Le Prophète Jésus (Paix sur lui) a-t-il réellement existé ?

Il est courant de lire encore de la part de certains auteurs athées et/ou antichrétiens, d’affirmer sans preuve que Jésus n’a jamais existé réellement, et qu’il serait plutôt un concept uniquement. Or, les dernières recherches archéologiques et historiques – sans même parler de la confirmation des dévoilements spirituels – concluent à son existence, et les éléments matériels et historiques ne fournissent aucune donnée justifiant sa négation ; il n’y a donc aucun argument en faveur de son inexistence.

D’un point de vue historique, de nombreux éléments (sources diverses, artefacts archéologiques, témoignages d’époque, etc.) indépendants les uns des autres, convergent vers l’existence d’une personne appelée Jésus, au centre d’un mouvement religieux et social.

Des sources chrétiennes et non-chrétiennes des 2 premiers siècles parlent en effet de la même personne (1), y compris des auteurs proches du pouvoir qui étaient hostiles au Christ et à ses disciples.

Et même s’il n’aurait existé que des sources chrétiennes, cela serait suffisant pour attester de son existence, puisqu’aucune raison suffisante n’aurait plus expliquer l’invention d’un personnage humain imaginaire, puisque les inventions sont souvent le fruit d’une volonté d’une personne réelle pour obtenir le pouvoir politique, religieux ou social. Par ailleurs, certains personnages, ne fréquentant que les gens de leur communauté, auraient suffi à ce que les autres groupes n’en parlent pas.

Par ailleurs, tout mouvement politique, religieux ou social suppose forcément l’existence d’un fondateur (ou de co-fondateurs), et ce peu importe la façon dont il a été nommé par les autres.

Mentionnons aussi la découverte de l’ossuaire de Silwan, également appelé « ossuaire de Jacques », en 2002, une urne funéraire identifiée en Palestine. Il porte une inscription lue « Jacques fils de Joseph frère de Jésus », rédigée en araméen. Tout comme l’ossuaire, cette gravure est datée du Ier siècle.

L’étude archéo-géologique sur cet ossuaire la plus récente, dirigée en 2020 par Aryeh E. Shimron, indique qu’il pourrait provenir du tombeau de Talpiot (2).

En 2002, l’ingénieur Oded Golan, l’un des plus grands collectionneurs privés d’antiquités en Israël, invite l’épigraphiste français de renommée internationale André Lemaire à parcourir sa collection. À la suite de cette visite, en octobre 2002, André Lemaire rend publique l’existence d’un ossuaire en calcaire du Ier siècle de notre ère (3) qui, selon lui, aurait probablement contenu les ossements de Jacques le Juste, le frère de Jésus de Nazareth (4).

Selon la dernière version des conditions de l’acquisition de cet artéfact donnée par Oded Golan, le collectionneur l’aurait acheté en 1975 à un marchand de la vieille ville de Jérusalem qui lui aurait indiqué une zone de provenance dans les environs de Silwan (5), ce qui serait compatible avec le témoignage d’Hégésippe qui indique que Jacques a été enterré à l’endroit même où il est mort, après avoir été précipité du pinacle du Temple.

Bien que certains aient douté de son authenticité, la majorité des experts et chercheurs (archéologues, historiens, épigraphistes, exégètes, etc.) le considèrent comme authentique (6).

Sa forme est trapézoïdale : sa base est plus étroite que sa partie haute. Les dimensions maximales de cet ossuaire sont, officiellement, de 56 x 26 x 30 cm. On note des traces d’une peinture rouge qui a été appliquée comme il était alors d’usage. Surtout, l’ossuaire comporte une inscription en araméen, la langue courante de la Palestine à l’époque de Jésus:  « Ya’akiv bar Yosef akhui di Yeshua » ce qui signifie « Jacques, fils de Joseph, frère de Jésus ». D’après André Lemaire, l’analyse de la graphie de cette inscription correspond à cette période des 2 premiers tiers du 1er  siècle, la forme cursive du aleph, dalet et yod pouvant constituer un indice en faveur d’une datation plus proche de 70 que du tout début de notre ère.

