Dans les polémiques contemporaines, la mentalité wahhabite fait des ravages, où pour beaucoup, l’élévation des tombes s’apparente à de l’idolâtrie, là où textuellement et intellectuellement en Islam, l’idolâtrie n’a jamais été liée à la hauteur d’un édifice, mais plutôt à la doctrine, aux convictions du « cœur » et aux pensées. Cependant, la question a toujours fait l’objet de divergence sur le plan juridique, à savoir si c’était illicite, détestable (sans constituer un péché), autorisé de façon neutre (mubah) ou recommandé. Et là les savants ont divergé et ont tous avancé des conditions et des exceptions. Contrairement à ce que l’on peut lire chez certains opposants anti-wahhabites pas très bien documentés sur ce sujet, ce n’est donc pas le wahhabisme qui a eu le monopole de cette interdiction générale.
Toutefois, même malgré l’interdiction de certains fuqaha du passé, l’élévation des tombes et des mausolées pour des grandes figures de l’Islam a toujours été répandue, et ce, dès l’époque des compagnons, à commencer par la tombe du Prophète Muhammad (‘alayhî salât wa salâm) elle-même. Il faut se méfier aussi de certaines citations tronquées ou décontextualisées qui circulent sur Internet, aussi bien celles qui prétendent à l’interdiction absolue, que celle qui affirment l’autorisation absolue.
Au final, au-delà de l’appréciation personnelle concernant ces pratiques, le musulman doit quand même se poser la question de la licéité ou non de certaines pratiques du point de vue islamique.
Nous ne citerons ici que quelques éléments, sachant que d’autres arguments existent aussi en faveur de leur licéité.
Al-Hâfiz Ibn Hajar Al-`Asqalânî As-Shâfi`î écrit dans son Fath Al-Bârî (1/626) : « Et Al-Baydâwî a dit : « C’est parce que les Juifs et les Chrétiens se prosternaient devant les tombes de leurs Prophètes en exagérant dans leur révérence [envers eux] et en les prenant comme direction [qibla] vers laquelle ils se tournaient durant la prière, faisant ainsi d’elles des idoles; qu’ils furent maudit et qu’il fut empêché aux musulmans ce type d’agissement. Concernant la construction d’une mosquée à proximité [de la tombe] d’un pieux recherchant ainsi la bénédiction [tabarruk] par la tombe [ndt : le vertueux qu’Allâh bénit par Sa Barâka illuminera et bénira le lieu, et il ne sera alors qu’un support pour bénéficier de la Bénédiction Divine, support qui ne doit jamais être adoré ou divinisé bien entendu] et non en vue d’exagérer dans leur vénération, ou de se tourner vers elles [pour prier]; cela ne rentre [absolument] pas dans cette interdiction » ».
Al-Baydawî As-Shafi`î écrit effectivement dans son Tuḥfat al-Abrār Sharḥ Maṣābīḥ as-Sunnah (1/257) : « C’est parce que les Juifs et les Chrétiens se prosternaient devant les tombes de leurs Prophètes en exagérant dans leur révérence [envers eux], et en les prenant comme direction [qibla], et se tournaient vers elles durant la prière, faisant ainsi d’elles des idoles ; qu’ils furent maudit et qu’il fut empêché aux musulmans ce genre d’agissement en leur interdisant cela.
Concernant la construction d’une mosquée à proximité [de la tombe] d’un pieux, ou le fait de prier en étant sur sa tombe sollicitant ainsi l’aide de son âme [rûh] ou de l’atteindre par une relique de ses adorations [qu’il avait l’habitude d’utiliser] , sans exagérer dans sa vénération et sans se tourner vers elle [durant la prière], alors il n’y a rien de mal dans cela. Ne voyez-vous pas la tombe d’Ismaël (‘alayhî salâm) dans la mosquée de la Mecque ? Et cette mosquée est la meilleure mosquée dans laquelle on peut prier. Et l’interdiction de prier dans les cimetières se référent uniquement à celles qui sont découvertes du aux impuretés [najâsa] qu’il y a ».
Al-Imâm Shihâb ad-Dîn Ahmad Ibn Muhammad Ibn `Umar Al-Khafâjî Al-Misrî Al-Hanafî (m. 1069 H) dans sa glose de l’exégèse du Qur’ân d’Al-Baydâwî qu’il nomma Hâshiyya Ash-Shihâb Al-Musammâ `Inâya Al-Qâdî wa Kifâya Ar-Râdî `alâ Tafsîr Al-Baydâwî (6/87) [Edition : Dâr As-Sadir, Beyrouth] écrit : « {Une mosquée} est une preuve concernant l’autorisation de la construction [de mosquées] au-dessus et à côté des tombes des pieux, tout comme cela est mentionné dans Al-Kashâf et il est [également] autorisé de prier dans ces constructions ».
Al-Hâfiz An-Nafasî dans son exégèse du Qur’ân s’intitulant Tafsîr An-Nafasî Madarik al-Tanzil wa-Haqa’iq al-Ta’wil (2/293) [Edition : Dâr Al-Kalam At-Tayyib 1981] écrit sous le verset : {Et c’est ainsi que Nous fîmes qu’ils furent découverts, […] Mais ceux qui l’emportèrent dans cette affaire dirent : « Construisons sur eux une mosquée » } [S.18 / V.21] : « {Ceux qui l’emportèrent dans cette affaire} parmi les musulmans et les dirigeants qui dirent de {construire} sur la porte de la grotte une {mosquée} où les musulmans [de l’époque] prieront et bénéficierons des bénédictions à travers l’endroit [où sont les corps] ».
