Le Maroc et l’Algérie et le conflit autour du Sahara occidental – Réalités historiques et perspectives de réconciliation

Depuis des années, la question du Sahara occidentale envenime les discours politiques et les relations diplomatiques entre l’Algérie et le Maroc, et des ultranationalistes et sionistes essaient d’alimenter un conflit à base de fakes news, d’exagérations ou de discours simplistes et binaires, que les faits historiques et politiques démentent.

Il est une règle générale que la réalité est souvent bien plus complexe que ce peuvent en dire ou penser les uns et les autres, surtout ceux qui ne s’y intéressent que pour des ambitions politiques, des raisons idéologiques, identitaires ou économiques. Les torts sont souvent ainsi partagés, et l’ego finit par renforcer ou exacerber les tensions.

Tout d’abord, chacun doit se rappeler que l’identité du Maghreb possède une certaine unité, à la fois ethnique (arabo-berbères pour la plupart ; il n’existe en réalité que très peu de « berbères ou d’arabes « purs » ») ainsi que civilisationnelle et religieuse (majoritairement musulmane, mais aussi parfois juive ou chrétienne). Les peuples sont donc « frères » et ne devraient jamais l’oublier. Le malheur d’une partie du peuple (qu’il soit marocain, algérien ou tunisien) n’est jamais bon pour les autres, et annonce même la propagation d’un malheur qui risque de frapper l’ensemble des peuples (et même au-delà du Maghreb).

L’Islam et les Musulmans non-arabes ont toujours su préserver les identités linguistiques et culturelles de tous les peuples ayant embrassé l’islam : que ce soit les peuples du monde persan et du monde turc, tout comme pour les peuples du Maghreb, d’Afrique, des Balkans, d’Asie ou du Caucase. Mais ce sont l’islam et la langue arabe qui ont apporté l’unité à l’ensemble des peuples musulmans, leur apportant aussi une langue sacrée servant à la fois dans le culte autant que dans la science, les arts, le commerce, la philosophie et les sciences de l’islam. La langue arabe fut pendant près de 1000 ans, la langue de la civilisation, des arts, de la science et du Sacré, même pour les populations chrétiennes et juives, imprégnées de la langue arabe et du savoir en arabe développé par le monde musulman (les Perses, les Arabes, les Turcs, les Berbères, les Africains, etc.).

Combattre la langue arabe et l’islam fut souvent et avant tout l’agenda des colons européens pour affaiblir l’Afrique et l’Asie musulmane, de même que la Turquie et le Moyen-Orient, afin de mieux les dominer, et alimenter de part et d’autre une haine et des rivalités destructrices, comme du temps de la jahiliyyah (et un hadith prophétique parle de cette situation qui surviendra vers la fin des temps). C’est en effet par l’Islam que tous ces peuples avaient connu leur apogée civilisationnelle et une certaine unité leur procurant puissance, spiritualité, prestige et prospérité durant plus de 1000 ans, malgré des troubles et tensions ponctuelles ici et là de par leurs rivalités humaines et politiques.

Mais quels que puissent être les différends et les tensions au sein d’une même « famille », ce sont les principes théologiques et métaphysiques, puis la spiritualité et les valeurs morales qui priment sur toutes les autres considérations, car c’est qui nous réunit tous indépendamment de nos origines ethniques ou de notre apparence physique, et les solutions à envisager ne peuvent donc pas sortir de ce cadre-là, sous peine de ruiner et d’affaiblir tous les pays concernés. Il ne faut pas non plus faire appel à des puissances extérieures que l’on sait mauvaises, perfides, injustes et dominatrices (comme les gouvernements US, français ou israéliens) car leurs ambitions politiques impliquent l’humiliation, la misère et la soumission des autres pays à leur agenda, comme le montrent toute l’histoire politique depuis l’époque coloniale jusqu’à aujourd’hui.

