En Occident comme dans les pays musulmans, si on assiste à d’importantes vagues de conversion à l’Islam ou de retour à l’Islam (pour des personnes nées dans des familles musulmanes), il existe aussi une vague d’apostasie, motivée par différents facteurs. Les gouvernements impérialistes en Occident s’en donnent d’ailleurs à cœur joie : soutien médiatique, financier, juridique et politique, ce qui encourage certains « apostats opportunistes » à mentir, à inventer des histoires, à entretenir un discours fanatique, intolérant et radicalisé contre les musulmans et l’Islam, et dont certains entretiennent mêmes des relations étroites avec des groupuscules extrémistes ou terroristes ayant massacré des musulmans en Allemagne, en Norvège, en Australie ou ailleurs, et dont des mosquées ou des centres culturels sont également pris pour cibles. Dans ces conditions, certains apostats trouvent le moyen de faire le buzz et de gagner ainsi de la notoriété et de l’argent au lieu en alimentant constamment la haine et les tensions, pour éviter de devoir travailler dignement comme les autres citoyens. Leur profil sont d’ailleurs rarement ceux d’intellectuels ou de gens ayant souffert dans les pays musulmans. Ils occultent volontairement les massacres et les destructions opérés par les pays impérialistes (qu’ils défendent bec et ongle) dans les pays musulmans, et soutiennent une politique répressive et colonialiste dans les pays musulmans. Certains d’entre eux soutiennent également les dictatures sécularistes dans les pays musulmans. Tout en lançant publiquement des défis aux musulmans pour venir débattre avec eux, ils refusent systématiquement d’accepter les défis avec des spécialistes ou des musulmans érudits. Nous-mêmes, avions déjà proposé à plusieurs apostats (dont certains parlaient arabe) de venir débattre, dont aussi un apostat (algérien mais vivant en France et étant francophone) s’étant fait connaitre sur Facebook et YouTube, mais refusant le débat sous prétexte qu’il avait peur pour sa vie, – pourtant il affichait sa tête (qui au fil du temps, s’assombrit et devient de plus en plus antipathique) partout -, nous lui avions alors proposé un débat dans le commissariat de son choix ou sur une plateforme ou une application de messagerie en ligne de son choix -, ce qu’il refusa, et dans nos échanges écrits sur son mur Facebook, il supprimait toutes les réfutations (avec les références) qui discréditaient toutes ses allégations. Pour beaucoup d’entre eux, la vérité, la justice, la sagesse et la paix ne constituent pas des finalités et des valeurs cardinales à atteindre, ils ne sont là que comme « agents » conscients ou inconscients d’une force politique qui les dépasse, en échange d’un peu de notoriété et d’argent, trop faignants qu’ils sont pour aller travailler comme les autres citoyens, ils bénéficient ainsi de l’argent du contribuable, – alors que la population vit des difficultés économiques -, tout cela pour accentuer les tensions, – avec des risques d’embrasement ou de guerre civile ! – où les honnêtes gens seront les premières victimes.
Parmi leurs méthodes pour diaboliser l’Islam, il y a le fait de tronquer des citations ou des versets du Qur’ân, d’utiliser des traductions biaisées, des sources considérées comme faibles ou apocryphes, des récits sortis de leur contexte, ou de confondre la Sharî’ah (ensemble de normes et de principes immuables et universels en Islam) avec le corpus juridique du patrimoine musulman qui lui est, à l’instar du Talmud chez les Juifs, des commentaires humains sur des questions juridiques, sociales, économiques et politiques, autrement dit, des interprétations juridiques humaines relevant de l’ijtihad et non pas de la Parole divine révélée, ni d’une injonction prophétique claire, catégorique, universelle, établie et transmise de façon notoire et abondante (mutawatir). A leur décharge, il faut dire que beaucoup de musulmans eux-mêmes n’ont pas conscience de cette distinction, – ce qui en a troublé beaucoup d’ailleurs car sacralisant des avis humains faisant l’objet de divergences parmi les jurisconsultes -. Ce qui est le plus étonnant, c’est que des chrétiens islamophobes surfent sur cette vague et attaquent l’Islam en mentant sur le Qur’ân et la Sunnah, alors que dans la Bible, se trouvent exactement ce qu’ils reprochaient aux musulmans, mais souvent en pire encore, – pour la majorité des musulmans, la Bible actuelle a été altérée dans certains passages, – surtout dans l’Ancien Testament mais aussi en certains passages du Nouveau Testament -. Certains « think tank » en France notamment, ont tout essayé, ainsi que les autorités politiques, pour éradiquer l’Islam en tant que Religion et en tant que Civilisation dans les pays musulmans colonisés par la France, et ensuite concernant les citoyens musulmans de nationalité française, mais en vain. Ils instrumentalisent ainsi des auteurs islamophobes ou « apostats », pour manipuler les musulmans, diaboliser l’Islam et les abrutir à travers différents procédés (médiatiques, culturels, politiques, idéologiques, etc.) tout en occultant le plus possible l’existence des intellectuels et maîtres spirituels musulmans qui s’inscrivent dans le juste milieu et qui ont répondu magistralement aux thèses islamophobes et orientalistes.
En dehors de ces apostats « opportunistes », qui mentent comme ils respirent, et qui ne proposent que la haine et l’intolérance, il y a également d’autres profils d’apostats. Ceux qui, étant réellement apostats ou alors étant des non-musulmans islamophobes de base, se font passer pour des musulmans extrémistes afin d’envenimer la situation, de parasiter les discussions ou de diaboliser l’islam, – en proférant des fausses menaces de mort notamment – afin d’accuser les musulmans. Il va de soi cependant, que des musulmans fanatiques existent aussi, et qui, au lieu de s’imprégner de l’éthique qurânique (douceur, intelligence, courtoisie, maitrise de soi, équité, sagesse, bonté, justice, générosité, etc.), laissent leur colère et l’ignorance prendre le dessus lors de leurs discussions, jusqu’à tenir parfois des propos inacceptables.
Certains apostats vivent aussi très mal leur apostasie, et ont été parfois violemment rejetés par leurs amis ou leur famille, et le musulman doit soulager l’affliction des gens, et rester à leur écoute, et leur apporter soit du réconfort, soit discuter avec eux pour répondre à leurs doutes et remédier à leur crise existentielle. Le musulman est là avant tout comme « soutien miséricordieux » aux gens, selon un hadîth bien connu rapporté par Ahmad dans son Musnad : « Celui qui ne fait pas miséricorde aux gens, Allâh ne lui fait pas miséricorde (de façon particulière) et celui qui ne pardonne pas, il ne lui sera pas pardonné », expression exhortant les musulmans à être compatissants, miséricordieux et enclins au pardon, tout comme la douceur, qui doit être une qualité du croyant, comme nous l’enseigne la parole prophétique qui rapporte At-Tirmidhî dans ses Sunân (n°2013) : « Celui a qui il a été donné sa part de douceur, il lui a certes été donné sa part de bien. Et celui qui a été privé de sa part de douceur a certes été privé de sa part de bien ».