Allâh dit : « C’est ainsi que Nous avons fait connaître leur retraite pour bien montrer aux habitants de la cité que les promesses de Dieu s’accomplissent toujours et que la résurrection ne fait pas l’ombre d’un doute. Une dispute s’engagea alors à leur sujet, entre les gens de la cité. « Murons-les sous une maçonnerie, de manière que seul leur Seigneur soit au courant de leur mystère », dirent quelques-uns. Mais ceux dont l’avis l’emporta furent ceux qui dirent : « levons au-dessus d’eux un sanctuaire ! » (Qur’ân 18, 21).
Cela ne fut pas abrogé, et c’est aussi la preuve
qu’un édifice, en soi, n’est pas de l’idolâtrie.
Dans le Qur’ân, l’abrogation de cette permission n’est pas
mentionnée, or il faut une abrogation explicite (du Qur’ân pour certains
ulémas, tandis que d’autres disent qu’un hadîth sahîh mutawatir est suffisant)
pour interdire une chose auparavant licite.
Quand Allâh condamne une pratique blâmable dans le
Qur’ân, Il cite la chose en soi, puis précise son statut juridique selon les
différents rapports ou les utilisations qui en sont faites.
Or ici, il n’est pas précisé que cela relève du blâmable, de
l’interdit, d’une abomination, ou qu’il s’agit d’une pratique exclusive aux « injustes »,
aux « pervers », aux « égarés », aux « ignorants »,
aux « mécréants », etc.
Par ailleurs, voici comment l’ont interprété les plus grands exégètes, dont nous en citerons que quelques-uns : « C’est ainsi que Nous avons fait connaître leur retraite pour bien montrer aux habitants de la cité que les promesses d’Allâh s’accomplissent toujours et que la résurrection ne fait pas l’ombre d’un doute ».
Al Imâm Ismâ’îl Ibn Kathîr a dit dans son Tafsîr ul Qur’ân ul ‘Azîm : « C’est-à-dire qu’au même titre que Nous les avons fait dormir puis réveiller en étant physiquement intact, Nous avons rendu leur histoire connue auprès des gens ». « Une dispute s’engagea alors à leur sujet, entre les gens de la cité. « Construisez sur eux un édifice. Leur Seigneur les connaît mieux », dirent quelques-uns. Mais ceux dont l’avis l’emporta furent ceux qui dirent : « Élevons au-dessus d’eux un sanctuaire ! » ».
Al Imâm Muhyî us Sunnah Al Baghawî rapporta dans Ma’âlim ut Tanzîl que Sayyidunâ ‘Abdullâh Ibn ‘Abbâs a dit : « Ils se disputaient au sujet de la construction. Les musulmans [ndt : les monothéistes de la communauté religieuse fidèle aux prophètes de cette époque] dirent : « Construisons sur eux une mosquée [lieu de prière conforme aux directives prophétiques de l’époque] où les gens prieront pour eux car ils sont des adeptes de notre religion ». Tandis que les idolâtres dirent : « Construisons sur eux un bâtiment [dédié à notre religion] car ils sont de notre lignée » ».
Al Imâm Abû Ja’far Ibn Jarîr At Tabarî rapporta dans son Jâmi’ ul Bayân Fî Tafsîr ul Qur’ân que le Tâbi’î ‘Abdu Llâh Ibn ‘Ubayd Ibn ‘Amîr a dit : « Les idolâtres dirent : « Nous allons construire un édifice sur eux, ils sont les fils de nos pères, et nous adorerons Dieu en son sein», tandis que les musulmans déclarèrent : «Nous avons plus de droit sur eux, nous construiront assurément une mosquée [ndt : terme désignant pour les époques antérieures à l’islam, des lieux de prière dédiées à Allâh] sur eux pour y prier et y adorer Allâh ! » ».
Al Imâm Abû-l-Layth As Samarqandî a dit dans Bahr ul ‘Ulûm : « Les croyants dirent qu’ils allaient construire une mosquée sur eux tandis que les chrétiens dirent qu’ils allaient construire une église, mais les musulmans obtinrent gain de cause et construisirent une mosquée. Et Il (qu’Il soit glorifié et magnifié) dit : « Construisez sur eux un édifice. Leur Seigneur les connaît mieux », dirent quelques-uns », c’est-à-dire une mosquée, « Leur Seigneur les connaît mieux », c’est-à-dire leur monde ; « Mais ceux dont l’avis l’emporta », c’est-à-dire ceux qui sont de la même religion que les gens de la caverne (as-hâb ul kahf), qui sont des croyants, « furent ceux qui dirent : « Élevons au-dessus d’eux un sanctuaire ! » », Az Zajjâj a dit : « Ceci est la preuve que, lorsque la question se présenta, les croyants triomphèrent et que les autres reconnurent la réalité de la résurrection, car ils en ont fait une mosquée et que la mosquée est dédiée au croyants » ».
Al Imâm Abû ‘Abdi Llâh Ibn Juzaî Al Gharanâtî a dit dans At Tas-hîl Li ‘Ulûm it Tanzîl : « « Élevons au-dessus d’eux un sanctuaire ! » à l’entrée de la caverne pour cacher leurs restes, ou bien pour les protéger et éviter qu’ils soient enlevés, ou pour qui veut prendre leur bénédiction à partir du sol, ou encore afin d’en faire un lieu de marquage auprès de la caverne afin qu’ils soient connus. « Mais ceux dont l’avis l’emporta », on a dit : « c’est-à-dire le gouverneur », mais on a dit aussi : « les musulmans, car ils avaient plus de mérites que les mécréants », construisirent une mosquée à l’entrée de la caverne afin d’y adorer Allâh ».