Comme le rapporte Pierre-Antoine Bernheim dans son ouvrage Jacques, frère de Jésus (éd. Albin Michel, 2003, p. 8) : même si les noms de Jacques, Joseph et Jésus pouvaient être courants à l’époque, selon les calculs d’André Lemaire, pendant les sept premières décennies du Ier siècle, Jérusalem ne devait pas avoir compté plus de vingt individus appelés Jacques et simultanément fils d’un Joseph et frère d’un Jésus. En revanche, il était très inhabituel de mentionner le nom d’un frère sur un ossuaire après celui du père : il n’existe qu’un seul autre cas de cette pratique, ce qui suggère que ce frère était un personnage important, d’autant plus que les inscriptions sur les ossuaires étaient rares.

L’archéologue israélien Levi Yitzhak Rahmani (m. 2013), dans la publication de son inventaire des ossuaires conservés dans les collections publiques israéliennes, A Catalogue of Jewish Ossuaries in the Collection of the State of Israel (7), indique qu’en moyenne seuls 25,2 % des ossuaires découverts portent une inscription (231 ossuaires sur 917 recensés à date en 1989 au moment de la collecte des données pour son livre). Un pourcentage qui progresse à 30 % dans les travaux d’Hannah M. Cotton qui recense, quant à elle, environ 2 000 ossuaires connus, dont plus de 600 sont inscrits (8), qui proviennent d’environ 900 tombeaux (9).

En 2005, le professeur Camil Fuchs, statisticien à l’université de Tel-Aviv, reprend le dossier de l’onomastique de l’ossuaire de Silwan et examine dans un article la prévalence des noms d’individus juifs masculins décédés à Jérusalem au premier siècle de notre ère. Fuchs détermine qu’il est possible d’établir avec une très forte probabilité, proche de 99 %, qu’entre les années 45 et 70 de notre ère, pas plus d’un juif adulte de sexe masculin portant le nom de Jacques, dont le père s’appelait Joseph et le frère Jésus a vraisemblablement vécu à Jérusalem. Il constate que le nombre attendu est inférieur à deux (1,71 précisément) et, bien que le nombre réel soit incertain, même avec un taux de confiance de 96 %, il ne dépasserait pas quatre individus. L’ossuaire de Jacques désigne donc probablement un individu unique au sein de la population vivant à Jérusalem à l’époque. Camil Fuchs souligne également qu’il est très rare que le frère du défunt soit mentionné dans une inscription sur un ossuaire. De tous les ossuaires connus en 2005 au moment de la rédaction de son article, le frère du défunt n’est cité que dans un seul autre cas. Dans un autre cas, c’est le fils du défunt qui est cité. Fuchs conclut : « Il n’y a guère de doute que cela [nommer un frère ou un fils] n’a été fait que lorsqu’il y avait une raison très significative de se référer à un membre de la famille du défunt, généralement en raison de son importance et de sa célébrité » (10).

Plus généralement, les inscriptions sur les ossuaires qui en possèdent une contiennent habituellement un nom et un identifiant « fils de… ». Sur l’ensemble des ossuaires connus portant des inscriptions, un seul autre contient l’inscription « frère de… » Il date également du premier siècle et porte l’inscription « Shimi, fils d’Asaiah, frère de Hanin ». Craig A. Evans note : « Il a été suggéré que la mention du frère du défunt implique probablement que le frère était bien connu, probablement beaucoup plus connu que le défunt ou son père ». Evans poursuit en évoquant la possibilité que ce Hanin ait été le « célèbre Hanin, dont les fils étaient connus pour approvisionner Jérusalem en animaux de sacrifice » (11). De même, dans l’Antiquité, le Jacques biblique était également identifié par sa relation avec son frère plus célèbre, Jésus de Nazareth (cf.cf. Ga 1,19 ainsi que Ac 15,13-21 et l’Histoire ecclésiastique (ἐκκλησιαστικῆς ἱστορίας) d’Eusèbe de Césarée.