Il y a aussi des apostats qui sortent du lot, ayant quitté l’Islam, non pas pour des raisons opportunistes et pécuniaires, mais pour des raisons philosophiques, ou en raison de leur ignorance de l’Islam dans ce que cette Tradition spirituelle propose dans ses dimensions métaphysique et spirituelle, soit en raison du mauvais comportement (réel) de certains groupes parmi les musulmans, soit en raison de leur imprégnation des idéologies et superstitions modernes, qui sont incompatibles avec les valeurs religieuses et les principes métaphysiques, et qui forcément, imposent de faire un choix entre 2 visions du monde et 2 modes de vie, bien qu’il existe une certaine schizophrénie paradigmatique aujourd’hui où de nombreuses personnes tentent de concilier les 2 en raison du fait que les idéologies modernes ne suffisent pas à faire le bonheur de l’Homme ni à préserver la beauté et l’équilibre de la planète et des sociétés humaines.
En général, ces apostats, dont certains sont encore curieux, font des efforts notables pour se cultiver, et s’inspirent encore des valeurs de l’Islam dans leur bon comportement, méconnaissent cependant les auteurs traditionnels ou traditionnalistes (comme René Guénon, Julius Evola, Frithjof Schuon, Martin Lings, Seyyed Hossein Nasr, Titus Burckhardt, Tage Lindbom, Roger Dupasquier, Ananda Kentish Coomaraswamy, Jean-Louis Michon, Hamza Benaïssa, Tayeb Chouiref, …), des intellectuels ou savants éclectiques (comme Muhammad Asad, Taha Abdarrahman, Alija Izetbegovic, Malek Bennabi, Muzaffar Iqbal, Ismail al-Faruqî, Sofiane Meziani, Eva de Vitray-Meyerovitch, Ali Shariati, Muhammad Hamidullah, Faouzi Skali, Daoud Riffi, Abdallah Penot, Saîd Fudah, Corentin Pabiot, ‘Abdallâh al-Maliki, …) qui sont un bon antidote contre la sclérose religieuse autant que contre l’apostasie ou le sécularisme. Beaucoup d’apostats méconnaissent beaucoup aussi l’héritage spirituel de l’Islam avec des figures comme Jalâl ud-Dîn Rûmî, ‘Umar Khayyâm, Hafez, Sâadi, Nizâmî, Ibn ‘Arabî, Al-Qashanî, Abû Hâmid et Ahmad Al-Ghazâlî, Rabî’a al-Adawiyya, Farîd ud-Dîn Attâr, Ibn Atâ’Llâh as-Sakandarî, Al-Junayd, ‘Ayn-al-Qużât Hamadânî, Ahmad Zarrûq, Qutb ad-Dîn as-Shirâzî, Ahmad al-Alawî, l’émir Abdel Qadîr, Al-Jilânî, Mullah Sadra, Haydar Amoli, Muhammad al-Darqawî, Ibn Ajibâ, et bien d’autres, et qui, tout en étant attachés aux sciences exotériques de l’Islam (‘aqida, tafsîr, fiqh, ussûl, hadith, …) étaient aussi des maîtres de la spiritualité et de la gnose métaphysique, et qui avaient trouvé un équilibre idéal entre la spiritualité et le fiqh, et entre l’ésotérisme et l’exotérisme, à même de trouver l’apaisement et la réalisation sur le plan spirituel, et de résoudre les questions les plus complexes (comme la Présence divine et son rapport au monde, le libre-arbitre, la sagesse et la nécessité de la prophétie, l’altérité humaine et religieuse, la question du mal, etc.). Beaucoup de musulmans ont ainsi été préservés de l’apostasie, par le biais de tous ses auteurs.
La connaissance et la réalisation du tasawwuf sont un remède contre l’extrémisme, le salafisme, le shiisme rawafidh, le modernisme, le scientisme, l’athéisme, le matérialisme, le coranisme (qui se coupe de la Lumière muhammadienne, pourtant liée au Qur’ân) et contre le sécularisme, c’est en somme, une guérison contre les maux de l’âme et de la société.
Lorsque les sociétés musulmanes se sont éloignées ou opposées au tasawwuf parmi ses élites politiques ou intellectuelles, elles se sont privées d’une noble protection et du fondement de la Tradition islamique dans ses perspectives les plus élevées et les plus nobles. Le tasawwuf est la nourriture des coeurs dans la Tradition islamique, s’en priver, c’est laisser le coeur périr dans ce bas-monde, sans lui donner de quoi s’éveiller ni vivre dans le Souffle divin.
La méconnaissance de ce qu’est la Sharî’ah, – et de ce qu’elle a été au temps du Prophète et des « califes bien-guidés » – et sa confusion avec certains avis juridiques, en plus de la diabolisation médiatique, sont aussi des causes d’apostasie. Par ailleurs, beaucoup de personnes qui s’intéressent à la spiritualité musulmane pensent encore que cela s’oppose à la Sharî’ah, alors que toutes les grandes figures spirituelles de l’Islam se conformaient à la Sharî’ah et enseignaient à leurs disciples les sciences liées à la Sharî’ah (‘aqida, fiqh, tafsîr, hadîth, Sîrah, tasawwuf, langue arabe, logique, ussûl, éthique/adab, etc.).
La Sharî’ah ne se réduit pas qu’à sanctionner des criminels (assassins, voleurs, terroristes, …), et il convient donc de leur expliquer en quoi consiste la Sharî’ah, et en quoi elle se distingue du corpus juridique (la distinction entre les principes immuables et universels de la Loi divine et leur interprétation humaine à travers différents outils et une tradition juridique qui est à la fois riche et complexe) sans s’y opposer nécessairement, mais en trouvant plutôt l’équilibre entre l’exotérisme et l’ésotérisme, le premier étant nécessaire (en tant que support et encadrement) pour le second.
‘Abd Allâh al-Mâliki définissait ainsi la Sharî’ah (définition similaire à ce que l’on peut trouver chez des anciens juristes comme Al-Juwaynî, Abû Hâmid al-Ghazâlî, al ‘Izz ib Abdus-Salâm, As-Shatibî, Ibn al-Qayyîm, et de savants plus proches de nous comme Muhammad Ibn Ashur, Ahmad Ar-Raysouni et Abd Al-Wahhâb Khallâf) : « De même, établir la justice et confirmer la vérité est une partie essentielle de la sharî’a de Dieu. De même, l’ordre de faire le bien et l’interdiction de faire le mal sont un des piliers de la sharî’a. De même, l’action de s’entraider dans la bienfaisance et la piété ou le fait de dire la vérité devant un chef inique représentent une partie principale de la sharî’a. Je dirais même plus, se rendre utile à autrui, bien traiter les animaux et les plantes, respecter et préserver l’environnement et la nature, font partie de la sharî’a. Tout ce qui contribue à donner à l’homme sa dignité ou à la concrétiser ou à la renforcer, tout ce qui contribue à élever celui-ci matériellement et spirituellement, tout ce qui constitue une utilité ou une amélioration sur la terre relève de la sharî’a et constitue un moyen d’en établir les fondements. Toute œuvre, tout effort qui vise à écarter l’injustice, l’oppression ou empêche la corruption et le préjudice sur la terre, entre dans le cadre de la sharî’a »[1].