Les divisions et tensions au sein de plusieurs régimes politiques, souvent tous corrompus et partageant leurs torts, – parfois aussi manipulés par d’autres entités politiques pour qu’ils se battent entre eux afin de mieux les dominer ou de leur vendre indéfiniment des armes -, ne doivent jamais susciter une haine entre les différents peuples, qui sont de toute façon tous dans le même bateau. N’oublions jamais cette réalité ; les véritables ennemis d’une Nation sont souvent les criminels, les corrompus et les hypocrites au sein de chaque communauté, tout comme les « justes et les amis » d’une Nation sont toutes les âmes sincères et bienveillantes qui cultivent la justice et la spiritualité, et qui font primer le bien et la justice sur le reste, tout en œuvrant pour le bien de leur pays et de leurs pays voisins, sans chercher à les humilier, les affaiblir ou les écraser.

Pour quiconque a sérieusement côtoyé les communautés marocaines ou algériennes, on s’apercevra aisément qu’en leur sein, on y trouve absolument de tout ; aussi bien des criminels et des opportunistes, des lâches et des menteurs, que des âmes nobles et bienveillantes, des gens doux et instruits, des personnes intelligentes et respectueuses, des âmes sensibles à la spiritualité et à la justice, des gens pieux et vertueux, etc. En cela, ils ne sont pas différents d’une communauté à l’autre, et dans bien des cas, les maghrébins eux-mêmes sont souvent très proches et amis dans la vie de tous les jours, et s’entendent très bien, en dehors des considérations politiques, ou même religieuses. Quant à l’Islam, parmi ses enseignements, le fait d’être juste envers tous les êtres humains (peu importe leur religion, nationalité, classe sociale, origine ethnique, etc.), et l’importance de la fraternité religieuse (musulmane) ainsi que de la fraternité humaine ou culturelle.

Ceci étant dit, par rapport à ce conflit précisément, voici des auteurs qui l’ont abordé, en mentionnant des données historiques et politiques :

Daniel Rivet dans L’histoire du Maroc (éd. Fayard, 2012), au chapitre 1 : « Des publicistes et des savants coloniaux ont forgé de toutes pièces une imagerie sur les Berbères qui seraient les vrais habitants de l’Afrique du Nord, par opposition aux envahisseurs arabes, fourriers d’une théocratie musulmane étrangère à leur tournure d’esprit démocratique et laïque. Des missionnaires franciscains prêtèrent crédit à cette construction purement idéologique. Alors que des républicains francs-maçons montaient en épingle le paganisme rémanent des Berbères, ces religieux peu démocrates virent en eux des chrétiens qui s’ignoraient et qu’ils se proposaient de ramener à la foi de leurs ancêtres au temps de la Rome chrétienne. Les uns et les autres considérèrent la montagne berbère comme un « conservatoire à bons sauvages » (Jacques Berque) qu’il s’agissait de maintenir à part des plaines et des villes soumises à l’arabo-islamisme. Les Berbères, derniers barbares blancs, devinrent l’enjeu d’une bataille de civilisation entre Orient théocratique et Occident démocratique ou d’une guerre de religion entre Islam et chrétienté.

Intellectuels et leaders politiques maghrébins au temps de la décolonisation posèrent la question à l’envers. Pour certains, les Berbères étaient les survivants de l’époque révolue de la barbarie anté-islamique. Il fallait les ramener à l’islam d’inspiration réformiste religieuse et les arabiser complètement pour les débarrasser de ces résidus d’archaïsme. Pour d’autres, ils étaient les victimes d’une forme renforcée de sous-développement. Ils relevaient donc d’une politique bien conduite pour les arracher à l’analphabétisme et à une pauvreté subie, acceptée et intériorisée. Les coloniaux valorisaient l’altérité berbère sur un mode hyperbolique et déploraient sa déperdition. Les nationalistes la stigmatisent et interprètent le phénomène berbère en termes de déviation à corriger ou de déficit à combler. On comprend alors que l’on marche sur des œufs dès que l’on aborde la question du rapport entre arabité et berbérité au Maroc.

