Un nom qui revient souvent quand on parle de wahhabisme au début du 21e siècle – après la mort des prédicateurs comme Ibn Baz, Muhammad Salîh ibn al-‘Uthaymîn et Al-Albanî (qu’Allâh leur fasse Miséricorde et leur pardonne) – est celui de Salih al-Fawzân représentant saoudien de l’idéologie wahhabite/salafiste najdite mais soumis au pouvoir politique. Né le 28 septembre 1933, il y a près d’un siècle donc. Il étudia dans plusieurs écoles, mosquées, ainsi qu’à l’Université de Riyad en Arabie Saoudite, y obtenant un doctorat en droit (fiqh).
Néanmoins, il faut préciser qu’à cette époque-là, et jusque dans les années 2010 encore, l’Arabie Saoudite accusait un énorme de retard concernant le niveau et la profondeur des sciences islamiques[1], tout comme d’ailleurs l’Université d’Al-Azhar au Caire (en Egypte)[2], surtout par rapport à d’autres pays comme le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Turquie, le Pakistan (du moins dans les meilleures universités traditionnelles), l’Inde, l’Iran, l’Afghanistan (dans certaines madrassa traditionnelles notamment à Mazare e-Sharif), la Syrie, la Jordanie, etc.
En effet, nous-mêmes, qui avons étudié auprès de professeurs et centres salafis comme sunnites traditionnels, on peut saisir immédiatement le gouffre qui sépare les centres universitaires salafis des centres académiques et universitaires sunnites traditionnels. Dans le premier cas – celui des wahhabites -, il s’agit de cours très biaisés autant que superficiels, avec un niveau d’exigence intellectuelle très bas, et des références peu sérieuses (surtout dans la ‘aqida et le fiqh, tout comme dans le Tafsîr et l’histoire). Cependant il y a aussi des savants ou auteurs salafis, qui sans être orthodoxes dans tous les aspects de la Religion et du sunnisme traditionnel, s’éloignent néanmoins du wahhabisme et proposent des analyses plus poussées et nuancées que les wahhabites, et nous pouvons citer par exemple les cas du Shaykh Sulaymân Ibn Nâsir al-‘Ulwân (né en 1969) – malgré quelques fatâwâ critiquées dans le cadre du conflit armé avec les envahisseurs mais sa science du Hadith dépasse largement celle des Wahhabis et Salafis de façon générale -, Shaykh ‘Abdulaziz al-Tarifî (né en 1976), Shaykh Safiy Ar-Rahmân Al-Mubârakfûrî (m. 2006) qui sans être opposé au Tasawwuf était tout de même quelque peu salafisé dans sa ‘aqida tout en étant historien et spécialiste du Hadith ou Mostafa Suhayl Brahami (né en 1952 en Algérie, physicien et économiste de formation), qui reste toutefois très mal informé au sujet du Tasawwuf et de la spiritualité musulmane (où nous avions cependant répondu à ses objections initiales, sans qu’il ne revienne sur ses propos erronés par la suite), qui sont des figures importantes dans leur domaine, se situant entre le sunnisme traditionnel et le salafisme.
Cela se reflète forcément aussi chez les savants des 2 milieux, où la différence de niveau est tout aussi abyssale. On observe peu (voire aucune selon les cas) de maitrise, concernant la théologie, la logique, l’épistémologie, l’histoire et la philosophie des sciences, la philosophie et la métaphysique, et qui sont pourtant très utiles pour approfondir les questions théologiques et existentielles qui nous concernent tous, ainsi qu’une nécessité quand on aborde les questions et critiques dans l’inter-religieux ou issues des milieux anti-religieux, De même dans les autres sciences comme les ulûm al-Qur’ân, ulûm al-Hadîth, l’histoire, les ussûl al-Fiqh et les ussûl ud-Dîn, les maqâsid, le fiqh comparé, le fiqh tout court, etc., sans parler de l’absence des matières importantes comme l’adab et le Tasawwuf, qui étaient pourtant au cœur non seulement de l’Islam et de l’enseignement prophétique, mais aussi de l’éducation religieuse et spirituelle des Salafs, y compris chez les 4 imâms du fiqh comme le rapporte aussi le Shaykh Ibn Taymiyya dans son Minhaj as-Sunnah.
Il suffit de comparer les plus grandes références wahhabites et salafistes de notre époque comme Ibn Baz, Al-‘Uthaymîn (même si parfois plus proche du hanbalisme que du salafisme sur certaines questions), Al-Albani (une sorte d’électron libre au sein du Salafisme), Al-Fawzan, les 2 Madkhali (Rabi’ et Zayd) et le mufti officiel Abdelaziz Ibn Abdallah Al As-Shaykh (né en 1943), avec les grands savants sunnites traditionnels comme le Shaykh Muhammad Anwar Shâh Al-Kashmîrî (m. 1933), Shaykh Ahmad Ibn Mustafa al-‘Alawî (m. 1934), Shaykh Badr ud-Dîn Al-Hassâni (m. 1935), Le dernier Shaykh ul Islam de l’empire Ottoman Shaykh Mustafa Sabrî Effendi (m. 1954), Shaykh Ibrâhîm Al-Yaʿqûbî (m. 1985), Shaykh ʿAlawî Al-Mâlikî Al-Hassânî (m. 1971), Shaykh ʿAbd Al-Halîm Mahmud al-Hussaynî (m. 1978), Shaykh Muhammad Al-Hashimi al-Hassânî (m. 1961), Shaykh Al-Habîb ʿUmar Ibn Ahmad Sumayt (m. 1976), Muhammad Hassan Askari (m. 1978), Shaykh ʿAbd Al-Qâdir ʿIsâ al-Halabî al-Hussaynî (m. 1991), Shaykh Ahmad Mashhûr Al-Haddâd (m. 1995), Shaykh Abd Al-Fattâh Abû Ghuddah (m. 1997), Shaykh Muhammad Zakî Ibrâhîm al-Hussaynî (m. 1998), Shaykh Muhammad Hamidullah (m. 2002), Shaykh Muhammad ʿAlawî Al-Mâlikî al-Hassânî (m. 2004) qui enseigna à la Mecque et à Médine, Shaykh Al-Habîb ʿAbd Al-Qâdir As-Saqqâf (m. 2010), Shaykh Rajab Dîb (m. 2016), Seyyed Hussein Nasr (né en 1933), Shaykh Al-Habîb Abû Bakr Al-ʿAdanî Ibn ʿAlî Al-Mashhûr (né en 1945), Shaykh Al-Habîb ʿUmar Ibn Hafîdh al-Hussaynî, Shaykh Habib Kazim al-Saqqaf de la descendance de l’imâm ‘Alî (né en 1967), Shaykh Habib Muhammad Abd al-Rahman al-Saqqaf al-Hussayni (né en 1972), et tant d’autres, qui étaient de grands imâms du Qur’ân, de la Sunnah, du Tasawwuf, du Fiqh, des Ussûl, de la logique, de la Sîrah, du Hadith, du Tafsîr, de l’adab, de la langue arabe, et pour beaucoup, des descendants du Prophète (ﷺ) par les imâms Hassân ou Hussayn. Ces savants traditionnels, dont certains ont réfuté ainsi un certain nombre de thèses orientalistes, islamophobes et athégristes concernant la Religion et la Tradition, ont su montrer la profondeur et la pertinence de l’Islam, de ses différents aspects et de ses sciences traditionnelles, le tout en faisant preuve d’une noblesse de caractère dont la lumière se reflète (ou se reflétait, parmi les défunts) sur leur visage et dans leurs nobles manières, très loin du fanatisme, du laxisme ou du rigorisme, se conformant ainsi à la parole du Prophète Muhammad (ﷺ) : « Les justes et véridiques de chaque génération porteront ce savoir (lié à l’islam et à la science sacrée) et le préserveront de la déformation des rigoristes et des extrémistes, de l’usurpation des imposteurs et de l’interprétation des ignorants »[3].