Une réponse a été apportée à certains spécialistes qui pensaient y voir une contrefaçon lors de leur analyse. Ainsi, James Harrell, professeur de géologie archéologique à l’Université de Toledo, a fourni une explication à cette divergence de δ18O. Il a suggéré qu’un nettoyant, que les marchands d’antiquités et les collectionneurs utilisent souvent pour nettoyer les artéfacts afin d’en augmenter la valeur, pourrait être à l’origine des faibles valeurs de δ18O. Il a testé le nettoyant le plus populaire vendu en Israël et a confirmé que la valeur δ18O du nettoyant correspondait à la valeur δ18O de la patine dans l’inscription. Une étude ultérieure utilisant un isotope différent a également mis en évidence que les valeurs δ13C de la patine de surface et de la patine de l’inscription étaient presque identiques (12).

De même, les spécialistes et épigraphistes André Lemaire et Ada Yardeni maintiennent leur avis en faveur de l’authenticité de l’ensemble de l’inscription et ont répondu en détail aux nombreuses questions relatives à son authenticité. Quant à l’épigraphiste français Émile Puech, s’il ne partage pas l’avis d’André Lemaire d’un lien avec Jésus de Nazareth – mais comme on l’a vu il s’agit probablement bien de Jésus de Nazareth -, explique que : « Concernant l’authentification de l’inscription, je fais confiance à Ada Yardeni, l’excellente paléographe qui en a fait la transcription » (13).

L’historien, doctorant, spécialiste de l’archéologie biblique et chercheur Sylvain J.G. Sanchez, résumait l’importance de cette découverte : « En effet, en dehors des documents écrits, très rares sont les attestations archéologiques authentifiant la présence de Jésus sur la terre d’Israël au Ier siècle de notre ère. Jusqu’à présent, les vestiges anciens mis au jour ne concernaient pas le Christ à proprement parler mais le contexte historique de l’époque: le socle d’une statue découverte en 1961 dans le théâtre de Césarée maritime et portant les noms de Tibère et de Ponce Pilate; les fouilles de Capharnaüm décrivant l’habitat des pêcheurs de Galilée; la tombe d’un crucifié, dont les pieds étaient encore transpercés par un clou, en 1968, quand elle fut exhumée par des chercheurs israéliens; le tombeau du grand prêtre Caïphe mis au jour en 1990.

Cette nouvelle découverte de 2002 est donc une grande première dans le champ des études bibliques. Elle a fait l’objet d’une couverture médiatique internationale alimentant le bavardage de journaux de toutes sortes. L’information a été communiquée officiellement le lundi 21 octobre 2002 lors d’une conférence de presse à New York. De nombreux journaux et revues ont diffusé l’événement (Christianity Today, Time, Science et Médecine, Ha’aretz, Sciences et Avenir, L’Hebdo, International Herald Tribune…). A Toronto (Canada), lors du colloque annuel de la Society of Biblical Literature (abrév. SBL), les 23 et 24 novembre, plusieurs spécialistes se sont exprimés sur la question avec A. Lemaire. Les grands quotidiens français, la radio et la télévision ont donné aussi leur son de cloche: Libération, L’Humanité, Le Figaro,Le Monde, LCI/TF1, France-Inter… (…) » (14).

Quant à l’hypothèse d’une contrefaçon, celle-ci est écartée par de nombreux spécialistes comme Hershel Shanks : « Si un faussaire moderne avait commis cette exaction pour une poignée de dollars, il aurait pu prendre un ossuaire vierge; de plus, il aurait été vraiment stupide de ne pas partir de zéro tellement l’écriture semble uniforme et cohérente […] Enfin, ce faussaire aurait su contrefaire la patine au point que la falsification ne fût pas perceptible aux yeux du chercheur expérimenté.. Tout ceci est possible mais extraordinairement peu plausible » (15).