Le Qâdî Thanâ’u Llâh Al Panipattî Al Hanafî a dit dans Tafsîr ul Mazharî : « Ce verset prouve que des mosquées peuvent être construites auprès des tombes des saints dans le but d’accomplir la prière en leurs seins et que de la bénédiction peut être cherchée auprès des tombes des saints ».
Dans un autre verset, Allâh relate à propos du Prophète Sulayman (‘alayhî salâm) : « Et parmi les jinns il y en a qui travaillaient sous ses ordres, par la permission de son Seigneur. Et celui d’entre eux qui déviait de Notre ordre, Nous lui faisions goûter du châtiment du brasier. Ils fabriquaient pour lui ce qu’il voulait : sanctuaires, statues, plateaux comme des bassins, et marmites ancrées » (Qur’ân 34,12-13). Et Allâh rappelle bien que le Prophète « Sulayman n’a pas fait de kufr (mécréance faisant sortir de la foi) » (Qur’ân 2, 102).
Et dans la Sunnah, cette abrogation n’est pas claire, et il y
a même des éléments qui tendent à montrer la permissivité (peut-après après une
courte période d’interdiction relative le temps que les musulmans assimilent le
tawhîd) de cette pratique. Ici l’acte en soi n’a pas été condamné comme étant
de l’idolâtrie ou un acte illicite (peu importe quels étaient les actes et idéologies
des personnes en question qui avaient décidé d’élever le sanctuaire). Si un mécréant
respire, son acte n’est pas forcément illicite, c’est Allâh qui informe du
statut illicite d’une chose avec Sa Parole. Et parmi les anciennes communautés,
certaines pratiques étaient celles qui furent révélées par Allâh (en excluant
celles déformées ou inventées par des êtres humains). Que ce soit des
monothéistes ou des idolâtres qui pratiquent une chose, dans le fiqh il faut
une preuve pour interdire une pratique. Dans le verset un fait et une pratique
ont été mentionnés, mais la nature de cette pratique n’a pas été condamnée ni
abrogée.
Il est établi que le Prophète Muhammad (ﷺ) plaça un rocher au-dessus de la tombe de ‘Uthmân Ibn Maz’ûn (qu’Allâh l’agrée) en disant : « Avec cela, je distinguerais la tombe de mon frère [de lait], et enterrez-y plus tard ceux qui décèderont parmi mes proches parents ». Ceci est rapporté d’après un compagnon non nommé par Abû Dâwud et Al Bayhaqî dans Sunân Al Kubrâ (3/412), Ibn Al Mulaqqîn dans Tuhfat ul Muhtaj (2/29) et d’autres. Le texte complet indique que le Prophète (ﷺ) demanda à un homme de placer un rocher sur le dessus de la tombe de ‘Uthmân Ibn Maz’ûn. Lorsqu’il fut incapable de le déplacer, il (ﷺ) retroussa ses manches et l’aida, c’est alors que la blancheur de ses bras apparut. Ibn Maz’ûn fut le premier des Muhâjirûn inhumé à Baqî’ ul Gharqad. Ibrâhîm, le fils du Prophète, fut enterré à côté de lui.
Et Kharîjah Ibn Zayd a dit : « C’est comme si je me voyais lorsque nous étions jeune homme du temps de ‘Uthmân [Ibn ‘Affân] (qu’Allâh l’agrée). Le plus fort d’entre nous en saut en hauteur était celui qui arrivait à sauter par-dessus la tombe de ‘Uthmân Ibn Maz’ûn » ». « Je dis ça car sa tombe était très haute car le Prophète avait mis juste à côté d’elle une grande pierre pour qu’elle soit connue ». Et à l’époque des Khulafa, on a reconstruit la tombe sur cette pierre que le Prophète a mis car celui qui rapporte cette parole ne dit pas « on saute sur la pierre » mais sur la tombe, donc on a construit sur la tombe » comme le dit Shaykh al-Ghumarî. Ce récit est rapporté par Al Bukhârî dans son Sahîh au chapitre intitulé « Placer un tronc sur le dessus d’une tombe ».
Ibn Hajar a dit dans Fath ul Bârî : « Al Bukhârî rapporta ceci avec sa chaîne dans At Tarîkh us Saghîr (1/42) […] Il contient la preuve qu’il est licite d’augmenter la hauteur d’une tombe et de l’élever au-dessus de la surface de la terre ». D’autres récits vont aussi dans ce sens, et aucun récit bien établi n’interdit formellement cela lorsque cela ne conduit guère à l’idolâtrie ou à des pratiques réprouvées.
Ibn Abî Shayba a dit dans son Musannaf, waki` nous a rapporté de Ussama ibn Zayd qui a rapporté de `Abdullâh ibn Abî Bakr qui a dit : « J’ai vu la tombe de `Uthmân ibn Madghûn élevée ». Le Shaykh Al Ghumarî dit : « Cela est une preuve que cette tombe était une construction élevée ». D’autres savants cependant n’en font pas la même interprétation. Or le but d’une telle chose est de distinguer la tombe des autres, et le résultat est que, ce qui est lié à la tombe est bien surélevée, donc le Prophète l’a permis, et par analogie, surélever la tombe pour les musulmans n’est pas du shirk ni illicite, sauf si l’on craint l’idolâtrie et l’exagération, et Allâh est plus savant sur toute chose.