Concernant le fiqh, il s’agit avant tout de corriger une notion mal comprise par certains, et contrairement à un préjugé répandu, les avis « retenus » dans les écoles juridiques traditionnelles ne sont pas toujours les plus « durs » mais sont souvent les plus « sûrs », bien que là, dans des contextes fort différents, des avis plus souples et mieux adaptés aux contextes de chaque peuple peuvent être appliqués tels quels, ou alors peuvent être révisés selon des conditions déjà définies par les juristes, prenant en compte le moindre mal, l’intérêt général, la préservation de la dignité et de la santé (physique et mentale) ainsi que de la sécurité, ce qui est le plus bénéfique, prendre en compte les mœurs d’une société donnée, et d’autres règles juridiques, à condition que cela ne consiste pas à commettre volontairement un péché (considéré comme tel clairement par le Qur’ân, la Sunnah et les juristes des écoles juridiques, comme l’idolâtrie, le blasphème, le dénigrement des Prophètes, des Saints et des croyants notamment, le meurtre, la sorcellerie, le viol, l’agression, l’adultère, la fornication, le vol, la débauche, la pédocriminalité, etc.).
Les musulmans de la masse ne sont pas tenus de suivre scrupuleusement tous les avis d’une école juridique, et les étudiants en sciences-islamiques peuvent, tout en se rattachant à une école juridique traditionnelle, suivre des avis plus adaptés à leur situation, – des avis existants dans leur école juridique ou dans d’autres écoles juridiques -, là aussi sous certaines conditions. Et enfin de compte, chacun agit en son âme et conscience au final, et il faut avant tout être sincère envers Allâh, et choisir l’avis qui conduit, de façon certaine, à la piété, et qui n’engendre aucune nuisance, ni aux autres, ni à soi-même. Cela est ce que demande le Qur’ân, et qui a été confirmé par le Prophète Muhammad (ﷺ), qui a dit notamment : « Pas de nuisance, ni à soi-même, ni à autrui »[2], « Demande la fatwa à ton cœur, demande la fatwa à ton âme. Le bien est ce à propos de quoi l’âme se tranquillise et le cœur se tranquillise. Le péché est ce qui se trame dans l’âme et qui va et vient dans le cœur, même si on te donne des fatwas sur le sujet »[3] et « Consulte ton coeur malgré les avis que te donnent les jurisconsultes »[4].
Le Shaykh Al-Munâwî dit que ce hadith n’est pas pour le commun des mortels qui risque de s’égarer en se fiant à sa subjectivité basée sur un certain nombre d’erreurs et l’ignorance, mais pour celui qu’Allâh a purifié et gratifié par une certaine clairvoyance. Si le « cœur » est tourné vers Allâh et la volonté d’atteindre la piété, il ne suivra pas ses passions, – tout au plus il commettra une erreur excusable -, mais s’il préfère suivre ses émotions, et satisfaire son ego, il suivra alors ses passions. Son « cœur » sera sous l’emprise de sa nafs. Et Allâh est plus Savant. Allâh a enjoint les croyants à consulter les « Gens du Rappel (et de la science) », mais pas à leur obéir aveuglément, soit parce qu’ils peuvent se tromper, soit parce que le croyant doit développer aussi au maximum son intelligence et consulter aussi son « cœur » et prendre en compte leurs sensibilités propres, sans pour autant rompre les liens qui les unissent aux savants vertueux, qui ne peuvent pas se mettre d’accord sur un mensonge ou une erreur, préservant ainsi, par la Grâce d’Allâh, la communauté des croyances superstitieuses et hérétiques, et la « banalisation » d’un péché manifeste ou d’un mal conduisant à la destruction de la communauté, comme les fléaux de la modernité qui conditionnent la mentalité des modernistes, s’éloignant de plus en plus de la piété, de la ferveur religieuse et de la spiritualité. De même, consulter les spécialistes, – tout en sachant qu’ils ne sont pas infaillibles – est exigé par l’adab et par l’intelligence, et rien n’empêche le croyant de consulter plusieurs spécialistes pour avoir plusieurs avis et bénéficier des conseils particuliers d’un spécialiste par rapport à son cas personnel, – et qui exige donc une fatwa adaptée à ce cas précis et particulier -.
Allâh a dit : « Demandez aux gens du rappel/savoir si vous ne savez pas » (Qur’ân 21, 7), concernant le contexte des Gens du Livre durant les époques antérieures, principe qui s’applique également pour la communauté musulmane lorsqu’Allâh dit : « Demandez donc aux gens du rappel/savoir si vous ne savez pas » (Qur’ân 16, 43). Le verset suivant (44) précise d’ailleurs que cette humilité à leur égard et la reconnaissance des savants, ne doit cependant pas être aveugle, mais susciter la réflexion chez le croyant : « (Nous les avons envoyés) avec des preuves évidentes et des livres saints. Et vers toi, Nous avons fait descendre le Qur’ân, pour que tu exposes clairement aux gens ce qu’on a fait descendre pour eux et afin qu’ils réfléchissent ». Parmi les communautés antérieures, certains ont suivi tellement aveuglément leurs « savants » et autorités, qu’ils ont fini par les suivre dans leurs erreurs, leurs croyances parfois hérétiques ou dans les interdictions qui ne furent nullement religieuses, au point de les considérer presque comme des « divinités » en dehors d’Allâh.
Le Qur’ân dit en effet : « Ils ont pris leurs rabbins et leurs moines, ainsi que le Christ fils de Marie, comme Seigneurs en dehors d’Allâh, alors qu’on ne leur a commandé que d’adorer un Dieu unique. Pas de divinité à part Lui ! Gloire à Lui ! Il est au-dessus de ce qu’ils [Lui] associent » (Qur’ân 9, 31).
Le Prophète Muhammad ﷺ a dit : « Le sage est celui qui distingue le vrai du faux, ce qui est utile de ce qui est nuisible, ce qui est beau (comme œuvre) de ce qui est laid (comme oeuvre). Tout ce qui a une longue vie mais qui est périssable est laid ; et tout ce qui dure est beau, même quand il s’absente »[5].