Comme souvent, les découvertes archéologiques, historiques ou scientifiques qui remettraient potentiellement en cause des théories ou critiques dominantes sur la biologie, l’histoire, la religion ou la physique, font souvent l’objet de vives polémiques et même de beaucoup de malhonnêteté et de manque de transparence dans les milieux universitaires.

L’historien, chercheur et spécialiste du Nouveau Testament et du contexte juif de l’époque Pieter Willem van der Horst souligne pour sa part, dans un ouvrage paru en 2015, que l’Autorité des antiquités d’Israël (AAI) « a nommé presque exclusivement des membres du comité qui avaient déjà exprimé ouvertement leur opinion selon laquelle l’inscription était un faux » et n’a nommé personne ayant une position contraire, comme André Lemaire :  « Tout d’abord, il est étrange que le directeur de l’IAA, Shuka Dorfman, ait nommé presque exclusivement des membres de la commission qui avaient déjà exprimé des opinions tranchées sur le fait que l’inscription était un faux avant qu’ils ne deviennent membres de la commission. En outre, il est pour le moins curieux que les rapports des géologues du GSI [Geological Survey of Israel] et du ROM [Musée royal de l’Ontario] ne soient même pas mentionnés par eux et que les arguments contenus dans ces rapports ne soient abordés nulle part » (16). En outre, il note que, bien que l’AAI ait donné pour instruction à chaque chercheur du comité de s’en tenir à sa propre discipline, cette directive a finalement été ignorée. Il pointe par ailleurs que les membres des commissions ont précisé que leurs conclusions ne constituaient pas une étude scientifique à proprement parler, et qu’une publication en adéquation avec les standards académiques en usage devrait être réalisée. Ce qui n’a jamais été fait : « (…) ce qui est sûrement le plus curieux, les membres de la commission affirment que leur rapport n’est pas encore « définitif » et qu’il faudrait attendre qu’il soit publié dans une revue scientifique. Il est explicitement indiqué que le rapport n’est pas un « article scientifique », alors que l’AAI avait justement demandé une étude scientifique finale. Autrement dit, les détails nécessaires pour pouvoir évaluer l’argumentation nous sont cachés, et cela dans un rapport qui aurait dû être le dernier mot de l’AAI sur la question. C’est une façon tout à fait étrange d’aborder une question aussi controversée ».

Pieter van der Horst souligne également la faiblesse des avis académiques rendus à titre individuel par les experts membres des commissions :

« Amos Kloner, archéologue, estime que l’inscription semble plutôt récente et que le faussaire a tenté de créer un air d’authenticité en imitant des exemples anciens. Ces affirmations ne sont étayées par aucune preuve ni aucun argument. Comme le dit justement André Lemaire, sur la base d’un tel raisonnement, d’innombrables inscriptions de l’antiquité peuvent être rejetées comme des faux, car beaucoup d’entre elles ont été si bien conservées qu’elles semblent avoir été faites récemment (et il n’est pas nécessaire d’être archéologue ou épigraphiste pour le confirmer). L’argument de Kloner selon lequel les proches de Jésus n’auraient pas pu avoir de tombeau à Jérusalem parce qu’ils n’en étaient pas originaires est on ne peut plus boiteux. Il est très probable que les parents de Jésus qui ont rejoint la première communauté chrétienne soient venus vivre à Jérusalem, certainement son frère Jacques qui devint rapidement le chef de la communauté.

