens littéral), et les mages [zoroastriens] en disant qu’Il a une dualité/opposé. Ce sont là des démonstrations explicites, et ces [paroles] ne rompent pas leur pacte [de sécurité]. Ainsi, l’insulte sur le Prophète (ﷺ) en est de même. Du fait que ça soit un type de blasphème, donc cela ne brise pas le pacte, de la même manière que pour les autres types [de blasphèmes]. S’ils insultaient/maudissaient le Prophète (ﷺ) dans leurs églises, et dans leurs ventes/transactions, cela n’annulerait pas leur pacte. Et ce qui ne rompt pas leur pacte dans leurs églises, ne le rompt pas par d’autres façons, comme en faisant sonner les cloches ou en exhibant des cochons ». L’imâm Mas’ûd Ibn-Ahmad Qâshânî al Hanafî (m. 587 H) a dit dans Bada’î al-Sana’î fi Tartib al-Shara’î (15/336) : « Si un dhimmi insulte le Prophète (ﷺ) cela n’invalide pas son pacte [de sécurité]. Car, c’est une extension de sa mécréance par rapport à sa mécréance [d’origine]. Si le pacte a été établi sur sa mécréance d’origine, alors il est établi sur son extension ».

[2] “Un apostat doit-il être mis à mort ? Par Sheykh Ahmad Kutty”, Sunnisme :  https://www.sunnisme.com/article-un-apostat-doit-il-etre-mis-a-mort-par-sheikh-ahmad-kutty-4193.html/ ; Né en 1946 en Inde, il étudia les différentes sciences islamiques y compris le Qur’ân, l’histoire, le Hadith et le Fiqh, jusqu’à obtenir une ijâza pour les enseigner, puis se rendit en Arabie Saoudite où il fut diplômé en fondements de la Religion (Ussûl ad-Dîn) et obtint par la suite son doctorat (PhD) en islamologie et littérature à la McGill University Institute of Islamic Studies au Canada.

[3] Rapporté par An-Nasâ’î dans ses Sunân n°4048 et n°4743 selon ‘Aîsha, sahîh, Abû Dawûd dans ses Sunân n°4353, Al-Khatib at-Tabrizî dans Mishkat al-Masabih n°3544, Ibn Hajar dans Bulugh al-Maram n°1170, Al-Hakim et d’autres. Nous avons également inclus entre parenthèses les précisions contextuelles qui sont indiquées dans les autres ahadiths.

[4] Rapporté par An-Nawawî dans son recueil des 40 ahadiths n°14, al-Bukhari dans son Sahîh n°6878, Muslim dans son Sahîh n°1676, At-Tirmidhî dans ses Sunân n°1402, Abû Dawûd dans ses Sunân n°4352, An-Nasâ’î dans ses Sunân n°4016, etc.

[5] Rapporté par An-Nasâ’î dans ses Sunân n°4025 selon Anas, sahîh.

[6] Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°1784 selon Abû Wa’il.

[7] Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°1064, al-Bukharî dans son Sahîh n°3166, 3414, 4094, 4390, 6095, etc. Selon Ibn Hajar dans Fath al-Bâri 12/363 l’imâm ‘Alî fut envoyé au Yémen en l’an 9 H tandis que pour Ibn Taymiyya cela eut lieu en l’an 10 H comme il le dira dans As-Sârim (p.230).

[8] Voir par exemple l’imâm As-Shawkanî dans Nayl ul-awtâr 8/9. Aussi, Ibn Hajar al ‘Asqalânî dans Tahdib al Tahdib (7/234) et Ad-Dhahâbî dans Târîkh al-Islâm (7/173) ont relaté l’avis des Sahâbi et des tabi’in (tels que Ibn ‘Umar, Saîd Ibn Al Mussayab, Muhammad Ibn Sirîn, ‘Ali Ibn ‘Abdullâh ibn ‘Abbâs, Yahya Ibn Saîd al Qassim Ibn Muhammad, ‘Ata al Khurassanî, …) qui avaient critiqué Ikrima’ le kharijite qui avait côtoyé Ibn ‘Abbâs mais qui mentait sur son compte, et c’est lui qui rapporta des récits douteux en la matière, reflétant d’ailleurs la mentalité des kharijites plus que du Prophète (ﷺ) et des nobles Sahâba, comme le hadith disant que celui qui quitte la religion devait être tuée (que l’on pourrait quand même interpréter comme étant un propos incomplet sorti de son contexte, même au cas où cette parole serait authentifiée ; mais des muhaddithûn contemporains ont affaibli le récit pour d’autres raisons aussi), ou comme le fait qu’Alî aurait fait brûler des renégats qui l’avaient pris comme divinité (sans préciser s’ils étaient des sécessionnistes ou des combattants), etc. Muslim, l’auteur du Sahîh, ne le considérait pas comme digne de confiance, ni l’imâm Mâlik. Des éminents savants du Hadith du passé l’ont rejeté mais n’ont rapporté cependant de lui que de rares narrations si elles étaient soutenues par d’autres personnes jugées dignes de confiance. Ces récits douteux ne sont d’ailleurs pas mutawatir et contredisent le Qur’ân et des ahadiths beaucoup plus solides dans leur isnad.