Il ne faut donc pas s’étonner des conséquences de la da’wah wahhabite najdiyya, qui a entrainé 4 types de vagues dévastatrices dans le monde musulman, à savoir :
1) Une vague d’apostasie, où en s’imposant aux Musulmans (selon leur prétention) comme étant la seule conception de l’Islam qui vaille, des millions de personnes n’y trouvant alors aucune exigence intellectuelle, aucune dimension métaphysique ou spirituelle, et y voyant (objectivement) de nombreuses incohérences et lacunes, se sont alors détournés de la Religion, ou du moins de l’Islam.
2) Une vague de fanatisme, de littéralisme, de sectarisme, d’ignorance et d’extrémisme
3) Une vague d’éloignement de la Religion poussant à la sécularisation sans pour autant abandonner complètement la Religion ; même si cette vague existe aussi à des degrés divers dans les autres pays où l’enseignement traditionnel n’a pas touché les masses populaires de la société.
4) Une vague de charlatans (pseudo-imâms, pseudo-coachs spirituels) et de courants déviants (notamment les modernistes et les coranistes), qui en surfant sur les ravages du wahhabisme, le vide spirituel (laissé aussi bien par le wahhabisme que par le matérialisme, qui sont parfois même étroitement liés dans leur façon de voir les choses) et l’ignorance des gens de la masse, profitent de cette situation pour tromper les gens et se poser en « autorités/coachs » afin de gonfler leur ego, les éloigner de la piété religieuse, de la spiritualité et d’une conscience élevée sur les enjeux politiques, écologiques, idéologiques, etc. de notre temps, les confortant dans leur « pathos », leur ego et leurs illusions afin de mieux leur soutirer leur argent, et alors même qu’ils ne sont pas du tout qualifiés concernant le fiqh, la thérapie, la médecine, l’éducation spirituelle, la psychologie, etc., délivrant des fatâwâ en mode « marketing ».
Si l’Islam interdit le fanatisme et ordonne la quête de la connaissance (et donc la désapprobation de l’ignorance volontaire), c’est parce qu’il est très simple pour les gens pervers et malhonnêtes de manipuler les fanatiques comme les ignorants.
« Ô vous qui croyez ! Si un pervers vous apporte une nouvelle, assurez-vous de sa réalité et de sa pertinence, de crainte que, par inadvertance, vous ne portiez atteinte à certains et que vous ne regrettiez, par la suite, ce que vous avez fait » (Qur’ân 49, 6).
Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit en le répétant 3 fois : « Malheur (car leur coeur est ruiné) aux extrémistes insensés, rigoristes et fanatiques (qui compliquent et rendent inutilement difficiles les choses ainsi qu’à leur propre âme) »[4].
Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit aussi : « Méfiez-vous et préservez-vous de l’extrémisme et du rigorisme, car en effet, cela a détruit ceux qui vous ont précédé (au sein des communautés antérieures) »[5] ainsi que : « La Religion doit être vraiment simple et facile (à vivre) (…). Ne soyez pas extrémistes (…) »[6].
Le Prophète (ﷺ) mit donc en garde contre les groupes extrémistes et rigoristes, et donc envers les wahhabites najdites et leurs semblables parmi les Shiites, les modernistes et autres – là où les Salafistes plus tolérants et plus modérés ne sont pas concernés par cette mise en garde prophétique, malgré leurs erreurs dans certains sujets ou leur ignorance de certains aspects de la Religion -.
Là où les khawarij au sein de la wahhabiyya sèment la haine, le désordre, la mort, le chaos, la corruption et le sectarisme dans le monde musulman et ailleurs sur terre, le Messager d’Allâh (ﷺ) mit en garde contre eux, et notamment sur le danger des khawarij et des mouvements extrémistes qui s’impliquent en politique : « Ô Ka’ab Ibn ‘Ajra ! Qu’Allâh te préserve de l’Émirat des sots et des ignorants fanatisés ! ». Et l’on dit : « Quel est cet Émirat ô Messager ? ». Le Prophète Muhammad (ﷺ) répondit : « Des émirs qui viendront après moi et ne suivront pas ma Sunnah, ni ma Guidée. Celui qui les déclarera véridiques dans leurs mensonges, et les aidera dans leurs injustices, ne sera pas des miens et je ne suis pas des siens, et il ne viendra pas boire à mon bassin (au Paradis). Et celui qui ne croira pas en eux, dans leurs mensonges, et ne les aidera pas dans leurs injustices, sera des miens et je suis des siens, et il viendra s’abreuver à mon bassin. La prière rapproche d’Allâh, le jeûne est un bouclier et la charité éteint les péchés tout comme l’eau éteint le feu »[7].
Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Viendra un temps où le monde sera dominé par le sot (insensé et idiot), fils du sot, fils du sot. Le meilleur des gens (à cette période) sera un croyant se situant entre un grand-parent honorable et digne et un enfant honorable et digne »[8].
Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « L’homme sage est celui qui se prend en charge, fais le bien et accomplit de bonnes actions pour se préparer à ce qui vient après la mort (l’Au-delà). L’homme insensé est celui qui cède à ses désirs mesquins et vils (sans se soucier d’Allâh) »[9].
Des Compagnons ont demandé au Prophète (ﷺ) : « Une femme prie la nuit, jeûne le jour et donne l’aumône, mais blesse ses voisins (et les autres) avec sa langue (en disant des méchancetés ou des calomnies) ». Le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Il n’y a (alors) pas de bien en elle, et elle (ses mauvaises actions) fait partie des gens qui devront passer par la Géhenne (jusqu’à se purifier) ». Ils demandèrent ensuite au Prophète (ﷺ) : « Et la femme qui accomplit les prières prescrites, fait l’aumône et ne fait de mal à personne ? ». Il (ﷺ) répondit : « Elle fait partie des gens du Jardin (du Paradis) »[10].
Ce hadith, concernant aussi bien les femmes que les hommes, nous enseigne à nous centrer sur nous-mêmes et notre spiritualité (notamment via la prière et le jeûne), à faire la charité pour les gens dans le besoin, et à ne pas blesser ou embêter nos voisins ou nos prochains par des attitudes ou des propos déplacés, blessants ou condescendants. En somme, concentrons-nous sur notre relation avec Lui, aidons les gens dans le besoin et n’emmerdons personne.