Plusieurs grands savants maliki l’ont autorisé également, comme Abû-l-Hassan al-Qassar Al-Hattab dans son Mawahib al-Jalil (2/245-246), Ibn Rushd dans son Bayan wa Tahsil (2/219-221) Ad-Disuqi dans sa Hashiya (1/673) et d’autres.
Ibn Hazm le zahirite dans son Kitab al-Muhallâ (5/133) l’a autorisé aussi. Al-Ubbi a dit dans son commentaire du Sahîh de Muslim : « Un des savants shafi’ites a dit une fois que les Juifs et Chrétiens se prosternaient sur (ou en direction) des tombes des Prophètes – que la Paix Divine soit sur eux -. Ils voulaient en faire des qibla [directions vers lesquelles on se tourne] pour se prosterner, et ils les prirent comme idoles. Les musulmans ont été prévenus de cela par une claire interdiction. Toujours est-il que pour celui qui veut construire une mosquée près d’un homme pieux, ou veut prier dans un cimetière avec pour but de tirer une bénédiction de cela, ou par désir que sa demande (invocation adressée à Allâh) soit acceptée, alors il n’y a aucun mal en cela. La preuve qui autorise cela est que la tombe de sayyidina Ibrahim (‘alayhî salâm) se trouve dans la zone où l’on prie dans la Mosquée Sacrée ». Il était Abû Abdallah Muhammad ibn Khalifa al-Washtani al-Ubbi al-Maliki (m. 827 H).
Le nom de ce commentaire est appelé Ikmal al-Mu’allim. Son commentaire en 4 volumes inclus les avis des 4 commentateurs l’ayant précédé : Al-Mâziri, Iyyâd, al-Qurtubi et an-Nawawî. Ibn al-Hajj dit dans al-Madkhal, section des mérites du pèlerinage : « Il est nécessaire qu’il (le pèlerin) ait l’intention lorsqu’il quitte Médine pour aller vers la mosquée d’al-Aqsa de prier dans celle-ci, et de visiter al-Khalil. De la même manière qu’il fît lors de son départ de la Mecque vers Médine. Il doit avoir l’intention de visiter notre Prophète salla’Allahu ‘alayhi wa sallam. Il n’y a aucun endroit qui est connu (c’est-à-dire : comme lieu où se trouve un Prophète) avec certitude après celui de notre Prophète Muhammad (‘alayhî salât wa salâm) si ce n’est celui de sayyidina Ibrahim al-Khalil ‘alayhi as-salâm ». Cela signifie qu’il n’y a aucun endroit avec un bâtiment construit dans lequel il a été vérifié qu’il s’y trouve.
Certains savants ont rapporté cela : « Il a été dit au Prophète d’Allâh sayyidina Sulaymân lors de son sommeil : « Construis sur la tombe de mon ami intime un bâtiment par lequel elle sera reconnue ». Lorsqu’il se réveilla au matin, il chercha mais ne pût reconnaître le lieu qui lui fût indiqué comme endroit pour son édification. Il lui a été répété la même chose la nuit suivante. Puis lors de la troisième nuit il dit : « Ô Seigneur, je ne connais pas l’endroit où il est situé ! ». Il lui a été répondu : « Lorsque tu la cherches, recherche un lieu où sur lequel descend une lumière depuis le Paradis, puis construis ici ». Lorsqu’il se réveilla et partit à la recherche du lieu il trouva la lumière telle qu’elle lui fut mentionnée, elle était devenue apparente à cet endroit. Il y plaça alors quelque chose pour marquer le lieu, et utilisa un jinn pour construire à cet endroit. C’est pour cette raison que vous remarquerez qu’en cette zone il faut dix hommes -ou plus- pour soulever la moindre roche ».
Al Wanshiri al-Maliki dans son al-Miyar (1/317) ou Ibn Juzaî al-Qalbi al-Malikî dans Qawanin al-ahkam as-sariyah (p. 113) : « Les savants malikites considèrent avec indifférence (donc n’ont pas interdit) le fait d’élever une tombe à la manière d’un bâtiment (tasnimuhu bi-l-bina’) ni de l’entourer d’un mur ou une barrière –sans pour autant construire un toit ou une coupole au-dessus- afin de la distinguer des tombes environnantes, ou pour prévenir sa destruction ou profanation ».
Le Mullah ‘Alî Al Qârî Al Hanafî a dit dans Mirqât ul Mafâtîh Sharh Mishkât ul Masâbîh (2/202) : « Quiconque construit une mosquée près d’une tombe d’une célèbre personne, ou prie auprès de la tombe, demande de l’aide à l’âme de cette personne exceptionnelle ou recherche de la bénédiction auprès de sa dépouille, s’il fait cela sans l’intention de lui attribué la Munificence ou de s’orienter complètement vers lui (tawajjuh) [comme il le ferait pour Allâh lors de la prière], alors il n’y a rien de mal en cela. Ne vois-tu pas que la tombe de Ismâ’îl (que La Paix soit sur lui) se situe à l’intérieur même de la Mosquée Sacrée [de La Mecque], près de la partie effondrée (al hatîm) et qu’y prier est plus méritoire que toute autre chose ? Prier auprès des tombes est interdit uniquement si le sol est souillé par des impuretés provenant du mort […] Et au sein de la partie effondrée, entre la pierre noire (hajar ul aswad) et la gouttière d’or (al mîzâb), se trouve ” les tombes de 70 Prophètes ” (comme il est dit dans un hadîth) ». Dans le même ouvrage (4/69) il dit :« Les salafs considérèrent comme permis le fait de construire des édifices au-dessus des tombes des célèbres maîtres et savants, de sorte à ce que les gens puissent les visiter et s’installer convenablement ».