Premier constat : Arabes et Berbères ne constituent pas deux races différentes, même si des ethnotypes conservés dans des réduits enclavés entretiennent cette illusion. Le fond de la population est berbère, sur lequel se sont greffées des coulées de peuplement arabe fort minoritaires. Comme dans le reste du Maghreb, les Marocains, dans leur immense majorité, sont des Berbères qui, islamisés en profondeur pour la plupart, sont passés plus ou moins complètement à la langue arabe. Pourtant, des trois pays du Maghreb, le Maroc reste le plus berbérophone. Probablement la moitié de sa population parlait le berbère au seuil du XXe siècle, un tiers environ au dernier recensement de 2004, mais avec un pourcentage de bilingues bien plus élevé qu’un siècle auparavant.

Seconde observation : l’appartenance à la berbérité est un phénomène essentiellement défensif. Est berbère un Marocain qui n’a pas encore été totalement arabisé. C’est pourquoi, comme en Algérie, la langue berbère s’est maintenue essentiellement dans les massifs montagneux et aux confins sahariens. Au Maroc, montagnes refuges et parlers berbères coïncidaient au début du XXe siècle, à l’exception des Djbala et Ghomara dans l’arrière-pays de Tanger et Tétouan. On distingue trois parlers berbères. Dans le Rif, on parle le zanatiya ou le tarifit. Dans le Maroc central (du Moyen Atlas au Djebel Sagho), on use du tamazight et dans le Sud-Ouest (Haut Atlas à partir de Telouet et Anti-Atlas) du tachelhit. Entre ces trois langues la communication n’est pas aisée. De plus, chaque idiome se nuance de vallée en vallée, de tribu à tribu. Les parlers isolent et cultivent la différence, plutôt qu’ils ne rapprochent et ne fédèrent un peuple. Et pourtant la langue berbère, par laquelle les femmes socialisent les enfants et les ancêtres racontent le passé, habite tous ses locuteurs avec une intensité bouleversante. Elle est la langue de l’émotion, du chant, du dit de l’amour et du cri de révolte, ainsi que l’idiome de l’affirmation, véhémente, de soi. Drue, concrète et imagée, elle reste, chez les bilingues, le langage des tripes, dans lequel on balbutie ses premiers mots et peut-être ses derniers, quand vient l’heure de mourir ».

Plus loin, il dira : « En réalité, depuis les Mérinides au XIVe siècle s’interpose une zone de transition entre l’Algérie et le Maroc à partir de Tlemcen et bien au-delà d’Oujda. Elle engendre une société frontalière qui se rit des États et se dilate dès que les barrières douanières se lèvent, comme ce fut le cas entre 1987 et 1994. Paradoxalement, la colonisation ne la comprima nullement. Avant la guerre d’indépendance de l’Algérie, 30 000 à 40 000 saisonniers rifains partaient moissonner et vendanger dans les fermes des colons de l’Oranais. Et au moins 40 000 Algériens juifs et musulmans s’établirent au Maroc, surtout dans la région d’Oujda. Quant au Sud-Est, jamais il ne constitua une frontière tangible entre Ottomans et dynastes marocains. Et pour cause : des groupements humains tels les Ouled Djerir et les Doui Menia, qui nomadisaient entre Aïn Sefra et le Tafilalt, se jouaient des limites. Comme les Reguibat du Sahara occidental, ils étaient à la recherche du nuage porteur d’eau et de l’herbe qui fuit(…). Les États – qu’il s’agisse du Beylik ottoman ou du Makhzen chérifien – négociaient des liens d’allégeance avec les notables des confédérations de tribus, qui engageaient des personnes sans délimiter des territoires. Que l’État en vienne à s’affaiblir et le lien se distendait. Son emprise sur le limes sahraoui a toujours été intermittente, avant que la puissance coloniale ne trace et borne des frontières afin de convertir en territoires des espaces jusque-là ouverts ».