Le Prophète ﷺ s’arrêta un jour vers un groupe de gens assis et a dit : « Ne vais-je pas vous informer du meilleur et du plus mauvais d’entre vous ? ». Alors ils se sont tus. Le Prophète a répété cela 3 fois alors un homme a dit : « Certes ô Messager d’Allâh, informe-nous du meilleur et du plus mauvais d’entre nous ! ». Le Prophète dit : « Le meilleur d’entre vous est celui dont on espère le bien et dont on est à l’abri du mal et le plus mauvais d’entre vous est celui dont on n’espère pas le bien et dont on n’est pas à l’abri du mal »[6].
Il est rapporté que Mu’ad ibn Jabal a dit : « Le dernier conseil que le Prophète m’ait donné lorsque je mettais mon pied à l’étrier était : « Prémunissez-vous envers Allâh où que vous soyez ; faites suivre la mauvaise action par une bonne qui effacera la précédente, et conduisez-vous bien (avec une haute moralité) envers les gens » »[7].
Cela signifie notamment que celui qui constitue une menace, une nuisance, une injustice, une source de fitna ou de débauche pour les autres, contredit la voie prophétique et l’éthique qurânique. Le principe contenu dans ce hadîth comporte l’interdiction du terrorisme, du meurtre, du viol, de la brutalité, de la maltraitance, de la tyrannie, de l’incivilité et de l’injustice.
Le « musulman » qui inspire la peur, la menace, l’insécurité et l’injustice n’est pas celui qui suit la Sunnah et qui se conforme aux injonctions qurâniques.
Il a été rapporté que notre Prophète Muhammad (ﷺ) a dit : « Les justes de chaque génération porteront ce savoir et le préserveront de la déformation des rigoristes, de l’usurpation des imposteurs et de l’interprétation des ignorants »[8].
Ce hadith est une invitation à la voie du juste milieu, et à l’interdiction de suivre la voie extrémiste, laxiste (conduisant à la banalisation du mal et des vices, et sur le long terme, à leur propagation), rigoriste ou de ceux qui instrumentalisent la religion à des fins politiques (dans le sens de déformer la religion pour qu’elle cadre avec les intérêts mondains des dirigeants ou des « prédicateurs » hypocrites) ou matérielles, bref, à d’autres fins que celles fixées par la religion, à savoir la vérité et la justice.
Les ignorants font de leurs opinions personnelles, des dogmes qu’il faudrait suivre, et qui justifient leurs opinions par des arguments faussement rationnels n’y changeront rien.
Les rigoristes sont ceux qui ne s’en tiennent qu’à la forme sur des sujets secondaires en fatiguant ou soûlant les gens du peuple, mais oublient aussi parallèlement les fondements et les valeurs éthiques, tout comme ils délaissent ou combattent la spiritualité, qui constituent pourtant le cœur et le sommet de l’Islâm.
Les imposteurs sont ceux qui agissent par hypocrisie, et qui pour assouvir leurs passions (vices) et intérêts mondains, mentent sciemment sur la Religion en manipulant les gens et en exploitant leur ignorance et leur naïveté.
Les justes sont ceux, qui, malgré leurs défauts et leurs erreurs éventuelles, donnent toujours de l’importance à la Parole Divine, puis à la Tradition (purifiée) du Prophète Muhammad, puis des nobles compagnons et de la famille du Prophète, ainsi que des saints et des vertueux de cette communauté. Ils ne craignent pas de suivre la Vérité lorsqu’ils savent qu’un savant, aussi brillant soit-il, se soit trompé sur une chose. Ils s’adonnent au dhikr et à toutes les obligations religieuses avec sincérité, ils font preuve d’adab, ils incitent au Bien, sont durs envers eux-mêmes et plus souples et doux envers les autres. Ils veulent le bien de la Ummah et ne tolèrent aucune injustice à l’égard de quiconque, musulmans ou non-musulmans, humains ou animaux, partisans ou opposants. Ils dénoncent intelligemment l’oppression et les vices, sans inciter aux troubles et au fanatisme pour autant. Leurs paroles et leurs moments de silence sont riches d’enseignements. Ils patientent durant l’adversité, se préservent de la calomnie et de tous les autres grands péchés. Ils sont doux envers les pêcheurs qui ne sont pas orgueilleux, et ils sont durs envers les tyrans qui ne cherchent pas à se réformer. Nous avons connu, et connaissons d’ailleurs toujours des musulman(e)s faisant partie de cette catégorie d’êtres d’exceptions, alliant justice, piété, érudition, générosité, intelligence et profonde spiritualité.
Dans d’autres ahadîths prophétiques, il est dit : « Prenez garde à l’extrémisme (exagération) dans la religion, car ce qui a perdu les gens avant vous, c’est l’extrémisme dans la religion »[9].
De même, selon Ibn Mas’ûd, le Prophète (ﷺ) nous avait aussi averti du danger que représentait l’extrémisme : « Les extrémistes [terroristes, rigoristes, littéralistes] sont perdus ! Les extrémistes [terroristes, rigoristes, littéralistes] sont perdus ! Les extrémistes [terroristes, rigoristes, littéralistes] sont perdus ! »[10]. Cela désigne aussi bien ceux qui s’imposent une approche rigoriste et excessive, – au point de perdre toute mesure et de s’en dégoûter jusqu’à abandonner la pratique religieuse -, que ceux qui veulent imposer la brutalité, l’extrémisme ou des pratiques aux autres.
Notre imâm ‘Alî (‘alayhî salâm) disait : « Tous les extrêmes mènent à l’erreur, le juste milieu est ce qu’il y a de mieux, il porte la marque du Livre sacré et l’influence de la prophétie »[11].
Nos maîtres spirituels, à notre époque, et qui sont les « (…) héritiers des prophètes. Les prophètes n’ont pas laissé en héritage des monnaies d’or ou d’argent, mais le savoir (ʿilm) (…) »[12], nous apprennent les fondements de la théologie et du fiqh et la connaissance dans ce qui nous est utile, le reste n’étant que l’approfondissement du cheminement spirituel, la vigilance spirituelle, l’éducation de l’âme, et à être utile à l’Humanité, et à délaisser tout ce qui avilit l’âme, constitue une nuisance pour soi-même comme pour autrui, et de ne pas prêter attention aux avis juridiques erronés ou qui n’ont aucun lien avec la spiritualité, la vertu, l’ordre social ou les bonnes relations sociales, et de laisser aux juges les questions complexes concernant les affaires pénales, mais en dehors de cela, il n’y a que des opinions humaines n’étant pas approuvées ni par Allâh ni par Son Messager, que ce soit certains avis étranges édictés par des fuqaha « traditionnalistes » ou des « penseurs modernistes ».