Ce hadith est aussi une preuve contre la mentalité et la croyance des extrémistes et khawarij, qui font le takfir des gens qui ont une foi simple et « élémentaire » en Allâh (sans connaissance des règles détaillées en ‘aqida/théologie ou en fiqh/droit), mais qui prient, jeûnent, donnent l’aumône et ne font pas de mal aux gens, ce qui constitue en réalité l’essentiel de l’islam (contrairement à la mentalité rigoriste et aux conditions innovées des kharawij), car à partir du moment où les gens connaissent et professent les piliers de l’islam et de la foi – même dans leur approche élémentaire -, et font le bien tout en s’abstenant de faire le mal, cela suffit pour les reconnaitre en tant que musulman(e)s dont l’annonce du Paradis leur a été garantie.
Même une connaissance superficielle, mais « consciente » des piliers de l’Islam et de la foi suffit, et après cela, l’essentiel réside dans le bon comportement et les nobles caractères, et non pas la haine de l’autre, le fanatisme, le rigorisme ou le fait de rendre la vie difficile et compliquée aux autres, au point de les dégoûter de la Religion, de la politique ou même de la société humaine.
Le Prophète (ﷺ) a dit en effet : « Enseignez (ce qui est bon et convenable) aux autres. Rendez les choses faciles aux gens et ne leur compliquez pas (inutilement) les choses. Donnez de bonnes nouvelles et ne repoussez pas les gens (par le mauvais comportement et les propos repoussants) au point de les effrayez ou de les rebuter. Coopérez les uns avec les autres (dans ce qui est licite et bon) et ne vous divisez pas. Calmez et apaisez plutôt les gens, et lorsque l’un de vous s’énerve ou se met en colère, qu’il se taise »[11] ainsi que : « Par son bon comportement et son noble caractère, le croyant atteindra le rang de celui qui prie durant la nuit et jeûne durant le jour (c-à-d constamment) »[12].
Et le Prophète (ﷺ) indiqua plutôt la bonne voie à suivre en citant les actions les plus méritoires : « Propagez et répandez la Paix et les belles salutations – as-Salâm -, offrez et donnez à manger (aux gens dans le besoin), préserver les liens de parenté et priez la nuit pendant que les gens dorment, vous rentrerez alors au Paradis en Paix »[13] ; « Adorez Ar-Rahmân (c-à-d Allâh par Son Nom le Tout-Miséricordieux et Rayonnant d’Amour), nourrissez les gens, propagez et répandez le Salâm – la Paix et les belles salutations de Paix (dans le monde) -, et alors vous entrerez au Paradis en Paix »[14] ; « Ceux qui sont les plus proches d’Allâh sont ceux qui sont les premiers à propager et à répandre la Paix et à donner les belles salutations (de paix) »[15] et : « Les meilleurs d’entre vous sont ceux qui ont le meilleur comportement et le plus noble des caractères ». Et le Prophète n’était pas quelqu’un d’obscène, ni quelqu’un qui prononçait des obscénités »[16].
Le Compagnon Mu’adh Ibn Jabal rapporte que le Messager d’Allâh (ﷺ) l’avait envoyé vers un peuple et lui demanda : « Ô Messager d’Allâh, instruis-moi ». Le Prophète (ﷺ) lui répondit : « Répandez la paix et les belles salutations, offrez de la nourriture et soyez modestes devant Allâh comme vous le feriez pour un homme digne de votre famille. Si vous faites une mauvaise action, faites-la suivre d’une bonne action. Rendez votre caractère (et comportement) aussi excellent que possible »[17].
Et cela, aussi bien en temps de paix que de guerre, là où le Jihâd armé contre l’envihasseur ou les terroristes, ou le Jihâd de dire la vérité à un oppresseur ou de le rappeler à l’ordre quand il s’écarte de la justice et de la sagesse, ne concernent pas tout le monde, ni ne sont des situations « permanentes », contrairement à la vie du quotidien où il faut répandre la paix, faire le bien, nourrir les affamés, prier la nuit, etc.
Ainsi, les khawarij qui prétendent agir au nom de l’islam mais qui transgressent la Loi divine, s’opposent aux préceptes islamiques, font le contraire de ce qu’exige l’Islam et qui correspondent exactement aux criminels et fanatiques qui ont été décrit par le Prophète et contre lesquels il a mis en garde, précisant même « qu’ils ne sont pas des miens », sont bien des ennemis de l’Islam et de l’Humanité, d’autant plus qu’ils ne maitrisent même pas le Tawhid et ce qui relève vraiment du shirk, alors même qu’ils accusent souvent à tort les musulmans d’être des infidèles, soit pour des pratiques et doctrines bien instituées en Islam (comme le dhikr collectif, le tawassul, le tabarrûk, l’élévation modérée des tombes et mausolées, etc. tant que le principe du Tawhîd et des règles de bienséance sont respectés par les visiteurs, auxquels il suffit de les instruire convenablement tout simplement), soit pour de simples innovations blâmables ou des erreurs qui n’excluent pas ces gens là de la Religion.
Mais pour en revenir au prédicateur wahhabite najdite Salih al-Fawzan (que ses partisans appellent faussement Shaykh) affirme comme sa référence qu’est Mohammed ibn ‘Abd al-Wahhab : « que la plupart des gens et des savants ne connaissent pas le Tawhid. Et tu verras ces mêmes savants contemporains mettre en garde contre les Ghulat at-Takfir alors qu’ils les alimentent par leur propos et qu’ils ont les mêmes références… ».