[9] Syed Barakat Ahmad, “Conversion from Islam,” in C.E. Bosworth, ed. The Islamic World from Classical to Modern Times: Essays in honor of Bernard Lewis (Princeton, 1989), pp. 3–25.

[10] Par exemple le cas du célèbre Dr. Robert Malone aux USA, ou en France avec les cas du Pr. Christian Perronne, Pr. Didier Raoult, Dr. Alexandra Henrion-Caude, Dr. Laurent Mucchielli, Dr. Christine Cotton, du Pr et Prix Nobel de Médecine Luc Montagnier, Dr. Louis Fouché, Dr. Amine Umlil, Dr. Vincent Pavan, Jean-Dominique Michel, Pierre Chaillot, Dr. Laurent Toubiana – tous des experts dans leur domaine respectif – et de tant d’autres, calomniés et diabolisés en les accusant de « fakes news » alors que leurs propos étaient – pour la plupart – tous confirmés ou établis par les données scientifiques, médicales et statistiques, contrairement à leurs détracteurs dont les affirmations pseudo-scientifiques voire charlatanesques ont été réfutées sur les plans scientifiques et statistiques, et dont des investigations ont montré qu’ils avaient été soudoyés par Big Pharma pour beaucoup, tandis que d’autres parlaient sous l’effet de la peur d’être persécutés ou suspendus par les autorités politiques françaises. Plusieurs d’entre eux ont d’ailleurs écrit des ouvrages où ils développent cela en détail. Voir aussi les publications et interviews du Pr et Dr. belge Martin Zizi. Les chercheurs Yaffa Shir-Raz, Ety Elisha, Brian Martin Natti Ronel et Josh Guetzkow sont à l’origine d’une publication scientifique intitulée Censorship and Suppression of Covid-19 Heterodoxy: Tactics and Counter-Tactics (Minerva, Novembre 2022 : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36340971/) montrant les manipulations, diffamations et censures qui ont visé les chercheurs et scientifiques s’opposant sur des bases scientifiques à la doxa officielle : « L’émergence du Covid-19 a conduit à de nombreuses controverses sur les connaissances et les politiques liées au Covid. Pour contrer la menace perçue des médecins et des scientifiques qui contestent la position officielle des autorités sanitaires gouvernementales et intergouvernementales, certains partisans de cette doxa ont décidé de censurer ceux qui promeuvent des opinions dissidentes. Le but de la présente étude est d’explorer les expériences et les réponses de médecins et de chercheurs hautement accomplis de différents pays qui ont été la cible de répression et/ou de censure suite à leurs publications et déclarations concernant le Covid-19 qui remettent en question les opinions « officielles » [dictées par les autorités politiques et financières]. Nos résultats soulignent le rôle central joué par les organes médiatiques, et en particulier par les entreprises de technologie de l’information, dans la tentative d’étouffer le débat sur la politique et les mesures Covid-19. Dans le but de réduire au silence les voix alternatives, il a été largement fait usage non seulement de la censure, mais aussi de tactiques de répression qui ont porté atteinte à la réputation et à la carrière des médecins et scientifiques dissidents, quel que soit leur statut universitaire ou médical et quelle que soit leur stature avant d’exprimer une opinion ou position contraire. Au lieu d’une discussion ouverte et équitable, la censure et la suppression de la dissidence scientifique ont des implications délétères et profondes pour la médecine, la science et la santé publique ». Toujours en France, les secteurs de l’humour et du spectacle (avec les célèbres cas de Dieudonné et de Guillaume Meurice ; le premier pour avoir dénoncé avec humour non pas les Juifs mais la mafia sioniste et leurs nombreux crimes, et le second pour avoir fait une blague sur le génocidaire et criminel de guerre Benyamin Netanyahu), des dissidents politiques contestés (comme Robert Faurisson, Alain Soral, Vincent Reynouard, …) ou moins contestés (comme l’écrivain et militant Roger Garaudy, le grand pianiste Stéphane Blet, l’avocat et militant Juan Branco, …), ainsi que toute une série de conférenciers, chercheurs, historiens, prédicateurs ou autres qui pourtant n’ont jamais appelé à la haine, au séparatisme ou au terrorisme mais plutôt à la paix et à l’intégration comme par exemple l’historien et conférencier Hassan Iquioussen – lui aussi calomnié – et le Dr. Nabil Ennasri lui aussi persécuté et diffamé. Et les exemples sont très nombreux en France. Des Juifs antisionistes ne sont pas non plus épargnés, qu’ils soient modérés (comme ceux du collectif Tsedek ou de l’UJFP qui font d’ailleurs un travail remarquable) ou plus déterminés et virulents (dans leur propos) comme Gilad Atzmon, et d’autres encore sont menacés de mort pour leur dénonciation par des groupes sionistes pour avoir dénoncé le génocide à Gaza et soutenu les droits du peuple palestinien de vivre en paix avec les Juifs en Palestine, comme par exemple l’écrivaine catholique (et aussi amoureuse de l’islam) d’origine juive Véronique Levy, le député musulman Ismael Boudjekada, le médecin et militant juif Rony Brauman, etc. Par contre des terroristes du Likoud, des extrémistes propagandistes, violeurs et criminels ont pignon sur rue en France (dans les médias mainstream et chaines TV), dictent les lois et persécutent les chercheurs et opposants politiques.


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