Le Shaykh al-‘Arabî al-Darqâwî dans ses Rasâ’il sur la Voie spirituelle disait : « Quiconque souhaite voir le visage de la liberté doit lui-même commencer par lui montrer sa servitude. Cela signifie faire preuve d’une bonne intention, d’un amour sincère, d’une bonne opinion a priori et d’un bon caractère, et respecter les obligations légales et les interdits sans les modifier ou les altérer. S’il procède ainsi, la liberté lui montrera son visage et ôtera son voile pour lui. Paix ! », ainsi que, ailleurs dans ses Rasâ’îl, ne recommandait pas à ses disciples l’accomplissement d’une multitude d’actes cultuels, il leur demandait seulement de « s’acquitter des rites obligatoires et des oeuvres surérogatoires les plus recommandées ». De même, concernant la science extérieure (jurisprudence), voici ce qu’il dit : « […] sélectionne dans la science extérieure ce qui en est indispensable, car le culte que nous rendons à notre Seigneur doit provenir de Sa Révélation, mais ne creuse pas dans le détail. En effet, il n’est pas requis d’approfondir cela. Ce qu’il faut approfondir, c’est l’intérieur ».
Il insistait beaucoup sur le fait que peu de science et d’actes tout en sachant rester concentré valent mieux que l’inverse, à savoir l’accumulation de beaucoup de science et d’actes en étant distrait d’Allâh. Il mettait ainsi en garde le disciple contre les « idées illusoires » (wahm) et l’incitait à s’orienter vers Allâh, comme dans le passage suivant : « Ô disciple, les idées illusoires (wahm) sont parfaitement vaines comme tu le sais ! Mais si tu les prends en considération, elles t’empêcheront de voyager vers ton Seigneur et t’amèneront à rester seul avec toi-même, plongé en toi-même, égaré et loin de ton Seigneur-nous cherchons refuge en Allâh ! Si tu ne leur prêtes aucune attention, leur côté nuisible s’en ira et tu en tireras un bénéfice. C’est ainsi, en s’opposant au point de vue de ces idées illusoires, à celui de l’âme et à celui de Satan, que les Voyageurs avancent et que tous leurs instants sont bien « à point » (yatîbu waqtuhum). Il traite aussi la notion de « sidq » (sincérité) dans son acception la plus haute, et dont «la mort de notre ego, son effacement, son anéantissement, son départ et sa disparition, ainsi que notre extinction de notre extinction, en sont les conditions préalables ».
Le Ihyâ’ ulûm ud-Dîn de l’imâm Abû Hâmid al-Ghazâlî (traduit intégralement aux éditions Albouraq), suffit aux musulmans n’étant pas destinés à une carrière de juriste, pour avoir de bonnes connaissances dans la théologie, le droit, la spiritualité, l’éducation de l’âme, la connaissance spirituelle du Qur’ân et renforcer sa relation avec Allâh ainsi que son éthique et le respect des convenances à l’égard de Ses créatures. Bien qu’étant formé à la jurisprudence shafiite et étant mujtahid, c’est plutôt en tant que mujtahid alliant fiqh, éthique et spiritualité, qu’Al-Ghazâlî a écrit son Ihyâ’, c’est-à-dire une approche islamique transcendant les méthodologies propres à chaque école de fiqh -, bénéficiant ainsi à chaque musulman aspirant à Son Seigneur indépendamment de son école juridique.
Quant aux Hikam et aux Munâjât de l’imâm Ahmad Ibn ‘Atâ’Llâh As-Sakandârî, – commentés notamment par Ibn ‘Ajîba -, ils constituent une source inépuisable de méditation, de recueillement, de connaissance spirituelle, d’éducation spirituelle et de relation avec Allâh et Sa création, – et pouvant se lire à différents degrés -, reflétant les subtilités, la beauté, la profondeur et la portée spirituelle du Qur’ân et de la Tradition prophétique.
Mais pour en revenir aux apostats, certains parmi eux se contentent de vivre paisiblement leur vie sans faire de prosélytisme et sans manifester de haine ou sans chercher à provoquer les musulmans, et il n’y a aucune raison pour que ça se passe mal. Un certain nombre de familles musulmanes, à notre époque, connaissent des membres de leur famille qui ont apostasié, et dans l’ensemble, cela se passe bien si le respect est mutuel.
Il n’y a pas de soucis non plus à ce qu’un apostat, – comme n’importe quel non-musulman d’ailleurs – puisse critiquer ou interroger la pertinence de certaines conceptions religieuses, mais cela doit être distingué de l’injure, de l’insulte, de la provocation, de la menace, de la calomnie, de la haine ou de l’incitation aux meurtres ou au terrorisme dont des musulmans ont déjà été victimes, – et c’est loin d’être un phénomène isolé malheureusement -, le fanatisme tendant à se mondialiser et à toucher toutes les communautés.
Pour avoir connu et côtoyé de nombreux apostats, soit dans la vie réelle, soit sur Internet, il est possible d’en tirer plusieurs constats, parmi lesquels, le fait que, sur une centaine d’apostats venus de différents horizons (sociaux, culturels, ethniques, politiques, scolaires, etc.), l’état global n’était pas fameux. Les « bons » apostats sont rares (c’est-à-dire des gens altruistes, cultivés et qui ne sont pas dans la haine dès qu’il s’agit de discuter politique ou religion et plus particulièrement de l’Islam et des musulmans), et ceux qui sortaient vraiment du lot, parmi ceux que nous avions connu, sont revenus à l’Islam. Mais comme partout, il y a de notables exceptions.
Les apostats les plus prosélytes affirment que le monde des apostats de l’islam serait rempli d’amour, de science, d’intelligence et d’intégrité morale, or c’est tout le contraire que nous avons pu observer, avec des querelles interminables, des injures, des menaces de mort, et une méconnaissance consternante des sujets traités, et une incroyable malhonnêteté intellectuelle lors des échanges, et censurant, supprimant ou bloquant leurs interlocuteurs dès qu’ils étaient contredits par des faits.
Le monde « idéal » promis par ces apostats belliqueux n’est qu’une chimère de plus de la modernité. Pour les avoir connus et vu leurs travers, ce n’est pas du tout souhaitable ou apaisant comme ambiance, ni très intellectuel d’ailleurs, sauf pour quelques rares apostats, encore animés d’un certain sens de la morale (inspirée des valeurs religieuses issues de la Religion qu’ils ont quitté) et de l’amour de la connaissance (qui est là encore, une injonction islamique valorisant la connaissance, là où l’athéisme implique le caractère non-rationnel de la connaissance dans une démarche vaine, ce que n’assument pas de nombreux athées). Il y a aussi des apostats avec qui la discussion est agréable, où ils peuvent se montrer altruistes, courtois, cultivés et qui ne sont pas dans la haine dès qu’il s’agit de discuter politique ou religion (et plus particulièrement de l’Islam et des musulmans), et étant, sous ce rapport, plus plaisants et intéressants, dans nos échanges, qu’avec des musulmans incultes, bornés et malheureusement vulgaires, ce qui est paradoxal sachant que l’Islam accorde une importance fondamentale à « l’art » de l’adab et de l’éthique.