En effet, dans son commentaire de l’ouvrage de Mohammed ibn ‘Abd al-Wahhab intitulé Sharh Tafsir Kalimat at-Tawhid, Al-Fawzan ne fait que répéter ce qu’avait déjà dit Mohammed ibn ‘Abd al-Wahhab – qui est la principale référence des wahhabites najdites, avant même le Qur’ân, le Prophète (ﷺ), les Salafs, et même qu’Ibn Taymiyya et Ibn al-Qayyîm – à propos des gens de son époque et même ceux avant lui. Et avec ce genre de propos erronés, déviants et arrogants, ils osent blâmer les Ghulat at-Takfir [exagérateurs et extrémistes dans le Takfir] alors qu’ils puisent à la même source, c’est-à-dire celui du takfirisme présent dans la da’wah de la wahhabiyya najdiyya. Il dit donc dans Sharh Tafsir Kalimat at-Tawhid :
« La plupart des gens ignorent ce témoignage [la Shahada qui permet de devenir musulman], ils pensent que c’est juste une parole prononcée avec la langue, et de nombreux savants ne comprennent pas le sens de « La ilaha illa Allah » [il n’y a de dieu qu’Allâh] et ils sont des savants de la jurisprudence (fiqh), des savants de la grammaire, des savants du hadith, mais la plupart d’entre eux ne se soucient pas du Tawhid, ou alors ils apprennent la doctrine des Ash’aris et des savants du Kalâm, qui se limite au Tawhid de la Seigneurie. Ils disent : « Il n’y a de dieu qu’Allâh » et ils l’expliquent : « Il n’y a pas d’autre créateur qu’Allâh, nul autre qu’Allah n’est capable de créer ». Voilà leur explication, ils ne vont pas au-delà du Tawhid de la Seigneurie, et ils expliquent « Il n’y a de dieu qu’Allâh » avec ce qui ne dépasse pas le Tawhid de la Seigneurie, et ils n’abordent pas le Tawhid de l’adoration [al-Uluhiyyah] qui est requis pour « La ilaha illa Allah ». Lisez les crédos des théologiens du Kalâm et vous verrez qu’ils s’attachent à prouver la réalité d’Allâh, comme s’il y avait un doute en Allâh, et à reconnaître qu’Il est le Créateur, le Pourvoyeur, Celui qui donne la Vie et la mort, etc., et ils ne mentionnent pas l’adoration, ni ne mentionnent jamais la divinité, cela ne va pas au-delà de la religion des idolâtres à propos desquels Allâh a dit : « Dis : « Qui vous attribue de la nourriture du ciel et de la terre ? Qui détient l’ouïe et la vue, et qui fait sortir le vivant du mort et fait sortir le mort du vivant, et qui administre tout ? ». Ils diront : « Allâh ! » Dis alors : « Ne Le craignez-vous donc pas ? » (Qur’ân 10, 31). Ils affirment le Seigneur, mais ils adorent un autre que Lui… ».
Mais à propos du Tawhîd dont l’amour bienveillant et la bonté de l’âme font partie des implications du Tawhîd sur les plans éthiques et spirituels comme le dit le Qur’ân : « Adorez Allâh et ne Lui donnez aucun associé. Agissez avec bonté, bienfaisance et bienveillance envers vos père et mère, les proches, les orphelins, les pauvres, le proche voisin, le voisin lointain, le collègue et le voyageur, et les serviteurs/employés qui sont sous votre responsabilité, car Allâh n’aime pas, en vérité, le présomptueux, l’arrogant » (Qur’ân 4, 36), il y a aussi des déviances à noter. En se basant sur les écrits de Ibn Taymiyya (comme ce que l’on peut trouver dans les Majmû’ al Fatâwa par exemple) ou de Mohammed ibn Abdel Wahhâb (principalement ce qui est contenu dans Ad-Durâr as-Saniyyah, qui contient ses propos ainsi que ceux de ses successeurs), le Shaykh Abû Sulayman (Corentin Pabiot), dans sa traduction de la La ‘aqida tahawiyya : la profession de foi des gens de la Sunna (2015, aux éditions Maison Ennour, pp. 19-21) réfuta leurs erreurs et déviances, et nous avons cependant pris la liberté d’apporter des références supplémentaires entre crochets et de modifier la façon de retranscrire certains termes et certains noms, sans jamais trahir le texte original) : « Établir une distinction entre tawhîd ar-rububiyya et tawhîd al ulûhiyya, est une innovation blâmable. Ibn Taymiyya est le premier homme à avoir divisé le tawhid en 3 catégories* : unicité seigneuriale ; unicité divine (ou unicité d’adoration) ; et unicité des Noms et des Attributs divins. Aucun Docteur de l’Islâm, Ancien ou Moderne ne l’avait fait avant lui. Professer “l’unicité seigneuriale”, c’est croire que Dieu est le Seul Créateur, le Seul Pourvoyeur, le Seul Agent, et qu’aucun associé ne participe à Son oeuvre ; professer “l’unicité d’adoration”, c’est vouer à Dieu un culte exclusif et sans partage ; enfin professer “l’unicité des Noms et des Attributs divins” , c’est affirmer l’existence de ces Noms et de ces Attributs tels qu’ils conviennent à Dieu et tels qu’ils ont été rapportés dans les Textes.
Or, selon Ibn Taymiyya, la ligne de partage entre l’islâm et le non-islâm passe par l’unicité d’adoration, la seule à même de faire sortir du kufr, de l’incroyance. En effet, nous dit-il, on peut très bien admettre l’unicité seigneuriale tout en demeurant infidèle. On en veut pour preuve le Qur’ân : {Dis : “Qui donc vous procure la nourriture du ciel et de la terre ? Qui dispose de l’ouïe et de la vue ? Qui fait sortir le vivant du mort ? Qui fait sortir le mort du vivant ? Qui dirige toute chose avec attention ?”. Ils répondent : “C’est Dieu”. Dis : “Ne le craindrez-vous pas ?”} Surate 10, verset 31.
Sauf que les associateurs aiment leurs associés “comme on aime Dieu” : {Il est des hommes qui prennent en dehors de Dieu des idoles qu’ils aiment à l’égal de Dieu} Surate 2, verset 165.
Donc ce qui fait entrer en Islâm, c’est l’unicité d’adoration. Elle est la coupure fatidique qui sépare l’Islam et l’infidélité.
* Ibn Taymiyya distingue en général 2 sortes de tawhid, mais, comme souvent chez lui, sa terminologie est hésitante : parfois, il en compte 3.
Plus tard, Mohammed Ibn ‘Abd-Al-Wahhab, éponyme de la secte wahhabite, développera cette thèse en des termes plus graves et plus extrêmes encore : « Les infidèles que le Prophète a combattus, tués, dont il a pillé les richesses et rendu licites les femmes, croyaient en la seigneurie divine, faisaient l’aumône, le pèlerinage, rendaient le culte et s’abstenaient des choses interdites, parce qu’ils craignaient. Pourtant, cela ne les a pas fait entrer en Islâm et n’a pas rendu leur sang et biens illicites… » (pp. 17-18). Il ajoute que le Prophète (ﷺ) a combattu les Juifs et les Chrétiens qui reconnaissaient qu’ « il n’est de dieu que Dieu ». Poussée à l’extrême, la distinction débouche sur le fanatisme : « Celui qui connait le tawhid et n’agit pas en conséquence est un infidèle, obstiné comme Pharaon et Iblis ! ». Et celui qui innocente le coupable d’un tel acte, qu’il s’agisse des Anciens ou des « impies de notre époque », est lui-même un infidèle. Ils sont tous coupables de la « grande impiété », c’est à dire, de l’associationnisme ».
On réfutera cela en disant que “l’unicité seigneuriale” est identique à “l’unicité d’adoration” et qu’il n’y a aucune raison de diviser le tawhid en 2 ou 3 parties distinctes. Professer l’unicité de Dieu, c’est aussi bien croire que Dieu est le seul Créateur, le seul Pourvoyeur, le seul Agent, que vouer à Dieu un culte exclusif et sans partage.
Dieu dit dans le Qur’ân : {Ne suis-je pas votre Seigneur (rabb) ?} Surate 7, verset 172.
