Un célèbre hadith dont le statut a été authentifié, laisse un certain nombre de personnes perplexes, ne sachant pas comment le comprendre. Le hadith « Allâh a créé Adam selon Sa Forme » (1) ne doit évidemment pas s’interpréter dans un sens anthropomorphiste, car ce qui est équivoque doit toujours se comprendre à la lumière de ce qui est univoque, surtout dans le Qur’ân, et dont le Tawhîd – pilier central dans l’Islam – consiste notamment à dépouiller Allâh de toutes modalité et limitation de nature physique. Allâh dit en effet : « Il n’y a rien (parmi les choses créées) qui Lui ressemble ; et c’est Lui l’Audient, le Clairvoyant » (Qur’ân 42, 11).
L’exégète, juriste, logicien, muhaddith, historien, scientifique, théologien et linguiste Fakhr ud-Dîn ar-Râzî (m. 606 H) a commenté ce verset en précisant ceci dans son Tafsîr al-Kabîr (27/151) : « Les savants du Tawhîd par le passé et par le présent ont retenu cette âyah comme argument pour nier le fait que Allâh ta’âlâ soit un corps composé d’organes et de parties étant dans un endroit et une direction. Ils ont dit s’Il était un corps Il aurait été semblable à tous les corps et ceci implique qu’Il aurait des semblables et des ressemblants à Lui, or ceci est faux du fait même du Texte explicite de Sa Parole ta’âlâ : « Rien n’est tel que Lui (ou : rien ne Lui ressemble) » ».
Cet autre verset réfute la conception selon laquelle Allâh serait doté d’un corps (composite) : « Seule subsistera La Face de ton Seigneur » (Qur’ân 55, 27), la « Face » ayant désigné Son Essence, Sa Majesté et d’autres qualités comme l’ont rapporté et commenté des exégètes et savants comme At-Tabarî, Fakhr ud-Dîn ar-Râzî, Al-Qurtûbî, Ibn Kathîr, l’émir ‘Abd al-Qâdîr, etc., en se basant aussi sur la position d’éminents Salafs.
Ainsi, tout verset qurânique et tout hadith authentifié, dont le sens apparent pourrait impliquer une conception physicaliste ou « imparfaite » du Divin n’est pas à prendre au sens apparent, et le sens voulu est différent de l’interprétation physique (qui est une interprétation, en forçant détournant le sens voulu par une approche littéraliste, là où l’approche littérale peut comporter plusieurs sens complémentaires tout en excluant certains autres sens, jugés inappropriés ou impossibles selon le contexte).
Pour en revenir au hadith, il peut ainsi se comprendre de différentes manières, mais excluant toute l’interprétation physique, en ce sens que le Qur’ân réfute toute interprétation anthropomorphiste et physicaliste. Cependant, l’Homme synthétise les Noms divins à son échelle, c’est-à-dire de façon limitée et relative, mais les reflètent à son niveau, comme les attributs et noms liés à Ses qualités comme la miséricorde, la puissance, la vie, la science, l’existence, la force, la bienfaisance, la générosité, etc., qualités qui n’impliquent pas de ressemblance dans la forme ni dans l’intensité (Allâh les possédant en propre et sans limitation, contrairement aux créatures, qui ne les ont que de façon empruntée puisque c’est Allâh qui nous communique Ses qualités à notre niveau, et sans que nous puissions les maitriser ; ainsi, tout comme Allâh nous communique et nous gratifie de certaines qualités, Il le fait aussi pour notre existence, totalement dépendante de Son Vouloir).
Notre relation à Lui est le reflet de la façon dont on Le perçoit, et Il nous traitera selon la façon dont nous L’envisageons et dont on aura traité Ses créatures. Ainsi, celui qui vit dans l’Amour, la justice, la sagesse, la connaissance, la bienfaisance, la miséricorde et la générosité, sera ressuscité de cette manière – fruit de Sa Miséricorde -, alors que celui qui aura vécu en tant qu’oppresseur, injuste, dénégateur et orgueilleux, sera ressuscité selon ses propres dispositions ici-bas ; sauf Pardon divin.
Notes :
(1) Rapporté par plusieurs voies, dont celle d’Abû Hurayra comme al-Bukharî dans son Sahîh n°6227 et par Muslim dans son Sahîh n°2841, par Ibn ‘Umar comme l’a rapporté Ibn Abi ‘Âsim dans As-Sunnah n°517 à travers une chaine sahîh mais avec la variante « à l’image du Tout-Miséricordieux ». Abû Hâmid al-Ghazâlî, Ibn ‘Arabî et Al-Jilânî ont authentifié aussi le hadith par kashf, en excluant l’interprétation physicaliste.