Quant aux arguments avancés par les apostats, même s’ils varient quant à leur nature (juridique, morale, philosophique, historique, etc.), tous ont déjà été réfutés, et souvent, ce sont les mêmes préjugés qui reviennent dans les discussions, en posant très mal les définitions et les notions en jeu, et ne connaissant généralement pas l’histoire et la philosophie des sciences, les subtilités de la langue arabe ou la dimension spirituelle de l’Islam, ou ne côtoyant pas des musulmans engagés sérieusement dans la Voie spirituelle, et qui offrent un spectacle incroyable sur les plans éthique, spirituel et métaphysique, – et dont certains sont aussi parmi les plus cultivés des gens de notre époque -, bien loin de la grossièreté ou des comportements déplorables commis par un certain nombre de musulmans. Les haineux, fanatiques et hystériques parmi les apostats, prétendent que leur virulence est motivée par le fait qu’en Islam, tous les apostats doivent être mis à mort, mais dans ce cas, comment expliquer le rapport pacifique et courtois de certains apostats pacifiques et de musulmans très respectueux, qu’ils se témoignent, et des paroles pondérées des apostats (que ce soit dans les pays musulmans ou non-musulmans) ? Cela ne les a pas poussés pour autant à devenir des gens violents ou fanatiques comme peuvent l’être d’autres apostats. Par ailleurs, comme nous l’avions déjà écrit au sujet de la liberté de conscience et de la peine de l’apostasie en Islam, ce n’est pas l’Islam qui l’exige en soi, mais un avis juridique (devenu majoritaire certes, mais très rarement appliqué dans l’histoire), mais qui ne fait pas consensus et qui n’est pas l’avis de nos maîtres Abû Bakr, ‘Umar ibn al-Khattâb et à ‘Alî (du moins selon un récit où ‘Alî n’a pas puni des apostats pacifiques) ainsi qu’à d’éminentes personnalités musulmanes venues après eux comme Sufyân at-Thawrî, ‘Umar ibn Abd al ‘aziz et d’autres. Une lecture cohérente et méticuleuse du Qur’ân, de la Sunnah authentique (et en prenant en compte toutes les versions et le contexte) et des principes islamiques, l’avis selon lequel l’apostat pacifique ne doit pas être inquiété est celui qui se concilie le mieux avec le Qur’ân et la pratique du Prophète. Quant à l’autre avis, – celui de l’emprisonnement ou de la peine capitale -, il ne peut être appliqué que dans un pays musulman gouverné par la Sharî’ah, avec des juges qualifiés et pieux, et prenant le temps de discuter avec l’apostat qui a manifesté ouvertement son apostasie (ou si son épouse a exposé par exemple son cas aux autorités du pays, pour divorcer par exemple) pour l’inviter à revenir à l’islam, et s’il veut échapper à l’emprisonnement, à l’amende ou à la peine capitale, peut feindre le repentir et circuler de nouveau librement dans la société musulmane, mais cela ne règle pas le problème sur le fond, où l’Islam n’exige pas une telle chose de l’apostat pacifique, mais de le considérer plutôt comme un citoyen non-musulman. Auparavant, les rares cas d’apostasie étaient motivés par des raisons politiques et militaires, et l’apostat devenait donc un combattant ennemi en puissance, qu’il fallait neutraliser pour protéger la communauté musulmane ou les dhimmis (non-musulmans) d’une trahison politique ou militaire. Mais aujourd’hui, appliquer cette peine à l’apostat pacifique n’a plus aucun sens, et engendre plus de mal que de bien, y compris aux sociétés musulmanes. Le dialogue et les échanges intellectuels sont plus efficaces et ont le mérite d’apaiser les tensions au lieu de les exacerber.
Néanmoins, précisons qu’en Occident, les apostats ne sont pas menacés par les autorités, et vivent au milieu de millions de musulmans qui ne les persécutent pas, – et du point de vue du droit musulman les apostats ne doivent pas être mis à mort ni agressés dans les pays non-musulmans – et dans plusieurs pays musulmans non plus, cette peine n’existe pas ou n’est pas appliquée dans les faits. Dans des régions ou des communautés non-musulmanes par ailleurs, le non-musulman qui quitte sa communauté s’expose aussi parfois à des menaces de mort, nous vient à l’esprit notamment la femme yézidie en Irak qui s’était convertie à l’Islam et qui avait épousé un musulman, puis qui avait été attrapée par des membres de sa communauté qui l’avait ensuite lapidée jusqu’à ce que mort s’en suive, et des cas comme cela, – mais en moins violent généralement – existent aussi en Israël, en Inde, en Chine ou ailleurs, soit en tant qu’incidents isolés et personnels, soit en tant que « pression populaire » ou alors de façon institutionnalisée, car mal vu politiquement. Ainsi, les apostats de l’Islam ne sont pas exposés à une sanction en Occident en cas d’apostasie, donc leur haine envers l’Islam et les musulmans n’est pas fondée et dans plusieurs pays musulmans non plus puisque ces pays n’appliquent pas la peine de l’apostasie à ceux qui apostasieraient. Dans des pays non-musulmans néanmoins, le non-musulman qui quitte sa communauté s’expose aussi parfois à des menaces de mort, à des rejets, des insultes ou des représailles de la part de leurs familles ou de certains pans de la communauté. Si les apostats belliqueux ou opportunistes sont incapables de faire la part des choses, c’est qu’ils ne sont pas très futés, et cela n’excuse en aucun cas leur fanatisme, et la mort, l’extermination ou l’humiliation qu’ils souhaitent aux musulmans, ainsi qu’à la censure et à l’interdiction de liberté à propos des musulmans, et où en cela, les non-musulmans islamophobes et les apostats haineux se rejoignent.
Dans la communauté musulmane, certains qui s’exposent dans les médias ou les réseaux sociaux n’ont cependant pas le bagage intellectuel ou l’intégrité morale nécessaires pour répondre aux interrogations légitimes ou aux attaques islamophobes dont l’Islam et les musulmans font l’objet, et même de nombreux imâms et prédicateurs n’ont pas un niveau avancé, et demeurent donc dans l’incapacité de répondre aux thèses orientalistes ou islamophobes, ou même de réfuter les conceptions « wahhabites » ou « akhbari » (en milieu sunnite) qui ont causé l’apostasie d’un grand nombre d’ex-musulmans. Or, s’ils avaient connaissance des références évoquées précédemment, le problème serait réglé à la source.