Or, celui qui reconnait la seigneurie de Dieu prend en même temps l’engagement de L’adorer, car le rabb, le Seigneur, n’est rien d’autre que l’ilâh, la Divinité. En outre, il est dit dans le hadith qu’au moment de la mort, les Anges interrogent la personne décédée en lui demandant : “qui est ton Seigneur (rabb) ?”, et non : “Qui est ton Dieu (ilâh)”[18].
Qui plus est, les Docteurs sunnites s’accordent à dire qu’il n’est pas permis de qualifier de muwahhid (partisan de l’unicité divine) quiconque rejetterait les pratiques de l’Islâm. Reconnaître la Seigneurie de Dieu tout en refusant de Lui vouer un culte exclusif, ce n’est pas être un mauvais partisan de l’unicité divine, mais c’est être mécréant, voilà tout. Preuve en est, le verset coranique suivant : {N’est-ce pas à Dieu qu’est dû le culte pur ? Ceux qui, en dehors de Lui, se sont donné des maîtres [disent] : Nous ne les adorons que pour qu’ils nous rapprochent intimement de Dieu”. En vérité, Dieu [dans la vie future] tranchera le différend qui les oppose. Dieu ne guide point le menteur, le mécréant invétéré} Surate 9, verset 3.
La raison démonstrative de ce verset, c’est que Dieu qualifie clairement les associateurs de menteurs et de mécréants ; dès lors, comment les qualifier de muwahhid qui professent l’Unicité Seigneuriale après cela, comme l’affirme Ibn Taymiyya ?
S’agissant ensuite du verset qurânique : {Dis : “Qui donc vous procure la nourriture du ciel et de la terre ? Qui dispose de l’ouïe et de la vue ? Qui fait sortir le vivant du mort ? Qui dirige toute chose avec attention ? ” Ils répondent : ” C’est Dieu ” Dis : ” Ne craindrez-vous pas ?”} sourate 10, verset 31.
Il ne signifie nullement que les assiociants (associateurs) professaient “l’Unicité Seigneuriale de Dieu”. En réalité, ces gens tenaient ces propos uniquement pour contredire le Prophète (ﷺ). En effet, lorsque celui-ci leur eut prouvé que Dieu existait, qu’il n’y avait d’autre dieu que Lui, et qu’il leur demanda de renier les idoles devant lesquelles ils se prosternaient en dehors de Dieu, ils se trouvèrent dans un embarras manifeste. Ils dirent alors en réponse à la question du Prophète (ﷺ) : “Qui donc a créé les cieux et la terre ?”, C’est Allâh”, prétendant par là qu’ils adoraient ces idoles uniquement pour qu’elles les rapprochent davantage de Lui. C’était évidemment un mensonge de leur part, car en réalité ils ne croyaient aucunement en la Réalité de Dieu, Créateur des cieux et de la terre. Ce qui le prouve, c’est que Dieu leur a ordonné de méditer sur la création des cieux et de la terre afin qu’ils sachent qui en est le Créateur et qu’ils se soumettent, Dieu dit : {Ne regardent-ils pas comment les chameaux furent créés, comment le ciel fut élevé, comment les montagnes furent érigées, comment la terre fut nivelée ?} Surate 88, versets 17-20.
Si vraiment les associants avaient regardé Dieu comme le Créateur des cieux, de la terre et de ce qu’ils contiennent, quel intérêt avait le Seigneur à leur demander de méditer sur les chameaux et la façon dont ils furent créés, sur les montagnes et la manière dont elles furent dressées, sur la terre comme elle fut nivelée, sur les cieux comme ils furent élevés ?
Enfin, on n’a jamais entendu que le Prophète (ﷺ) avait établi une différence entre le tawhid ar-rubûbiyya et le tawhid ulûhiyya, lui qui attendait seulement les convertis qu’ils attestassent qu”il n’est de dieu que Dieu et que Muhammad est son Prophète”. Établir une distinction entre les 2 types de tawhid est donc une innovation blâmable (bid’a) ».
Bien qu’Ibn Taymiyya ait innové dans la façon d’expliquer mais aussi dans la compréhension du Tawhîd, ce qu’il dit reste globalement correct (exceptés quelques points qui peuvent engendrer des conséquences fâcheuses chez les faibles d’esprit) concernant les principes du tawhîd dans ses 3 axes majeurs, à savoir l’Unicité de l’adoration d’Allâh, de la Seigneurerie et de Ses Attributs, mais ses 3 axes sont compris implicitement dans le fait même qu’Il soit Dieu (Divin), et les implications qui découlent de son raisonnement erroné, peuvent engendrer des confusions, des erreurs et des innovations blâmables, comme on peut le voir chez Mohammed ibn ‘Abd al-Wahhâb. C’est là qu’on voit les contradictions chez les salafistes : accepter ou refuser arbitrairement les innovations…généralement refusant les bonnes innovations et acceptant les mauvaises innovations.
Enfin, Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb ment sur le compte du Prophète Muhammad (ﷺ) ou ignore une partie du Qur’ân, de la Sunnah authentique et des épisodes bien attestés de la Sîrah, qui montrent, sans l’ombre d’un doute, 2 choses qui ruinent totalement sa prédication sur ce qui la distingue de l’Islam traditionnel, à savoir dans un premier temps, le fait que parmi les ennemis du Prophète (ﷺ) et des Musulmans, il y avait beaucoup d’idolâtres qui insultaient et combattaient ouvertement Allâh et Son Messager, qui niaient parfois Allâh tout en vouant un culte à des idoles inventées, qui niaient l’existence du Jour du Jugement ainsi que du Paradis et de l’Enfer, qui ne faisaient pas la prière, ni ne versaient la zakâh, ni ne faisaient le Hajj, ni ne jeûnaient, ni ne se comportaient avec justice et droiture envers les femmes, les enfants, les anciens, les voyageurs, les esclaves, etc. et que pire encore, certains ajoutaient à cela, le fait de s’opposer clairement à la diffusion du Message de l’Islam, à insulter Allâh et Son Messager, à obstruer le Sentier d’Allâh pour les croyants ou les nouveaux convertis, à les empêcher de retourner dans leurs demeures ou d’accomplir le grand ou le petit pèlerinage, sans parler de ceux qui ont pris les armes contre le Prophète (ﷺ) et sa communauté. Or, après tout cela, il ose dire que les Musulmans qui se sont opposés à lui (Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhâb) étaient pires que les ennemis du Prophète (ﷺ) ? C’est bien là une inspiration shaytanesque qui l’a égaré, car il contredit le Qur’ân, la Sunnah et la Sîrah à ce sujet. Et la deuxième chose, est que l’on trouve de façon très explicite et catégorique dans le Qur’ân, la Sunnah et la Sîrah, le fait que le Prophète (ﷺ) n’ait jamais combattu des non-musulmans pour leur croyance erronée, mais parce qu’ils avaient lancé les hostilités, qu’ils expulsaient les croyants de leurs demeures et persécutaient leurs familles, ou car ils renonçaient à un traité de paix durant la période médinoise lorsque les Musulmans avaient fondé leur propre état, en incluant aussi les communautés non-musulmanes, leur assurant protection et solidarité en cas de problèmes ou d’agressions ennemies. Faisant fi des nombreux