Tal Ilan, experte dans le domaine de l’onomastique juive et des études consacrées aux femmes, reconnaît qu’elle n’est pas experte en épigraphie et que, pour cette raison, elle a dû s’appuyer sur les avis d’autres experts, ce qui est en contradiction flagrante avec la ligne directrice selon laquelle « chaque érudit doit travailler dans sa propre discipline ». Néanmoins, elle soutient le jugement épigraphique selon lequel les mots « frère de Jésus » sont un ajout postérieur, car ces lettres sont plus cursives que les autres, qui sont dans un style plus formel. Cependant, apparemment parce que d’autres membres du comité considèrent les mots précédents (« Jacques, fils de Joseph ») comme un ajout à l’inscription (authentique) « frère de Jésus », Ilan dit curieusement plus loin que le faussaire a mis la main sur un ossuaire avec la phrase authentique « frère de Jésus » (qui aurait pu être n’importe qui) et a ajouté les mots « Jacques, fils de Joseph », une déclaration curieuse qui ne concorde pas avec ce qu’elle a dit en premier lieu. Elle concède cependant que lorsqu’elle a vu l’inscription pour la première fois, avant que la controverse n’éclate, elle n’y a rien trouvé de suspect ! Mais même si l’inscription était authentique, dit Ilan, il n’y a aucune raison de supposer qu’elle se réfère au frère de Jésus dans le Nouveau Testament. En effet, il pourrait y avoir au moins dix autres personnes portant le nom de Jacques, dont le père s’appelait Joseph et le frère Jésus (elle ne mentionne pas le fait que d’autres sont parvenus à des estimations beaucoup plus basses, entre 2 et 5 personnes). Une maladresse très curieuse est son affirmation que les graphies des noms Jacob avec un waw et Joseph sans he (resp. yʿqwb au lieu de yʿqb etywsp au lieu de yhwsp) ne se rencontrent pratiquement jamais dans la période considérée et suscitent donc la suspicion, alors que c’est le contraire qui est vrai. Lemaire démontre que dans 60 % (pour Jacques) resp. 10 % (pour Josef) des occurrences de ces noms dans les inscriptions et les papyrus, ils sont écrits exactement dans cette orthographe. Une experte en onomastique tel que Tal Ilan aurait dû le savoir, comme le remarque Lemaire à juste titre. Il devrait être clair qu’aucune valeur ne peut être attachée à un tel fatras d’impressions infondées.

L’archéologue Ronny Reich commence par une remarque sobre : si l’inscription avait lu « Joseph, fils de Jacob, frère de Jésus », personne ne s’en serait soucié et encore moins l’IAA aurait-elle commandé une enquête sur son authenticité. « Personne n’aurait haussé un sourcil et l’inscription serait entrée discrètement dans les listes statistiques sans y réfléchir davantage. » Et il a raison. Le tumulte n’a pu naître que de la combinaison suggestive de noms qui rappellent si fortement le Nouveau Testament. Ailleurs aussi, Reich laisse transparaître que selon lui, le jeu n’en vaut pas la chandelle. Il ne voit aucune différence entre la première et la seconde moitié de l’inscription (Lemaire précise également que dans les deux moitiés du texte les styles formel et cursif se mélangent, ce qui n’est pas rare). Reich ne voit aucun indice de contrefaçon mais finalement il vote néanmoins contre l’authenticité ! Pourquoi ? Parce que le « comité des matériaux » affirme que la patine des lettres n’est pas ancienne. Mais Reich viole ainsi la règle selon laquelle chaque expert est obligé de présenter une opinion fondée uniquement sur sa propre discipline. C’est certainement le moyen d’arriver à un verdict unanime !