Nous pouvons ainsi poser ce constat basé sur l’observation et l’expérience : la décadence du monde moderne touche toutes les communautés, souvent malgré elles. Mais dans le cas des apostats (vis-à-vis de l’Islam), – du moins chez les apostats belliqueux et opportunistes -, il y a un saut régressif, – tant sur le plan moral qu’intellectuel – quand ils quittent l’islam puis passent tout leur temps à parler de l’Islam et/ou des musulmans en mode négatif, à propager des amalgames, à manifester de la haine et des injures, ou même des menaces diverses en cas de désaccord. Cela contraste avec les autres apostats, encore attachés aux valeurs morales de la Religion comme la pudeur (au sens large), l’intégrité, l’honnêteté, la générosité, l’altruisme, la compassion, le sens de la justice (et pas seulement à géométrie variable), la sagesse et l’intelligence dans leurs propos. Et les musulmans qui ressemblent en cela aux apostats belliqueux, dans leur laideur morale, sont justement éloignés de l’idéal islamique, et devraient se remettre en question, d’autant plus que beaucoup ont fui l’Islam ou les musulmans à cause du mauvais comportement et de l’agressivité (dans les débats notamment) de certains musulmans. En ce sens, nous pouvons citer une parole très juste du savant et penseur égyptien musulman Muhammad al-Ghazâlî (1917 – 1996) : « Il n’est pas nécessaire d’être un espion pour être au service de tes ennemis, il te suffit de d’être stupide ».
En février 2021, un apostat (arabophone) que nous connaissons affirmait que les plus cohérents et pertinents restaient les sunnites traditionnalistes (asharites et maturidites) que ce soit dans leur rapport au Qur’ân, dans la langue arabe, la logique ou la philosophie. Il était même désespéré du niveau assez faible des apostats (francophones, anglophones et arabophones) en général, qui brillaient par leur méconnaissance et leur haine dans les débats face aux traditionnalistes. Il regrettait aussi leur complexe d’infériorité à l’égard de l’Occident, et leur ignorance (ou abandon) concernant la langue arabe, le patrimoine islamique et les grands poètes, philosophes et intellectuels qui ont émergé dans le monde arabo-musulman. Même constat (selon lui) pour les coranistes ou certains réformistes qui ne maitrisaient ni l’arabe, ni l’histoire ni la logique, et qui se perdaient dans des spéculations et des élucubrations sans queue ni tête.
L’Islam a produit toute une civilisation d’une incroyable richesse intellectuelle, spirituelle, sociale, juridique, politique, scientifique et artistique, – avec aussi des différences de sensibilités et des dérives qui sont le lot de toute communauté humaine -, mais les apostats ou les gens opposés à toute religiosité ne produisent rien d’élévateur, et s’inspirent encore, souvent malgré eux, des nobles valeurs et réalisations de la Religion. Doit-on encore leur rappeler que les universités, les observatoires astronomiques, les principales découvertes scientifiques, les hôpitaux, les fondations pieuses, les écoles, les chefs d’œuvre de la littérature mondiale et les plus beaux monuments historiques, sont le fruit de la Religion ayant inspiré les esprits les plus brillants au sein de l’Humanité ?
Beaucoup sont aussi incohérents parmi eux, puisqu’ils défendent de façon aveugle et inconditionnelle l’Occident, qui a pourtant ravagé la planète, dévasté des pays, massacré des millions d’innocents, plongés des pays musulmans dans le chaos, soutenu les pires dictatures et qui s’est opposé à l’indépendance politique, économique et technique de plusieurs pays musulmans… A notre époque « libérée de la religion » (selon les non-religieux), les régimes communistes et capitalistes sont ceux qui ont assassiné le plus d’intellectuels et de scientifiques, ceux qui ont massacré le plus de civils et ceux qui ont le plus saccagés l’environnement. En même pas une décennie, les scientifiques et intellectuels irakiens qui ont péri du fait des Etats-Unis, se comptent en dizaines de milliers au bas mot. Des assassinats ciblés de scientifiques, de journalistes et d’intellectuels arabes ou iraniens, par des criminels américains ou israéliens sont aussi à déplorer tout à la fin du 20e siècle jusqu’à nos jours. Les Russes ne sont pas en reste, où des opposants politiques, des journalistes et des intellectuels hostiles au pouvoir politique, ont aussi été assassinés ou sont actuellement menacés.
Quant à notre attitude à leur égard, il faut savoir se montrer patient, indulgent, courtois, à l’écoute, et les renvoyer à des références fiables, les pousser à la réflexion et à se poser les bonnes questions, démontré les lacunes et les contradictions du paradigme moderniste qui conditionne et atrophie leurs perceptions et capacités cognitives, et leur enseigner les distinctions et clarifications nécessaires qui s’imposent quand on parle de l’Islam et des musulmans, de la Sharî’ah et du fiqh, et leur montrer la diversité spirituelle et intellectuelle du patrimoine islamique. Quant aux belliqueux et aux opportunistes parmi eux, il convient de s’éloigner d’eux, de répondre intelligemment, – sans forcément les citer – à leurs allégations mensongères ou aberrantes, et à s’occuper de notre cheminement, de nos proches et des gens dans le besoin, plutôt que de perdre toute notre énergie pour des menteurs qui ne cherchent qu’à faire le buzz et à vampiriser toute notre énergie.
Le Qur’ân indique déjà le comportement à adopter dans de pareils cas :
« Supporte patiemment (et avec endurance) comme les détenteurs de ferme résolution d’entre les Messagers ont enduré. Ne cherche (donc) pas à hâter leur cas (la correction des injustes). Le Jour (du Jugement Dernier) où ils verront ce qui leur était promis, il leur semblera alors n’avoir vécu qu’une heure » (Qur’ân 46, 35).
Ce verset, prenant le cas particulier du Prophète Muhammad, pour en faire ensuite une règle générale, incite à endurer les moqueries, insultes et autres choses similaires, de la part des injustes et des dénégateurs, et à ne pas vouloir se venger d’eux. Ce verset ne parlant pas d’un contexte se situant sur un champ de bataille, l’action violente n’est donc pas encouragée comme le montre ce verset, qui parle plutôt de patienter face à l’épreuve. Évidemment, en dehors du champ de bataille, si le cadre juridique du pays dans lequel on se trouve, permet d’éviter « pacifiquement » la fin d’une injustice (harcèlements, insultes, pressions, agressions physiques, discriminations, …), il devient autorisé d’y recourir, tout en plaçant sa confiance en Allâh et ne cherchant que le soulagement d’un fardeau et d’une injustice pénible.
« S’ils te contredisent, dis-leur : « Je me soumets à Allâh, moi et ceux qui me suivent ». Après quoi, demande à ceux qui ont reçu l’Écriture et aux non-initiés : « Et vous ? Êtes-vous soumis à Allâh ? ». S’ils se déclarent soumis à Allâh, c’est qu’ils ont pris la bonne voie, mais s’ils s’en détournent, rappelle-toi que ton rôle se limite à transmettre le Message. Allâh observe constamment Ses serviteurs » (Qur’ân 3, 20).