L’imâm ‘Abdullâh Ibn ‘Umar Al Baydâwî As-Shâfi’î – que nous avions déjà cité – a dit dans Anwâr ut Tanzîl Wa Asrâr ut Ta’wîl : « Nous déduisons de ceci qu’ériger un mausolée pour des personnes exceptionnelles, comme les saints et les savants, est permis ».
Et le premier mausolée de l’ère muhammadienne fut celui du Prophète Muhammad lui-même (ﷺ), ayant été enterré dans ce qui était l’appartement de sa femme Sayyidatunâ ‘Âïsha, attenant à la mosquée, où se trouvent également Sayyidunâ Abû Bakr et Sayyidunâ ‘Umar, – et quel endroit béni ! -. Cette tombe fut donc placée au sein d’un édifice avec l’accord unanime des Compagnons (qu’Allâh soit satisfait d’eux). On voit également à travers cela qu’il est licite d’avoir une tombe au sein d’une mosquée et d’un quelconque édifice dédié à la religion, et d’y adorer Allâh à proximité.
L’imâm Badr Ud Dîn Az Zarkashî As-Shâfi’î a dit dans Khâdim ur Râfi’î Wa-r-Rawdah : « Dans Al Mustadrak, immédiatement après avoir authentifié les ahâdith traitant de la prohibition d’édifier des structures au-dessus des tombes et d’y graver des inscriptions, l’Imâm Al Hâkim a dit : « Ces [ahâdîth] ne sont pas mis en application. Tous les imâms des musulmans, d’Est en Ouest, ont des structures édifiées au-dessus de leurs tombes, et c’est une chose que les dernières générations (al khalaf) ont héritées des prédécesseurs (as salaf) ». Al Burzulî a dit : « Ceci est désormais un sujet qui fait consensus » (…). Un des récents érudits parmi nos imâms mentionna le soutien de l’autorisation d’édifier des structures au-dessus des tombes à travers de belles paroles : ils (les savants) affirmèrent la validité de laisser un legs destiné à construire la mosquée Al Aqsâ ainsi que les tombes des Prophètes (que La Grâce et La Paix d’Allâh soient sur eux tous). Shaykh Abû Muhammad [Al Juwaynî] y inclut les tombes des savants des vertueux parce que cela entraîne la revivification des visites [de ces personnes bénies]. Dans Al Wasît et Al Ihyâ’, Al Ghazâlî affirma que cela indique la permission d’édifier des structures au-dessus des tombes des érudits de la religion, des maîtres de l’Islâm et autres personnes vertueuses. Et il n’est clairement pas tiré par les cheveux que cette licéité soit basée sur la volonté de les honorer ». Cela parce que les quelques ahadiths semblant l’interdire sont interprétés comme étant spécifiques et ayant un sens restreint et non général, comme par exemple lorsque l’on craint sérieusement l’idolâtrie ou le manque de respect envers les défunts, et surtout, quand cela concernait les non-musulmans enterrés dans les lieux saints de l’Islam, et ceci afin de ne pas glorifier des mécréants ayant combattu l’Islam et rejeté volontairement la foi.
Aussi, lorsqu’on demanda au Muftî shâfi’ite de La Mecque de son temps, l’Imâm Ahmad Ibn Hajar Al Haytamî dit dans ses Fatâwâ ul Fiqhiyyah (2/7) : « Étant donné que la tombe de l’un des Compagnons du Messager d’Allâh est abritée par un mausolée et que quelqu’un veut être enterré à côté d’elle, bien qu’il n’y ait pas suffisamment d’espace pour le faire, à moins de détruire une petite partie de ce mausolée, est-ce que cette destruction est autorisée ? Si vous considérez que ceci est permis, alors cela sera fait, mais si vous le considérez comme interdit, alors comment cela serait-il en accord avec ce qu’a dit As-Shâfi’î : « J’ai vu les gouverneurs de La Mecque ordonner la destruction des structures funéraires, ceci sans que les juristes ne lèvent la voie contre eux », l’Imâm Al Haytamî répondit à cela en disant : « Si ce mausolée est construit au sein d’un cimetière public, comme cela est habituellement le cas pour les lieux de sépultures d’ici, alors la destruction est justifiée et chacun est habilité à agir ainsi. Si, cependant, [le mausolée est construit] sur un terrain privé et non pas dans un cimetière public, alors personne n’a le droit de le détruire, par exemple si quelqu’un souhaite être enterré à côté, comme mentionné dans la question ».
Quant au fait d’accomplir des actes d’adorations d’Allâh au sein du mausolée, certains ignorants accusent ceux qui agissent ainsi d’être des idolâtres dépravés « qui adorent les tombes » (les « qubûri ») et aiment à citer le hadîth rapporté par Muslim où le Prophète Muhammad (ﷺ) dit : « Qu’Allâh maudisse (prive de Bénédictions particulières] les juifs et les chrétiens (qui sont tombés dans le shirk), ils ont fait des tombes de leurs Prophètes des mosquées ! ». Ils affirment donc qu’adorer Allâh à côté des tombes équivaut par exemple à imiter les chrétiens dans leur adoration des saints et de leurs tombeaux, oubliant par-là que jamais une seule personne se réclamant de l’Islâm et pratiquant des adorations près des tombes n’a déclaré que c’était une qiblah, qu’Allâh y serait enterré, ou bien que la personne enterrée posséderait une part de L’Essence d’Allâh ou de Ses Attributs, comme l’affirment les chrétiens pour Sayyidunâ ‘Îssâ (ﷺ) et leurs saints.