Esther Eshel, paléographe, rejette l’authenticité de l’inscription car elle ne connaît aucun autre ossuaire sur lequel le décor (en l’occurrence quelques rosaces au dos) est aussi vague et usé alors que l’inscription est aussi claire et nette. En fait, de tels cas sont loin d’être exceptionnels. Lemaire fait référence à plusieurs ossuaires de la collection de Rahmani sur lesquels on observe le même phénomène. Cela dépend entièrement de l’histoire individuelle d’un ossuaire si un seul côté ou plusieurs, voire tous les côtés, sont altérés et usés. Elle affirme également que deux mains différentes ont dû travailler sur l’ossuaire, mais Lemaire donne plusieurs exemples convaincants d’autres inscriptions dans lesquelles la même variété d’écriture est visible sans que personne ait jamais parlé de « deux mains » dans ces cas-là. Enfin, elle prétend que le faussaire a copié les mots « frère de… » du seul autre ossuaire sur lequel apparaît cette combinaison de mots, le n° 570 dans le catalogue de Rahmani. Elle conclut cela du fait que dans les deux inscriptions du dalet (in achuy de) seul le trait vertical de la lettre est écrit, ce qui est exceptionnel. Hélas pour Esther Eshel, sur notre ossuaire le trait horizontal du dalet – qui était certainement là, comme le montrent les premières photos – est devenu invisible car la pierre a été brisée lors du transport d’Israël au Canada (pour l’exposition de Toronto) et la cassure traverse exactement le trait horizontal du dalet, ce qui fait qu’elle a maintenant disparu ».

S’agissant de l’étude de la patine présente sur l’inscription de l’ossuaire, Pieter van der Horst indique dans le même ouvrage : « Le directeur du GSI [Geological Survey of Israel] a dit dans une déclaration que le rapport des géologues de l’AAI était totalement tendancieux et partial et qu’il n’apportait aucune preuve valable du caractère falsifié de l’inscription. Mais ce qui est étrange, c’est que ce sont précisément les arguments et les conclusions de ce « comité des matériaux » qui ont poussé certains membres du « comité de l’inscription » à déclarer que l’inscription était un faux, alors que, sur la base de leurs propres travaux, ils ne voyaient aucune raison de faire cela. Clairement, ici quelque chose ne tourne vraiment pas rond ».

Lorsque l’ossuaire a été expédié depuis Israël pour être exposé en 2002 au Musée royal de l’Ontario (MRO) à Toronto, au Canada, il a en effet été endommagé et s’est brisé en 5 morceaux, ce qui a d’ailleurs eu pour conséquence d’effacer partiellement la lettre dalet de l’inscription, l’une des brisures suivant l’axe vertical de celle-ci. La réparation de l’artéfact a néanmoins eu pour intérêt de permettre aux experts d’examiner l’ossuaire de près, ce qu’ils n’auraient pas pu faire autrement. Edward J. Keall, ancien conservateur principal au MRO, observe dans un article publié en juillet 2003 : « Nous avons pu démontrer que la théorie dite « des deux mains » était sans fondement. Cette théorie soutient que les deux derniers mots de l’ossuaire, « frère de Jésus », ont été ajoutés par une seconde main à une inscription déjà existante qui disait « Jacques, fils de Joseph ». Notre examen a montré qu’une partie de l’inscription avait été récemment nettoyée, un peu trop vigoureusement, avec un outil tranchant. Pour une raison inconnue, l’auteur de l’opération avait nettoyé le début de l’inscription, mais pas la fin. Le nettoyage avait enlevé une partie de l’incrustation superficielle à l’intérieur des lettres, mais pas la totalité. Les lettres sur lesquelles un outil tranchant a été utilisé peuvent même être considérées comme légèrement « rehaussées » – elles semblent plus nettes que celles de l’autre partie de l’inscription. La fin de l’inscription semble plus douce et moins anguleuse, plus proche d’une écriture cursive, et donc plus récente. Mais l’aspect doux est dû à la survie de l’incrustation sur la partie qui n’a pas été nettoyée » (17).

En 2006, Hershel Shanks, éditeur de la Biblical Archeology Review (BAR), signale dans un article publié dans le Jerusalem Post que le professeur Wolfgang E. Krumbein de l’université Carl-von-Ossietzky d’Oldenbourg (Allemagne), expert mondialement reconnu des analyses géomicrobiologiques, a affirmé dans un rapport que l’AAI aurait sciemment manipulé la patine de l’ossuaire de Silwan et qu’un matériaux rouge aurait été délibérément utilisé pour tenter d’empêcher tout contrôle de la validité des tests réalisés précédemment sur celle-ci (18).