versets du Qur’ân et des ahadiths prophétiques interdisant de tuer les non-combattants ou de persécuter les gens uniquement sur base de leurs croyances, il s’est sans doute basé sur un seul hadith complètement décontextualisé disant « Il m’a été ordonné de combattre les gens (ou les idolâtres selon une variante) jusqu’à ce qu’ils témoignent qu’il n’est de divinité qu’Allâh et qu’ils croient en moi [en tant que Prophète] et en ce que j’ai apporté » (Rapporté par de nombreuses voies, y compris par Abû Hurayra, ‘Alî, Ibn ‘Umar et d’autres comme relatés par Muslim dans son Sahîh, Bukharî dans son Sahîh et d’autres). Or, le sens apparent ne peut pas être celui qui est visé, puisque cela contredirait le Qur’ân, la Sunnah authentique et l’attitude prophétique ainsi que des Califes bien-guidés (Abû Bakr,’Umar, ‘Uthmân, ‘Alî et Hassân) qui après la mort du Prophète (ﷺ) ont toujours interdit de s’en prendre aux non-combattants du camp ennemi, tout en protégeant les résidents non-musulmans (dhimmis) en terres d’islâm. Or, la réalité, c’est que ce hadith – authentique – a été promulgué sur un champ de bataille, où le combat face à l’ennemi belliqueux a été ordonné (pour se défendre en cas d’attaque) mais que si l’ennemi déposait les armes tout en proclamant sa conversion à l’Islam, alors on ne devait plus le combattre, et ce, même s’il disait cela par hypocrisie pour éviter d’être tué, comme l’indiquent plusieurs narrations, notamment celles rapportées et authentifiées par An-Nawawî dans son Riyâd as-Salihîn. Même pour ceux qui ne disent pas proclamer l’attestation de foi, mais qui déposent les armes et souhaitent quitter le champ de bataille, alors Allâh ordonne non seulement de les laisser tranquille, mais même de les escorter jusqu’en lieu sûr : « Et si l’un des associateurs te demande asile, accorde-le lui, afin qu’il entende la parole d’Allâh, puis fais-le parvenir à son lieu de sécurité. Car ce sont des gens qui ne savent pas. Comment y aurait-il pour les associateurs (qui ont agressé et transgressé) un pacte admis par Allâh et par Son messager ? A l’exception de ceux avec lesquels vous avez conclu un pacte près de la Mosquée sacrée. Tant qu’ils sont droits envers vous, soyez droits envers eux. Car Allâh aime les pieux. Comment donc ! Quand ils triomphent de vous, ils ne respectent à votre égard, ni parenté ni pacte conclu. Ils vous satisfont de leurs bouches, tandis que leurs coeurs se refusent ; et la plupart d’entre eux sont des pervers. Ils troquent à vil prix les versets d’Allâh (le Qur’ân) et obstruent Son chemin. Ce qu’ils font est très mauvais ! Ils ne respectent, à l’égard d’un croyant, ni parenté ni pacte conclu. Et ceux-là sont les transgresseurs. Mais s’ils se repentent, accomplissent la Salât et acquittent la Zakât, ils deviendront vos frères en religion. Nous exposons intelligiblement les versets pour des gens qui savent. Et si, après le pacte, ils violent leurs serments et attaquent votre religion, combattez alors les chefs de la mécréance – car, ils ne tiennent aucun serment – peut-être cesseront-ils ? Ne combattrez-vous pas des gens qui ont violé leurs serments, qui ont voulu bannir le Messager et alors que ce sont eux qui vous ont attaqués les premiers ? Les redoutiez-vous ? C’est Allâh qui est plus digne de votre crainte si vous êtes croyants ! (…) ».
Allâh conditionne donc le combat par les violences et trahisons causées par les autres, et exhorte les croyants à cibler en priorité les chefs pour faire cesser la guerre car les soldats ne font généralement que suivre les ordres donnés par leurs commandants, or, en ciblant les chefs ennemis, cela pourrait sauver la vie de nombreux Musulmans et non-Musulmans qui cesseront la guerre si les donneurs d’ordre disparaissent. Ces versets font partie des derniers qui furent révélés concernant le combat, et ne sont donc pas abrogés (même pour ceux qui suivraient la thèse de « l’abrogation » intra-qurânique).
D’autres versets sur le même thème sont également explicites : « [tuez ceux qui vous combattent où que vous les trouviez] à l’exception de ceux qui visitent une tribu (qawn) à laquelle vous êtes liés par un traité ou de ceux qui viennent vous trouver le cœur serré à l’idée de vous combattre ou de combattre leur tribu ; si Allâh l’avait voulu, Il les aurait rendus maîtres de vous et ils vous auraient combattus. S’ils s’écartent de vous sans avoir eu à vous combattre, et s’ils vous proposent la paix, alors Allâh n’établira pour vous aucun recours (hostile) contre eux » (Qur’ân 4, 90).
Il en ressort de tout cela les points suivants :
1) Al-Fawzan n’est pas un Shaykh du point de vue islamique et du sunnisme orthodoxe, et de nombreux savants sunnites lui dénient le titre de « Shaykh » et ne le considèrent pas comme une référence à suivre.
2) Al-Fawzan contredit la doctrine et la position de l’élite des Salafs par rapport au Tawhid, aux conditions de la foi et du takfir.
3) Al-Fawzan est un takfiri, mais qui n’assume pas ouvertement cette idéologie car soumis au pouvoir politique qui contredit ici les implications violentes de la conception du takfir de Mohammed Ibn ‘Abd al-Wahhab, contredisant le wahhabisme originel sans l’assumer clairement, ce qui relève d’une autre incohérence.
4) Al-Fawzan ne connait pas même pas les traités de référence des écoles asharites et maturidites concernant le Tawhid, puisqu’ils abordent aussi l’aspect du Tawhid lié à l’adoration (qui est spécifique qu’à Allâh), sans renier les autres aspects du Tawhid comme la qualité de Créateur, unique et propre à Allâh.
5) Al-Fawzan ne maitrise pas le sujet du Tawhîd ni de la foi (imân) et a innové (en suivant les innovations blâmables de M. Ibn ‘Abd al-Wahhâb, lui-même exagérant les erreurs et confusions d’Ibn Taymiyya sur les « 3 types de tawhîd ») ; cf. la réfutation du Shaykh Corentin Pabiot concernant leur conception déviante et confuse du Tawhîd.
6) Al-Fawzan prétend, comme son maitre à penser, connaitre le Ghayb et calomnie l’ensemble des savants sunnites qu’ils accusent d’ignorance et d’idolâtrie (puisqu’ils n’auraient pas le tawhid selon eux), alors qu’ils enseignaient et commentaient les livres de ‘aqida, de fiqh, de hadith, de tafsîr, etc. des savants passés parmi les Salafs (Jâ’far as-Sâdiq, Abû Hanifa, at-Thawrî, Mâlik, As-Shafi’i, Ahmad, Al-Muhasibî, At-Tahâwî, Al-Junayd, At-Tabârî, Al-Bukharî, etc.) et les Khalafs (comme Al-Baqillânî, Al-Bayhaqî, Al-Khatib al-Baghdadî, An-Nawawî, Ibn ‘Asâkir, Ibn Hajar al ‘Asqalânî, Al-Baghawi, Abû Hâmid al-Ghazâlî, Al-Qushayrî, Fakhr ud-Dîn ar-Râzî, Ibn Hibbân, Ad-Dhahabî, Ibn Kathîr, Ibn Rajab al-Hanbali, etc. qui avaient écrit sur la ‘aqida et le Tawhîd).