Et le Shaykh Shihâb ud Dîn Ibn Hajar Al ‘Asqalânî As-Shâfi’î, comme nous l’avions déjà cité précédemment en partie dans son Fath ul-Bârî (3/208) : « Etant donné que les juifs et les chrétiens prenaient les tombes de leurs Prophètes comme qibla pour les vénérer et qu’ils se tournaient vers eux au moment de leurs prières, leurs tombes prirent alors la place des idoles, c‘est pourquoi il fut proscrit aux musulmans d’agir ainsi. Cependant, si quelqu’un construit une mosquée aux côtés de la tombe d’une personne pieuse dans le but d’en rechercher la bénédiction (tabarruk) et non pour se prosterner devant ou s’en servir de qibla (direction pour la prière), il ne sera jamais concerné par cette interdiction ».
L’imâm Zayn ud Dîn Ibn Sumayt Al Hussaynî As-Shâfi’î a dit aussi dans Awjibât ul Ghâliyyah : « Les savants ont mentionné que ce hadîth parle de la prosternation sur les tombes et la prière exécutée dans leur direction avec l’intention de les révérer ; comme le font les juifs et les chrétiens lorsqu’ils se prosternent devant les tombes de leurs Prophètes et en font leur qibla en se dirigeant vers elles par révérence. Cela est clairement interdit. La prohibition [dans le hadîth] se trouve donc dans le fait de les imiter en se prosternant en direction des tombes, et ce n’est pas correct d’agir ainsi pour un musulman. Et nulle part on ne le trouve dans l’Islâm grâce à la parole du Prophète (ﷺ) : « Shaytan a désespéré d’être adoré par ceux qui prient. Cependant, il cherche à causer la dissension entre eux » Muslim, At Tirmidhî et Ahmad l’ont rapporté ».
Citons aussi le cas Marwân Ibn Al Hakam, alors gouverneur de Médine, vit un homme poser son visage sur le devant de la tombe du Prophète Muhammad (ﷺ). Il lui dit alors : « Vois-tu ce que tu es en train de faire ? ». Lorsqu’il s’approcha de ce dernier, il réalisa que c’était le Compagnon Abû Ayyûb Al Ansârî, qui lui répondit : « Oui, et je suis venu auprès du Prophète (ﷺ), et non d‘une dalle de pierre ! » (récit rapporté par Ibn Hibbân dans son Sahîh, Ahmad dans son Musnad 5/422, Al Hâkim dans Al-Mustadrak 4/515 qui l‘authentifia tout comme Ad-Dhahabî dans son authentification dans sa vérification du Mustadrak, par At Tabarânî dans son Mu’jam ull Kabîr 4/189, par Majd ud Dîn Ibn Taymiyya dans Al Muntaqâ’ 2/261, …).
C’est pourquoi l’imâm hanafite Hâfiz ud Dîn Abu-l-Barakât An Nasafî a dit dans son Madârik ut Tanzîl wa Haqâ’iq ut Ta’wîl concernant l’exégèse du verset cité plus haut : « « Ceux dont l’avis l’emporta », ce sont les musulmans et leurs autorités » qui dirent : « Élevons au-dessus d’eux », c’est-à-dire au-dessus de l’entrée de la caverne,« un sanctuaire » afin que les musulmans puissent y prier et y rechercher de la bénédiction (tabarruk) ».
L’imâm Shams ud Dîn Ad-Dhahabî As-Shâfi’î (qui était aussi un élève du Shaykh Ibn Taymiyya) a dit dans Mu’jam ush Shuyûkh (1/73 n°58) : « On interrogea Ahmad Ibn Hanbal sur le fait de toucher la tombe du Prophète (ﷺ) et de l’embrasser, et il ne vit rien de mal à cela. Son fils ‘Abdullâh rapporta cela de lui. Si on demande : « Mais pourquoi les Compagnons ne le faisaient pas [en général] ? ». Nous répondons : parce qu’ils le virent de leurs propres yeux de son vivant même, profitèrent directement de sa présence, baisèrent ses propres mains, ils se chahutaient presque les uns les autres pour accéder au reste de l’eau de ses ablutions [afin d’en obtenir la bénédiction], partageaient ses cheveux purs le jour du Hajj, et même lorsqu’il crachait, il tombait presque toujours dans la main de quelqu’un qui ensuite se l’essuyait sur le visage ! Puisque nous n’avons pas eu l’immense chance de vivre cela, nous nous précipitons vers sa tombe comme une marque d’engagement, de révérence et de soumission, et même pour l’embrasser. Ne voyez-vous pas ce que Thâbit Al Bunânî a fait, lui qui embrassa la main de Anas Ibn Mâlik et puis la plaça sur son visage en disant : « C’est la main qui a touché le Messager d’Allâh (ﷺ) ! » ? Les musulmans ne sont motivés sur cela que par leur amour intense éprouvé pour le Prophète, parce qu’ils ont l’ordre d’aimer Allâh et le Prophète (ﷺ) plus que leurs propres vies, leurs propos enfants, tous les êtres humains, leurs propres biens, ainsi que le Paradis et ses hûris. Et il y a même des croyants qui aiment aussi Abû Bakr et ‘Umar plus qu’eux-mêmes ! ». Cela vaut aussi pour ‘Alî, ‘Uthmân, Salmân et d’autres nobles compagnons, que les vrais croyants aiment plus qu’eux-mêmes, tout comme ils aiment l’ensemble des awliyâ et des ahl ul bayt vertueux plus qu’eux-mêmes !