Moulay Hichem al-Alaoui dans son Journal d’un prince banni (éd. Grasset, 2014) : « En cette fin d’année 1974, les menaces qui pèsent sur la monarchie – elle tangue sous les assauts des « gauchistes » et se méfie de l’armée – relèguent nos querelles familiales au second plan. De plus, l’affaire du Sahara occidental va bientôt totalement accaparer le roi. L’enjeu est considérable.

La genèse du conflit remonte au rêve d’Allal al-Fassi d’un « Grand Maroc », qui engloberait la Mauritanie et une partie de l’Algérie saharienne. Or, la réalité a suivi le chemin inverse : le Maroc a été démembré par les puissances coloniales. La nation se sent amputée d’une partie de sa dimension africaine et d’une partie de sa dimension arabe. Au moment de l’indépendance, le Maroc est à l’étroit dans ses frontières issues de la colonisation. La souveraineté de la Mauritanie est reconnue par l’ONU en dépit d’une forte résistance marocaine. Du grand rêve d’Allal al Fassi, il ne reste que les arpents de sable du Sahara occidental, une ancienne colonie espagnole. L’ONU est saisie du litige territorial en 1965. Le dossier reste en suspens pendant des années. Il ne revient sur le devant de la scène qu’en octobre 1975, quand la Cour internationale de La Haye rend enfin son arbitrage. Elle dit en substance : il y a des liens d’allégeance entre le Sahara occidental et le Maroc, mais pas de liens de souveraineté territoriale. C’est suffisamment ambigu pour que le Maroc décide de ne tenir compte que de la première partie du jugement. En effet, pour une monarchie chérifienne, l’allégeance est la marque de la souveraineté !

L’affaire du Sahara occidental arrive à point nommé pour Hassan II. Il est contesté, il n’a pas l’aura de son père Mohammed V. Souffrant d’un déficit de légitimité, il est à la recherche d’un titre de gloire nationaliste. Le Sahara occidental est pour lui un cadeau du ciel. Hassan II va poursuivre le grand rêve d’Al-Fassi pour la nation et, aussi, à son propre profit politique. Le roi instrumentalise le contentieux du Sahara occidental grâce à son idée géniale d’une « Marche verte ». Le 6 novembre 1975, le drapeau marocain dans une main, le Coran dans l’autre, quelque 350 000 personnes s’enfoncent dans le désert pour récupérer, pacifiquement, la « province occupée » du royaume. Cette marche est vécue par tout un peuple comme un moment inoubliable dans l’histoire marocaine.

Sur le plan international, le contexte est également porteur. Nous sommes en pleine guerre froide. L’Algérie se fait menaçante. La capacité de la monarchie à soulever une telle ferveur et à déployer la logistique nécessaire bluffe le monde entier, y compris les Soviétiques. Suharto va d’ailleurs imiter Hassan II quelque temps après en occupant le Timor-Oriental. La Marche verte donne le sentiment qu’une monarchie peut être populaire en même temps qu’elle conforte la légitimité nationaliste et religieuse du roi ».

Dans l’ouvrage collectif Les conflits dans le monde – Approche géopolitique sous la direction de Béatrice Giblin (éd. Armand Colin, 2016), on y lit : « Officiellement, les rapports entre le Maroc et l’Algérie étaient ceux de deux « pays frères » qui venaient de sortir victorieux de leur lutte contre le colonialisme. En fait, les rapports étaient plus ambigus car les proclamations du socialisme algérien suscitaient l’adhésion d’une extrême-gauche marocaine qui luttait, avec le soutien des services secrets algériens, contre un monarque tyrannique et un féodalisme qu’avait renforcé le colonialisme. En 1969, ces contentieux parurent trouver une solution positive, lorsque le roi Hassan II et le président Boumédiène se rencontrèrent au Maroc, à Ifrane, station d’altitude. Une déclaration commune reconnaissait, d’une part, à l’Algérie la possession de Tindouf et le tracé provisoire de la frontière et, d’autre part, les droits du Maroc sur le Sahara occidental. De surcroît, un consortium minier algéro-marocain était décidé pour l’extraction du gisement de fer de Tindouf et son transport par une grande voie ferrée vers la côte atlantique, pour être exporté par des navires minéraliers qui apporteraient du charbon pour créer sur place un centre sidérurgique algéro-marocain.