7) Outre les nombreux mensonges, les calomnies et les lacunes de Fawzân concernant le Tawhîd, la ‘aqida, les savants du Kalâm (qui suivaient dans la science du Kalâm des Sahâba comme ‘Alî et Ibn ‘Abbâs, et des tabi’in comme ‘Alî Zayn ul Abidîn, Jâ’far As-Sâdiq, Abû Hanifa, Al-Muhasibî, Al-Bukharî, As-Shafi’i, At-Tahâwî, At-Tabarî, Al-Junayd et d’autres qu’eux, imâms qui font l’unanimité chez les sunnites orthodoxes), il commet de nombreuses erreurs dans le fiqh, le hadith, l’histoire et d’autres aspects de la Religion, tout en occultant la dimension spirituelle de l’Islam qui puise dans le Qur’ân, la Sunnah et les Sahâba, et qui fut développée aussi du temps des Salafs. Son niveau ne dépasse pas celui d’un simple étudiant sunnite dans une madrassa traditionnelle, car Al-Fawzan n’a aucune maitrise de la ‘aqida, de la logique et du kalâm, ni du fiqh et des ussûl, ni de l’histoire, ni du Tafsîr ni du Hadîth. Il n’est donc pas qualifié pour faire le takfir ni délivrer des fatâwâ, ce qu’il ose faire malgré ses immenses lacunes. De plus, sa soumission à un pouvoir politique corrompu et qui a combattu longtemps les partisans du Tawhîd, de la spiritualité et du sunnisme orthodoxe, fait qu’il n’est pas indépendant ni clairvoyant. Et aujourd’hui le pouvoir qu’il défend s’oppose même au wahhabisme et appelle à la sécularisation (ce qui était du kufr aux yeux des prédicateurs wahhabites najdites, en plus des gens de la Sunnah et du Tasawwuf. Concernant les droits des femmes en Islam, son ignorance l’a poussé à leur dénier des droits et pratiques qu’Allâh et Son messager leur ont pourtant conférés. A titre d’exemple, il dit dans une fatwâ qu’aucune femme n’enseigna dans les mosquées durant l’histoire islamique, alors que cela fut le cas de ‘Aîsha – qu’Allâh l’agrée – qui était l’épouse du Prophète (ﷺ) et la mère des croyants, et ce fait est pourtant bien connu. De même, Sayyida Nafîsa la descendante du Prophète (ﷺ) et cousine de l’imâm As-Shafi’i, enseignait aussi à des hommes le Qur’ân et d’autres sciences, et notamment dans des mosquées. La propre femme d’Ibn Hajar al ‘Asqalânî (m. 1449), Anas Khatun, était aussi une autorité dans la science du Hadith et enseignait dans les mosquées, y compris aux hommes comme le célèbre imâm As-Sakhawi qui était aussi une sommité dans la science du Hadith. Les savants Ibn Taymiyya (m. 1328) et son élève Ad-Dhahabî (m. 1348) avaient eux aussi des dizaines de femmes enseignantes, et elles enseignaient dans des mosquées et des madrassa mixtes, mais où les gens se tenaient bien et s’habillaient avec pudeur.
Le plus triste dans tout cela concernant les wahhabis actifs sur Internet c’est que malgré leurs mises en garde contre les autres et leurs vaines prétentions, ils n’ont toujours pas une bonne compréhension de ce que sont le tawhid et le shirk, ainsi que les autres notions dont ils parlent souvent mais sans jamais les maitriser, comme la bid’a, Al-wala’ wa-l-bara’, la Shar’îah, etc. mais qu’ils n’ont pas étudié à la lumière des principes islamiques, puisqu’ayant été trompés par les erreurs et déviances d’un homme apparut seulement au 18ème siècle – et puis à travers ses disciples les plus radicaux -, qui s’opposaient dans leurs avis aux principes islamiques du Qur’ân et de la Sunnah purifiée, ainsi qu’à l’élite des Salafs et des Khalafs.
Néanmoins, aussi déviants et arrogants que puissent être certains prédicateurs ou « savants », de son propre courant ou d’un autre courant (ici wahhabite), il ne convient pas de les dénigrer et de les insulter – même si eux le font parfois – car cela ne fait pas partie de l’adab islamique : « Il n’y a rien de bon ni de louable dans leurs conversations, excepté pour celles qui prônent la charité, ou les bonnes œuvres, ou le fait de faire la paix ou une conciliation entre les gens » (Qur’ân 4, 111).
Toutefois, il demeure indispensable de réfuter les calomnies ou les déviances qu’ils ont pu propager – ou qu’ils continuent de répandre -, et de clarifier les confusions ou les erreurs qui peuvent affecter la Communauté musulmane comme les non-Musulmans. Ainsi, même si certains d’entre eux ne s’en rendent pas compte, le mal et la corruption (intellectuelle et religieuse) qu’ils ont entrainé par leurs prédications et leurs mises en garde injustifiées, ont provoqué des dégâts immenses, et dont il est difficile de réparer les pots cassés ultérieurement, car le lavage de cerveau et les préjugés tenaces demeurent ensuite difficiles à soigner et déraciner. Ce n’est pas un hasard si l’Occident – comme l’a admis le prince saoudien actuel MBS – a soutenu et financé aussi le wahhabisme pour affaiblir, radicaliser, diviser et « endormir » le monde musulman [19].
Et pourtant, Allâh nous a mis en garde contre ce genre de calomnies et attitudes (sectaires et arrogantes, jugeant les gens et les groupes sans bien les connaitre, et sans maitriser les sujets avant de statuer dessus) :
« Ô vous qui croyez ! Si un pervers vous apporte une nouvelle, assurez-vous de sa réalité et de sa pertinence, de crainte que, par inadvertance, vous ne portiez atteinte à certains et que vous ne regrettiez, par la suite, ce que vous avez fait » (Qur’ân 49, 6).
« Qu’ils portent donc, au Jour de la Résurrection, tous les fardeaux de leurs propres oeuvres ainsi qu’une partie de fardeaux de ceux qu’ils égarent, sans le savoir; combien est mauvais [le fardeau] qu’ils portent ! » (Qur’ân 16, 25).
« Et ne poursuis pas ce dont tu n’as aucune connaissance. L’ouïe, la vue et le cœur: sur tout cela, en vérité, on sera interrogé » (Qur’ân 17, 36),
« Et qui est plus égaré que celui qui suit sa passion sans une guidée d’Allâh ? » (Qur’ân 28, 50).