Et concernant le hadîth du Sahîh Muslim où Sayyidunâ ‘Alî rapporta que le Prophète Muhammad (ﷺ) enseigna d’effacer les représentations graphiques et de niveler les tombes surélevées, cela concerne la tombe en elle-même et non pas ce qui se trouverait au-dessus ou à côté d’elle, et de plus, As Sayyid Al Amîr As San’ânî Al Hassanî a dit dans son Subul Us Salâm : « La vaste majorité (al jumhur) affirme que la prohibition de surélever et de plâtrer les tombes est une préférence (tanzîh) », c’est-à-dire que cela n’est pas une interdiction formelle (tahrîm) et ne relève pas du péché, et encore moins de l’idolâtrie.
La grande autorité de l’école malikite parmi les premières générations, il y a l’imâm Abû Muhammad Ibn Abî Zayd Al Qayrawânî qui a dit dans son traité de fiqh Ar Risâlah : « Il est déconseillé d’édifier quoique ce soit au-dessus des tombes, ainsi que de les plâtrer », et il dit cela dans son contexte à lui qui plus est.
Une autre autorité dans l’école malikite, l’Imâm Khalîl Ibn Ishâq a dit dans l’ouvrage célèbre intitulé Al Mukhtasar : « Il est déconseillé […] de construire quelque chose au-dessus et autour de la tombe, mais cela est considéré comme interdit si la cause qui nous pousse à le faire n’est que pure vanité. Quoiqu’il en soit, il est permis d’utiliser, pour distinguer la tombe, une chose telle qu’une pierre ou une planche de bois, mais sans toutefois y graver quelque chose ».
Parmi les références hanafites, il y a l’imâm Abû-l-Ikhlâs As-Shurunbûlâlî qui a dit dans son Nûr ul Îdâh : « Il est interdit de construire des monuments directement sur les tombes pour les embellir, et il est déconseillé d’édifier une construction en dur après l’avoir enterré. Il est toléré d’écrire quelque chose sur la tombe afin de la reconnaître. Il ne faut pas la laisser s’abîmer ».
Il est donc déconseillé d’agir ainsi si l’on craint un gaspillage d’argent, – car les priorités exigent de penser aux pauvres et aux opprimés d’abord -, la vanité ou la rivalité, mais non pas parce que cela serait grave ou car cela serait identifié à de l’idolâtrie. Cela est corroboré par la parole prophétique rapportée dans le Sahîh Al Bukhârî, où le Messager d’Allâh (ﷺ) a dit : « Je jure par Allâh que je n’ai pas peur que l’idolâtrie (grossière) vous touche après moi, mais ce que je crains est la rivalité entre vous ».
L’imâm shâfi’ite Ibrâhîm As-Shaghûrî résuma bien le sujet en accord avec les 4 écoles de jurisprudence sunnite en disant dans son The Defense of the Sunnah : « Concernant ce que les 4 écoles de jurisprudence ont statué, cela peut être résumé comme suit :
- Construire des structures autour des tombes est en soit quelque chose de permis. Cela devient déconseillé (makrûh) si la structure est directement sur le dessus de la tombe ou si la structure l’encerclant prend trop d’espace et fait qu’il y a moins de place pour l’enterrement d’autres musulmans [dans un cimetière public, tandis qu’il n’y a aucun mal à cela sur un terrain privé].
- Cela devient très détesté voir même interdit si l’intention basant l’édification de la structure est de s’exposer [aux yeux des gens] ou de rivaliser avec d’autres, ou bien encore si cela engendre un gaspillage d’argent et de ressources. Ceci étant, si l’intention est simplement de la distinguer des autres tombes, alors cela est permis.
- Aussi, dans chaque école de jurisprudence, on peut trouver une exception de faite [vis-à-vis de la détestation classique] pour ce qui concerne les vertueux et les érudits, pour lesquels il est permis d’édifier des structures autour de leurs tombes, comme le prouvent les faits historiques où l’on voit que chaque génération en Islâm édifia de telles structures sans les détruire à posteriori (comme par exemple le mausolée de l’Imâm As-Shâfi’î au cimetière al qarâfah du Caire).
[Les 4 écoles de jurisprudence sunnite] ont également déclaré que toute structure déjà construite autour d’une tombe ne devrait pas être nivelée, hormis si elle se trouve dans un cimetière public. Aucun des savants des écoles de jurisprudence n’a mentionné que la détestation [ou l’interdiction de d’édifier des structures au sein de cimetières publics] était due au fait que cela puisse être une passerelle vers le polythéisme. Et si tel était le cas, ils ne se seraient jamais contentés de dire que cela était [seulement] détesté et n’auraient pas fait de différence entre les terrains publics et privés [mais plutôt ils auraient purement et simplement interdit totalement ce genre d’édifications] ! ».
D’après ‘Aîsha (qu’Allâh l’agrée), le Prophète Muhammad (‘alayhî salât wa salâm) a dit : « Casser un os d’un mort est comme le casser alors qu’il est vivant » (Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunan n°3207).
Les défunts ont un droit et leur faire violence constitue un grand péché et un énorme problème sur le plan des convenances. Allâh renvoie leur âme dans leur dépouille lorsque des visiteurs viennent à eux pour les saluer, leur demander d’intercéder auprès d’Allâh ou leur adresser des paroles diverses. On déduit de ce hadîth aussi qu’il est interdit de leur causer du tort de même qu’ils méritent le respect, car ils sont vivants selon une autre modalité existentielle. Tout comme on devait les honorer avec humilité et sans idolâtrie de leur vivant ici-bas, il faut respecter leur mémoire et leur droit aussi lorsqu’Allâh les fait passer de l’état existentiel physique de ce bas-monde à un autre état existentiel.