L’historien et écrivain italien Pierluigi Tombetti rapporte par deux fois, en 2014 puis en 2019, un commentaire que lui aurait écrit et adressé André Lemaire : « Pour essayer de comprendre où se trouvait la vérité, je me suis adressé à André Lemaire qui m’a écrit : « (…) l’ossuaire est absolument authentique mais des forces politiques et « religieuses » ont intérêt à faire disparaître l’artéfact » » (19).

En 2014, une équipe dirigée par l’archéogéologue Amnon Rosenfeld (qui a lui aussi œuvré au sein du Geological Survey of Israel) reprend le dossier de la patine de l’inscription de l’ossuaire de Jacques et publie les résultats de son étude dans l’Open Journal of Geology. Le groupe d’experts conclut : « L’analyse archéométrique de l’inscription de l’ossuaire de Jacques “Jacques fils de Joseph frère de Jésus” renforce la thèse de l’authenticité de l’ossuaire et de ses gravures. La patine beige peut être observée sur la surface de l’ossuaire, se poursuivant progressivement jusqu’à l’inscription gravée. (…) En outre, l’existence hétérogène de microfossiles éoliens (nannofossiles et foraminifères) et de quartz dans la patine de l’ossuaire, y compris dans la zone des lettres, renforce l’authenticité de l’inscription » (20).

 En 2020, une autre équipe dirigée par Aryeh E. Shimron (qui a également appartenu au Geological Survey of Israel), publie les résultats d’une étude qui conclut quant à elle :    « Il est remarquable que l’ossuaire de Jacques, qui a dû suivre une évolution différente au cours des 30 dernières années de son existence, et malgré la contamination considérable par des fragments métalliques, présente toujours une signature géochimique unique qui correspond à la chimie des autres ossuaires de la tombe de Talpiot » (21).

Le tombeau de Talpiot, découvert en 1980, contient 10 ossuaires dont 6 sont gravés de noms que quelques spécialistes ont estimé pouvoir rapprocher de membres de la famille de Jésus de Nazareth.

Cette découverte confirme donc plusieurs choses, à savoir l’existence de Jacques, de son père Joseph, et de Jésus en tant que frère de Jacques à la même époque, c’est-à-dire le 1er siècle de notre ère dans la région de Palestine, ce qui corrobore les données fournies par les traditions juives, chrétiennes et musulmanes. Si l’existence de Jacques a été plus ou moins « occultée » ou minimisée par l’Église, c’était sans doute pour mieux renforcer leur dogme en la divinité du Christ, dogme apparu assez tard dans l’histoire du Christianisme, par rapport aux toutes premières générations de disciples de Jésus. Il se peut que Jacques soit le fils de Joseph d’avant son mariage avec la Vierge Marie (Maryam – Paix sur elle -), ou que Jacques soit né de façon ordinaire (par voie biologique) de l’union issue de la Vierge Marie avec Joseph. Pour de nombreux exégètes catholiques cependant, le mot « frère » doit s’entendre selon l’un de sens connus dans le langage oriental, à savoir le sens de « cousin de ». Mais comme Jacques se définit comme le fils de Joseph et le frère de Jésus, cela semble contredire l’interprétation catholique. Et Allâh sait mieux.

Notes :

(1) Voir notamment “Jésus a-t-il vraiment existé ? Réponse de la science”, C’est une autre histoire, 19 janvier 2020 : https://www.youtube.com/watch?v=6vasbjzv34M ; “Peut-on prouver l’historicité de Jésus ? Entretien avec Michaël Langlois”, Regards protestants, 10 janvier 2024 : https://www.youtube.com/watch?v=sbDtnIDxHIU

(2) Aryeh E. Shimron, « The Geochemistry of Intrusive Sediment Sampled from the 1st Century CE Inscribed Ossuaries of James and the Talpiot Tomb, Jerusalem », Archaeological Discovery,‎ janvier 2020, pp. 92 à 115.