Cet accord prometteur fut alors célébré comme la première pierre de la construction d’un ensemble industriel maghrébin. Malheureusement, cet accord resta lettre morte. En effet, le roi Hassan II, pour exprimer des préoccupations démocratiques, le soumit à la ratification d’un parlement marocain qui n’avait guère été réuni depuis de nombreuses années. Nombre de députés dénoncèrent cet abandon de Tindouf à l’Algérie et, fait inattendu, les députés de gauche dénoncèrent aussi cet accord car la police algérienne, pour marquer la réconciliation avec le Maroc, livra à la police marocaine de nombreux Marocains qui avaient dû se réfugier en Algérie (plusieurs tentatives de putsch ayant eu lieu contre le souverain). Devant le tollé suscité par l’abandon officiel de Tindouf, Hassan II dut reporter sine die la mise en œuvre des accords d’Ifrane, et Boumédiène, furieux, récusa les droits du Maroc sur le Sahara occidental et réclama la consultation des Sahraouis ».

Dans le même ouvrage : « Ces Marocains exilés au Sahara espagnol dénonçaient tout colonialisme et, après avoir milité pour l’indépendance du Maroc (qui devint officielle en 1956), soutinrent aussi la lutte des Algériens pour leur indépendance. Aussi participèrent-ils activement à la contrebande organisée par le FLN algérien pour se procurer des armes ; celles-ci étaient débarquées sur la côte du Sahara espagnol et transportées clandestinement par les nomades Réguibat vers le Sahara algérien. L’armée française, qui avait repéré ce trafic, exigea que les militaires espagnols y mettent fin. Elle organisa ainsi avec eux, en 1958, une grande opération dénommée « Écouvillon ». À partir de la Mauritanie, de la côte et du Sahara algérien, des colonnes françaises et espagnoles procédèrent au ratissage du Rio de Oro. Les Réguibat et les alliés marocains du FLN algérien furent refoulés vers le nord jusqu’à la frontière du Maroc. Ils y furent bloqués par la nouvelle armée marocaine qui leur barra la route. Le gouvernement royal marocain, qui venait d’écraser dans le Rif une révolte paysanne menée par l’extrême-gauche, ne tenait pas à l’arrivée depuis le Sahara de militants de même tendance politique. Pour ceux-ci, le fait que la nouvelle armée marocaine participe à l’opération colonialiste « Écouvillon » menée contre eux et leurs amis Réguibat fut plus qu’un drame politique. Puisque le Maroc et sa nouvelle armée les rejetaient, ils décidèrent de contribuer à la fondation d’une nation sahraouie en exil, où ils jouèrent en quelque sorte un rôle d’avant-garde. La formation du mouvement national sahraoui a donc été particulièrement compliquée. Toutefois, grâce au soutien de l’Algérie, les thèses du Polisario continuent d’avoir un écho particulièrement important au plan international, à l’ONU et à la Cour internationale de justice, et ce, près de quarante ans après sa création (1973).  En revanche, la proclamation des droits du Maroc sur le Sahara occidental renforça grandement le sentiment national marocain ; de même que l’organisation de la « Marche Verte » améliora sensiblement l’image du roi Hassan II, jugé jusqu’alors tout à fait tyrannique. Alors qu’Hassan II avait été l’objet de plusieurs complots « progressistes » et de tentatives de putschs militaires, les Marocains furent « plus royalistes que le roi » au sujet du Sahara occidental, et nombre de militaires furent expédiés vers le sud pour défendre les frontières historiques du Grand Maroc (…). En 1991, après la fin du régime de parti unique, et avec la montée en puissance des islamistes, les généraux au pouvoir cherchèrent un civil qui pouvait être un président prestigieux et un homme neuf : ce fut Mohamed Boudiaf, l’un des fondateurs du FLN qui vivait en exil au Maroc depuis les graves rivalités qui avaient marqué les premiers temps de l’indépendance de l’Algérie. Nommé président, Boudiaf, qui avait de bons rapports avec Hassan II, tenta une médiation personnelle pour résoudre le grave différent algéro-marocain sur la question du Sahara occidental, différend qui bloquait notamment la mise en œuvre de la politique du Grand Maghreb arabe. Mais Boudiaf fut assassiné en 1992 par l’un de ses gardes du corps qui, incarcéré, n’a jamais été jugé. Dès lors, il ne fut plus question d’un règlement de la question du Sahara occidental.