Un hadîth authentique dit : « Lorsqu’un individu passe près de la tombe d’un individu qu’il connaît et le salue, le défunt lui renvoie la salutation et le reconnaît. Et lorsqu’il passe près de la tombe d’un individu qu’il ne connaît pas et le salue, celui-ci lui renvoie la salutation ». Ibn al-Qayyim dans son Kitâb ar-Rûh rapporte plusieurs ahadiths à ce sujet.
D’après ‘Aîsha (qu’Allâh l’agrée), le Prophète Muhammad (‘alayhî salât wa salâm) a dit : « Aucun homme ne visite la tombe de son frère coreligionnaire et s’assied auprès d’elle sans que le mort ne se réjouisse de sa compagnie, jusqu’à ce qu’il le quitte » (rapporté par Ibn Abî al-Dunya).
Abû Hurayra a rapporté que le Prophète Muhammad (‘alayhî salât wa salâm) a dit : « Tout homme qui passe par une tombe et salue son habitant, il lui rend le salut même s’il ne le connaît pas » (rapporté par Ibn Abd al Bar qui a authentifié ce hadith).
C’est aussi Allâh dans le Qur’ân qui parle des vestiges qu’Il a laissé, pour que l’on médite sur cela.
« Que ne parcourent-ils la Terre pour voir ce qu’il est advenu de ceux qui les ont précédés ? Bien que l’emportant sur eux par le nombre, la puissance et les vestiges qu’ils ont laissés sur la Terre, ils n’ont pu, malgré tous ces moyens, échapper à leur perte, car, lorsque leurs prophètes venaient les prêcher avec des preuves évidentes à l’appui, ils se prévalaient de la science qu’ils détenaient. Mais les menaces dont ils se moquaient les assaillirent de toutes part » (Qur’ân 40, 82-83).
Les quelques mouvances wahhabites qui s’évertuent à détruire des tombes et des mausolées, ainsi que des sites archéologiques du monde musulman, ne respectent pas les principes islamiques en la matière. En effet, à part les statues adorées à la Mecque et à Médine qui ont été détruites car les gens étaient devenus musulmans, et qu’il n’y avait aucune utilité et qu’elles étaient présentes dans les deux lieux saints de l’Islam, ne sont pas du tout comparables aux tombes et aux mausolées des pieux, et qui sont gratifiés de la Barakâ d’Allâh. De même, les anciens vestiges qui ne sont plus adorés en soi en dehors d’Allâh, et qui ne sont là que pour la connaissance historique, ne doivent pas être détruits. Là où des destructions violentes ont été causées volontairement par des groupuscules extrémistes, le chaos, la violence, l’apostasie et les malheurs se sont abattus dans ces zones. S’en prendre aux pieux et saints d’Allâh, qui sont bénis et dépositaires de la Barakâ Divine, engendre forcément des tragédies, mais ils manquent de clairvoyance pour percevoir tout cela !
Parmi les vertus de distinguer les tombes des pieux selon les savants, il y a :
- Méditer sur leur piété et se souvenir de leur bel exemple
- Manifester la beauté de l’islam et de son art afin de distinguer la civilisation islamique des autres
- Honorer les pieux qui fait partie des enseignements islamiques
- Préserver l’héritage du patrimoine islamique et la revivifier dans la conscience des musulmans.
- Permettre à ceux qui veulent prier pour elle ou lui offrir des bonnes actions (prières, dhikr, lectures qurâniques, dialoguer avec eux, etc.) de le faire sans subir les vicissitudes du climat (pluie, vent, rayons du soleil, etc.)
- Protéger la tombe des intempéries et des ravages du temps
- Protéger sa tombe en en fermant l’accès lors de la nuit tombée (et même de manière constante lorsque la situation l’exige) contre les fanatiques, les débauchés ou les gens trop enthousiastes qui ne respecteraient pas les règles de bienséances.
Quant aux risques d’idolâtrie, elles ne dépendent pas de l’élévation ou de la beauté des monuments, – sinon les mosquées dépassant le niveau du sol auraient été prohibées ! – mais des mentalités ignorantes qu’il faut éduquer, et leur enseigner l’importance du Tawhîd et des règles de bienséance dans leur vénération des choses sacrées de l’Islam.
Il
ne faut pas tomber dans l’extrême où des gens ne se soucient même plus de la
souffrance et de la misère qui touchent les pauvres, les opprimés, les veuves
et les orphelins, mais qui pleurent et ne protestent que lorsque des mausolées
ou des édifices particuliers sont détériorés ou détruits (à cause d’une guerre
ou autre), – même si cela est triste et douloureux – ! Le juste milieu est
de respecter les défunts et de les honorer, tout en soutenant les pauvres et
les opprimés de notre époque. Négliger l’un ou l’autre serait déformé et négligé
l’Islam dans certains de ses aspects !
Et Allâh est le plus Savant sur toute chose.
Réponse aux calomnies de prédicateurs wahhabites au Soudan contre les Sûfis – :
[…] plus de preuves islamiques sur le sujet, voir l’article suivant : https://editions-hanif.com/le-wahhabisme-et-la-question-des-mausolees-et-de-lelevation-des-tombes/ et sur le Tabarrûk : […]