« Ô Dâwûd, Nous avons fait de toi un calife sur la terre. Juge donc en toute équité parmi les gens et ne suis pas ta passion, sinon elle t’égarera du sentier d’Allâh » (Qur’ân 38, 26).
« Ils ne suivent que la conjoncture et les passions de [leurs] âmes » (Qur’ân 53, 23).
« Vois-tu celui qui prend sa propre passion pour divinité ? » (Qur’ân 45, 23).
« Les croyant(e)s ne sont que des frères (et soeurs). Etablissez la concorde entre vous, et craignez Allâh, afin qu’on vous fasse miséricorde. Ô vous qui avez la foi ! Qu’un groupe ne se raille pas d’un autre groupe: ceux-ci sont peut-être meilleurs qu’eux. Et que des femmes ne se raillent pas d’autres femmes : celles-ci sont peut-être meilleures qu’elles. Ne vous dénigrez pas et ne vous lancez pas mutuellement des sobriquets injurieux. Quel vilain mot que « perversion » lorsqu’on a déjà la foi. Et quiconque ne se repent pas… Ceux-là sont les injustes.
Ô vous qui avez la foi. Evitez de trop conjecturer sur autrui car une partie des conjectures est péché. Et n’espionnez pas; et ne médisez pas les uns des autres. L’un de vous aimerait-il manger la chair de son frère mort ? Non ! Vous en aurez horreur. Et craignez pieusement Allâh. Car Allâh est Grand Accueillant au repentir, Très Miséricordieux » (Qur’ân 49, 10-12).
Notes :
[1] Beaucoup d’étudiants en quête de savoir devaient alors poursuivre leurs études ou recherches en dehors des cercles officiels. Ceci dit, depuis la fin des années 2010, le niveau en sciences islamiques dans certaines facultés est devenu plus poussé. Quant aux sciences physiques, médicales, etc., elles ont connues beaucoup de progrès au point de placer l’Arabie Saoudite dans le Top 20 voire même le Top 10 au niveau mondial dans plusieurs domaines scientifiques.
[2] Les 2 universités islamiques très célèbres que sont l’Université de Médine en Arabie et l’Université Al-Azhar en Egypte, ne sont plus du tout des phares de la science islamique comme autrefois. La première l’a cessé de l’être depuis la domination wahhabite, et la seconde depuis l’ère coloniale au 19e siècle où le niveau a été sciemment baissé sur ordre des colons français et britanniques.
[3] Rapporté par At-Tabarânî dans Musnad al-Shâmiyyîn n°588 selon Abû Hurayra, sahîh, Al-Bayhaqî dans As-Sunân al-Kubrâ n°21439, Abû Nu’aym dans Ma’rifat as-Sahaba n°732, At-Tahâwî dans Mushkil al-Athar n°3884, Ibn Hibbân dans Al-Thiqat 4/10, Ibn al Qayyim dans Miftâh dâr as-sa’âda pp.163-164 qui le juge sahîh tout comme Ibn al Wazîr, l’imâm Ahmad le juge sahîh ainsi qu’Ibn ‘Abd al-Barr, An-Nawawî dans Tahdhîb al-Asma wa al-Lughat 1/17 le commente et l’authentifie, et ce hadith a été rapporté par plus de 10 Compagnons tels que Ibn ‘Umar, Anas, Ibn Mas’ûd, Mu’âd Ibn Jabâl, Abû ad-Dardâ’, Ussama Ibn Zayd et d’autres, et a été rapporté aussi par Ibn ‘Asâkir dans Târîkh Dimashq 7/39, 43/236 et d’autres, At-Tabarî, Tamâm, Ibn ‘Adî, Abû Ismâ’îl Al-Harâwî al-Ansârî, … Certaines voies sont sahîh, d’autres hassân et d’autres dâ’îf et d’autres « rejetées » mais toutes se renforcent mutuellement par plusieurs voies.
[4] Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2670 selon ‘Abdullâh Ibn Mas’ûd.
[5] Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân n°3029 selon Ibn ‘Abbâs, sahîh, An-Nasa’i dans ses Sunân n°3057, Ahmad dans son Musnad n°3248 et d’autres.
[6] Rapporté par al-Bukhari dans son Sahîh n°39 selon Abû Hurayra.
[7] Rapporté par Ibn Hibbân dans son Sahîh n°1723, sahîh et avec des variantes par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2190, sahîh, Al-Bazzâr dans son Musnad n°5950, At-Tahâwî dans Mushkil Al-Athâr n°1346, Al-Hakim dans Al-Mustadrak n°271, Ahmad dans son Musnad, …
[8] Rapporté par At-Tahâwî dans Sharh Mushkîl al-Athâr n°2051 selon Abdul Mâlik, sahîh.
[9] Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°17164 selon Shaddad Ibn Aws, sahîh, At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2459, Ibn Mâjah dans ses Sunân n°4260, Ad-Daylamî dans Musnad al-Firdaws n°4930.
[10] Rapporté par Al-Bukharî dans Al-Adab al-Mufrad n°119 selon Abû Hurayra, sahîh, Ahmad dans son Musnad 15/421 et d’autres.
[11] Rapporté selon quelques variantes allant toutes dans le même sens, que nous avons synthétisé ici : par al-Bukhâri dans son Sahîh n°6125, d’après plusieurs Compagnons dont Mû’âdh Ibn Jabal et Anas, ainsi que dans son Al-Adab al-Mufrad n°245 et 473, Muslim dans son Sahîh n°1732 et 1733, Abû Dawûd dans ses Sunân n°4835, Ahmad dans son Musnad n°2137 d’après ‘Abdallâh Ibn ‘Abbâs et d’autres.
[12] Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân n°4798 selon ‘Aîsha, sahîh.
[13] Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2485 selon ‘Abdullâh Ibn Salâm, sahîh, Ibn Mâjah dans ses Sunân n°1334 et 3251 et d’autres.
[14] Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°1855 selon ‘Abdullah Ibn ‘Amr, sahîh, et dans une version plus courte par Ibn Mâjah dans ses Sunân n°3694, sahîh.
[15] Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân n°5197 selon Abû Umamah, sahîh.
[16] Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°1975 selon ‘Abdullah Ibn ‘Amr, sahîh.
[17] Rapporté par Al-Bazzâr dans son Musnad n°2642, sahîh.
[18] Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân n°4753, et rapporté de façon sommaire par al-Bukharî et Muslim dans leur Sahîh.
[19] “Le prince héritier saoudien révèle que le wahhabisme a été exporté à la demande des Occidentaux”, Oumma, 29 mars 2018 : https://oumma.com/le-prince-heritier-saoudien-revele-que-le-wahhabisme-a-ete-exporte-a-la-demande-des-occidentaux/ ; Ron Paul (du parti républicain et ex-candidat à la présidentielle en 1988, 2008 et 2012), l’admettait déjà en 2011 : Les USA ont financé de nombreuses opérations et campagnes de propagande pour radicaliser le monde musulman (Palestine, Irak, Afghanistan, …) durant la guerre froide. https://youtu.be/NkYpqKBXS9o