« S’ils se détournent de toi, sache que Nous ne t’avons pas envoyé pour assurer leur sauvegarde. Tu n’es chargé que de les avertir. Lorsque Nous accordons à l’homme quelques faveurs de Notre part, il s’en réjouit, mais aussitôt qu’un malheur l’atteint pour le punir de ses fautes, il fait preuve d’une grande ingratitude » (Qur’ân 42, 48).
« Si donc ces gens-là se tiennent à l’écart, et au lieu de vous attaquer vous offrent la paix, Allâh ne vous donne plus aucun droit de les inquiéter » (Qur’ân 4,90).
« et ne discutez avec les gens du Livre que de la manière la plus douce » (Qur’ân 29, 46).
« Ô les croyants ! Soyez stricts (dans vos devoirs) envers Allâh et (soyez) des témoins équitables. Et que la haine pour un peuple ne vous incite pas à être injuste. Pratiquez l’équité : cela est plus proche de la piété. Et craignez Allâh. Car Allâh est certes Parfaitement Connaisseur de ce que vous faites » (Qur’ân 5, 8).
« Par la sagesse et la bonne exhortation, appelle (les gens) au sentier de ton Seigneur. Et discute avec eux de la meilleure façon. Et si vous punissez, infligez [à l’agresseur] une punition égale au tort qu’il vous a fait. Et si vous endurez… cela est certes meilleur pour les endurants. Endure ! Ton endurance [ne viendra] qu’avec (l’aide) d’Allâh. Ne t’afflige pas pour eux. Et ne sois pas angoissé à cause de leurs complots. Certes, Allâh est avec ceux qui [L’] ont craint avec piété et ceux qui sont bienfaisants » (Qur’ân 16, 125-127).
Allâh dit dans le Qur’ân : « N’insultez pas ceux qui adorent d’autres divinités en dehors d’Allâh » (Qur’ân 6, 108), nous savons par expérience, que les insultes n’apportent généralement aucune utilité ni aucun bénéfice pour les sociétés et les relations diplomatiques ou politiques. Aussi, insulter les choses considérées comme « sacrées » pour les autres, ne peut que les offenser, et en retour, ils risqueraient de se complaire davantage dans leurs superstitions ou croyances déviantes, voire même manifester encore plus de haine et d’agressivité contre l’Islam et les musulmans.
« Ô vous qui avez cru ! Qu’un groupe ne se raille (moque) pas d’un autre groupe : ceux-ci sont peut-être meilleurs qu’eux. Et que des femmes ne se raillent pas d’autres femmes : celles-ci sont peut-être meilleures qu’elles. Ne vous dénigrez pas et ne vous lancez pas mutuellement des sobriquets (injurieux). Quel vilain mot que « perversion » lorsqu’on a déjà la foi. Et quiconque ne se repent pas… Ceux-là sont les injustes » (Qur’ân 49, 11).
Il faut aussi garder à l’esprit, que des récits concernant la fin des temps, annonçaient la propagation de l’ignorance parmi les musulmans, des vagues d’apostasie en leur sein, mais aussi des vagues de conversion à l’Islam de la part des autres peuples, et aussi l’état de décadence du monde musulman en nos temps troubles. Qu’il y ait des gens qui apostasient de l’Islâm ou qui s’y convertissent, cela ne change rien à l’Islam ni à sa véracité. Il nous incombe donc de bien étudier et méditer le Dépôt (l’Islâm) qu’Allâh nous a confié, de le mettre en pratique avec sagesse et persévérance, de le transmettre avec intelligence et courtoisie à qui s’y montre réceptif, et à placer notre confiance en Lui en attendant Sa rencontre.
[1] ‘Abd Allâh al-Mâliki, La souveraineté de la Umma passe avant l’application de la Sharî’a, éd. Maison d’Ennour, 2018, p.41, traduit par le Shaykh Corentin Pabiot ; cité aussi par Ahmad Ar-Rîsûnî dans Al-Fikr al-islamî wa Qadâyâ-nâ as-Siyâsiya al-Mu’âsira, p. 83.
[2] Rapporté sous l’autorité de `Ubâda Ibn As-Sâmit, et rapporté par Mâlik dans son Al Muwattâ’, par Ibn Mâjah dans ses Sunân au chapitre des « Jugements » n°2430, par Ahmad dans son Musnad n°23462, par Al-Bayhaqî dans son recueil n°12224.
[3] Rapporté et commenté notamment par An-Nawawî dans son Riyad As-Salihîn, As-Shâtibî dans son Al-I’tisâm 2/153 à 159, par Mullâ Alî al-Qârî dans Mirqâtul mafâtîh 6/45.
[4] Rapporté par Al-Bukharî dans son Târîkh sous l’autorité de Wâbisa al-Azdî, par l’imâm Al-Munâwî qui le commente dans son Fayd al-Qadir, et par As-Suyûtî dans al-Jami` al-Saghir mais qui ne se prononce pas sur le degré de son authenticité. Le sens rejoint néanmoins plusieurs versets du Qur’ân ainsi que des ahadiths.
[5] Rapporté par Ibn ‘Ajîba dans ses commentaires des Hikam et des Munâjât de l’imâm Ibn Ata’ Llâh.
[6] Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2263 selon une chaîne authentique, d’après Abû Hurayra notamment). Et la portée de ce hadith est générale.
[7] Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°1987, par Ahmad dans son Musnad 5/153, par Ad-Darimî dans ses Sunân 2/823, par An-Nawawî dans son recueil des 40 ahadiths n°18, selon Mu’ad Ibn Jabal et Abû Dharr Jundub ibn Junâda. Cela est conforme au Qur’ân, notamment aux versets suivants : « Les actions bonnes dissipent les mauvaises » (Qur’ân 11,114), « et qui endurent dans la recherche de l’agrément d’Allah, accomplissent la Salât et dépensent (dans le bien), en secret et en public, de ce que Nous leur avons attribué, et repoussent le mal par le bien. A ceux-là, la bonne demeure finale » (Qur’ân 13, 22).
[8] Rapporté par Tabarî, Tamâm, ‘Adî dans ses Fawâ’id : Ibn al Qayyim dans Miftâh dâr as-sa’âda qui le juge « Sahîh », Ibn al Wazîr aussi « Sahîh ou Hassan », l’imâm Ahmad le juge « Sahîh » ainsi qu’Ibn ‘Abdel-Barr, rapporté aussi par al-Bayhaqî dans Sunân al Kubrâ’.
[9] Rapporté par Ahmad dans Al-Musnad 1/347 ; An-Nasâ’î, chapitre des rites du pèlerinage 5/268-269 dans ses Sunân et Ibn Mâjah dans ses Sunân, chapitre des rites du pèlerinage, n°3029.
[10] Rapporté par Muslîm dans son Sahîh.
[11] Rapporté dans Nahj al-Balagha – La Voie de l’éloquence.
[12] Rapporté par Abû Dawûd, al-Tirmidhî et Ibn Mâjah dans leur Sunân.