En Islam, l’être humain est défini comme étant un être responsable devant le Divin aussi bien qu’à l’égard des communautés humaines et de l’ensemble des êtres et de l’environnement sur terre. Sur le plan de la Volonté Divine universelle, l’humain reste malgré tout libre d’agir comme bon lui semble (tendant aussi bien vers le meilleur que vers le pire). Mais sur le plan de la Volonté Divine normative, il y a des actes qui sont encouragés ou tolérés, tandis que d’autres ne le sont pas.
La preuve de la fonction particulière de l’humain sur terre se mesure à ses capacités conceptuelles, à sa maîtrise des outils techniques et pratiques qui lui permettent de changer fondamentalement ses conditions matérielles et sociales. Les activités humaines peuvent également modifier radicalement le sort des autres espèces et peut aller même jusqu’à détruire l’environnement et causer des catastrophes planétaires en raison de ses mauvaises actions sur terre.
L’espèce humaine occupe ainsi un rôle central, de même qu’elle est probablement la seule à sombrer dans les dérives les plus délirantes, en ce sens que dans le règne animal par exemple, nous n’assistons pas à des débats idéologiques ou philosophiques interminables sur tel ou tel sujet, de même que les animaux ne sombrent pas dans les déséquilibres mentaux allant jusqu’à s’inventer de nouvelles identités sexuelles fictives qui ne correspondent en rien à des structures biologiques et physiologiques du réel.
Or, quand l’humain est conscient de lui-même et de la dignité qui le caractérise quand il est encore imprégné de transcendance, son attitude change et il devient plus responsable, prenant soin de bien cultiver son esprit, de purifier son âme, d’adopter un bon comportement, de préserver au maximum son corps et sa santé physique, et de se surpasser soi-même en vue de réaliser des objectifs nobles afin de tendre le plus possible vers le Divin.
L’humain ne peut donc être libre dans le sens noble du terme, que s’il mène sa vie de façon intelligente, sage, en respectant à la fois le Divin, l’humanité, les êtres vivants et les autres éléments de la Création. En dehors des contraintes physiques, la liberté ne peut se manifester que dans la puissance intellectuelle des êtres, et leur détachement des illusions mentales, des attaches matérielles et de l’asservissement des vices. La pratique spirituelle au sein d’une tradition religieuse effective (ici l’Islam) permet justement de s’en détacher, et donc de réaliser intérieurement la liberté spirituelle de l’être, l’émancipant ainsi des contraintes mentales, matérielles et psychologiques. Cela a été prouvé par l’expérience à toutes les époques, y compris la nôtre.
A quoi renvoie donc le concept de « liberté » dans la modernité ?
Dans les faits, il ne s’agit que de pouvoir concrétiser tous les désirs psychologiques et sexuels qui ne sont finalement, que des vices et des pulsions bestiales qui conditionnent l’humain à s’enchainer de lui-même dans des pratiques nocives, malsaines et indignes, au point de causer du tort à ses proches, à lui-même et même aux autres créatures. Par orgueil, certains vont même jusqu’à renier le Divin qui a créé l’existence et donc même ce que l’on qualifie de « vie » et de « liberté ».
Comme le rappelait le défunt Titus Burckhardt, dans son ouvrage Introduction aux doctrines ésotériques de l’Islam : « La liberté étant partout ce qu’elle est, c’est-à-dire sans contrainte interne, on peut dire que l’homme est libre de se damner, de même qu’il est libre de se jeter dans un abîme, s’il le veut ; cependant, dès que l’homme passe à l’action, la liberté devient illusoire dans la mesure où elle va contre la vérité : celui qui se jette volontairement dans un abîme se prive par là même de sa liberté d’agir. Il en va de même pour l’homme à tendance infernale : il devient l’esclave de son choix, tandis que l’homme à tendance spirituelle s’élève vers une plus grande liberté. d’autre part, puisque la réalité de l’enfer est faites d’illusion, – car l’éloignement de Dieu ne peut être qu’illusoire -, l’enfer ne saurait exister éternellement à côté de la Béatitude, bien que, selon sa propre vision, sa fin ne puisse pas se concevoir ; c’est là l’éternité à rebours des états de damnation. Ce n’est donc pas sans raison que les Soufis insistent sur la relativité de toute chose créée, et affirment que le feu de l’enfer se refroidira après une durée indéfinie ; tous les êtres seront finalement résorbés en Dieu. Quoi qu’en pensent certains philosophes modernes, la liberté et l’arbitraire se contredisent ; l’homme est libre de choisir l’absurde, mais il n’est pas libre en tant qu’il le choisit ; la liberté et l’acte ne coïncident pas dans la Créature ».
La liberté qûranique ne peut exister que dans l’élévation spirituelle et donc l’anoblissement du caractère, s’accompagnant d’une conscience accrue du Divin et du monde, et s’émancipant ainsi des vices, des péchés et des conditionnements socioculturels divers.
Dans sa conception moderne, cela consiste à laisser libre cours à tous les vices et à toutes les croyances les plus farfelues et irrationnelles, entrainant de nombreux fléaux et déséquilibres à la fois physiologiques et psychiques. Les nombreuses crises et les catastrophes planétaires causées en grande partie par les êtres humains en sont la preuve éclatante.
La liberté s’inscrit donc dans l’Islam comme étant la préservation de la vie, de la dignité et de la spiritualité, tandis que dans le paradigme humaniste, cela ne s’inscrit que dans les activités nocives qui dégradent la vie et obscurcissent l’esprit et l’âme.
Comme l’avait enseigné le grand savant et maître spirituel Al-Qushayrî dans sa Rissâlah Al-Qushayriyyah : « Et sache que la réalité profonde (Haqîqah) de la Liberté (Hûriyyah) réside dans la perfection de la Servitude (‘Ubudiyah) (à l’égard d’Allâh), si tu es véridique envers Allâh dans ta Servitude pour Lui, tu te débarrasseras de l’esclavage des créatures en toute liberté ». L’exigence morale, l’accomplissement des rites exotériques et la méditation de la Parole Divine, ne sont que des supports qui conduisent le cheminant à se libérer de la dépendance des créatures, au conditionnement social qui l’entoure, et des vices qui l’asservissent au quotidien.
La liberté n’a aucune valeur si elle ne participe pas à l’épanouissement spirituel et social de l’Humain, si elle ne s’enracine pas dans la connaissance et la conformité au Réel (l’harmonie avec les structures mentales et biologiques par exemple), et si elle n’est pas tournée vers ce qui élève l’humanité de sa condition purement terrestre et « bestial ». Dans le cas contraire, on ne devrait ni ne pourrait parler de « liberté » mais de « destruction » et de « stupidité ». A chacun, dès lors, de choisir entre la voie qui purifie et élève l’être, ou la voie qui le corrompt et qui menace sa dignité au plus profond de son être.
En comprenant ce qui a été dit ici, les gens se rendront compte ainsi des nombreuses absurdités et oppositions superficielles de notre temps, qui se répandent à travers les idéologies modernes que leurs idéologues essaient d’imposer à toutes les sociétés humaines, alors même que leurs méfaits sont visibles partout.