Les généraux algériens tenaient visiblement à conserver le contrôle du Polisario pour éviter que celui-ci ait le soutien d’un autre État africain qui aurait pu concurrencer l’influence de l’Algérie.

La Libye du colonel Kadhafi semblait toute désignée, puisque ce dernier avait proclamé sa volonté de réaliser sous son égide les « États unis du Sahara », intégrant toutes les régions sahariennes ou sahéliennes des États francophones d’Afrique de l’Ouest. Aussi Kadhafi s’est-il proclamé dès 1975 soutien actif du Polisario et organisa-t-il, vers Tindouf, des convois d’armes et de volontaires à travers le Sahara algérien, jusqu’à ce que l’armée algérienne rende leur progression impossible ».

L’historien Jacques-Benoist Méchin dans À l’épreuve du temps – Souvenirs (éd. Perrin 2011), disait : « Déclaration de Hassan II à Jacques Benoist Mechin sur les conflits territorial maghrébin :« Je me suis dit : pourquoi nous affronter inutilement ? Pourquoi nous disputer à cause d’une frontière ? Dissolvons ce litige dans une conception plus vaste, non plus tournée vers le passé, mais ouverte sur l’avenir. Exploitons cette région en commun, l’Algérie apportant ses ressources minières, le Maroc ses ports et ses voies d’évacuation. La terre est généreuse : elle contient assez de richesses pour faire notre bonheur à tous. Transformons ce qu’on a appelé jusqu’ici les “confins algéro-marocains” en une vaste “zone de coprospérité économique”, trois fois grande comme la France » (…).

: « Pourquoi s’obstiner à présenter le Maroc comme un pays intransigeant, refusant de coexister avec aucun de ses voisins ? A quoi cela nous avance-t-il ? Quelles perspectives d’avenir cela nous ouvre-t-il ? Aucune. Je veux que l’on sache, au contraire, que nous ne sommes point disposés à régler nos problèmes en recourant à des méthodes inspirées par la violence, ni en s’appuyant exclusivement sur l’histoire ancienne. Nous ne tolérerons aucune action contraire aux traités régissant nos rapports avec les autres Etats et aux principes généraux du droit international ». Je pense que c’est assez clair. Tous les peuples du Maghreb ont lutté pour reconquérir leur indépendance. Il faut qu’ils apprennent maintenant à vivre côte à côte, sans frictions ni heurts. Ce sont deux problèmes radicalement différents qu’il serait dangereux de vouloir résoudre par la même méthode ».

En conclusion, se déchirer pour une question territoriale, qui ne fera pas le bonheur des gens, et au détriment de la spiritualité et de la sécurité des différents peuples, n’est pas du tout la voie à suivre. Il faut donc trouver des solutions diplomatiques, politiques et commerciales, qui bénéficient à l’intérêt général des différents peuples de la région, et ne jamais s’engager dans des actions belliqueuses de sabotage, d’assassinat, de terrorisme ou de désinformation visant à alimenter la haine et la diabolisation de l’autre.


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