(3) Ossuaire de Jacques, fils de Joseph, frère de Jésus, Article publié dans le journal “Le Monde” sous le titre “Jésus, une histoire de famille”. Voir aussi http://www.info-bible.org/histoire/ossuaire.htm

(4) Pierre-Antoine Bernheim, Jacques, frère de Jésus, éd. Albin Michel, 2003, p. 7.

(5) Ibid, pp. 8-9.

(6) Ibid.

(7) Levi Y. Rahmani, A Catalogue of Jewish Ossuaries in the Collection of the State of Israel, Jerusalem, The Israel Academy of Sciences and Humanities, 1994.

(8) Hannah M. Cotton, Leah Di Segni, Werner Eck, Benjamin Isaac, Alis Kushnir-Stein, Haggai Misgav, Jonathan Price, Israel Roll and Ada Yardeni, Corpus Inscriptionum Iudaeae/Palaestinae, Vol. 1: Jerusalem – Part 1:1-704, Berlin / Boston, De Gruyter, 2010,

(9) Amos Kloner et Boaz Zissu, The Necropolis of Jerusalem in the Second Temple Period (Interdisciplinary Studies in Ancient Culture and Religion), Louvain, Peeters, 8 novembre 2007.

(10) Camil Fuchs, « Demography, literacy and names distribution in ancient Jerusalem: How many James/Jacob son of Joseph, brother of Jesus were there? », The Polish Journal of Biblical Research, vol. Volume 4, numéro 1,‎ décembre 2005, pp. 3-30.

(11) Craig A. Evans, The Missions of James, Peter, and Paul : Tensions In Early Christianity, vol. 115, Leiden, Brill, coll. « Supplements to Novum Testamentum », 2005, 552 p. (ISBN 978-9004141612), « A Fishing Boat, A House, and an Ossuary What Can We Learn from the Artifacts? », pp. 211-234.

(12) Lois Fruen, « Real or Fake? The James Ossuary Case », ChemMatters, The American Chemical Society,‎ février 2006, pp. 8-10.

(13) Sylvain J.G. Sanchez, “De l’archéologie à la Bible : L’ossuaire de Saint Jacques ?”, La Revue Réformée, 2003 : https://larevuereformee.net/articlerr/n223/de-larcheologie-a-la-bible-lossuaire-de-saint-jacques ; Historien et chercheur, élève de l’Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem (abr. EBAF), doctorant à Paris IV-Sorbonne.

(14) Ibid.

(15) Interview rapportée par John Noble Wilford, « Questions about ‘Jesus’ ossuary », International Herald Tribune, 5 déc. 2002, 10

(16) Pieter W. van der Horst, Saxa Judaica Loquuntur: Lessons from Early Jewish Inscriptions, Leiden, Brill, coll. « Biblical Interpretation Series 134 », 2015, pp. 67–87. Par contre, l’auteur manque cruellement de sérieux dès qu’il s’agit de l’Islam (sujet qu’il maitrise très mal) et de politique dans le monde musulman. Son travail dans ce domaine avait été qualifié de propagandiste et de peu sérieux.

(17) Edward J. Keall, « Brother of Jesus Ossuary: New Tests Bolster Case for Authenticity », Biblical Archaeology Review, no 29:4,‎ juillet-août 2003, pp. 53-54.

(18) « Krumbein’s bombshell », The Jerusalem Post, 11 juin 2006 : https://www.jpost.com/opinion/krumbeins-bombshell

(19) Pierluigi Tombetti, « Confermata la prima prova archeologica dell’esistenza di Gesù di Nazareth – L’ossario di Giacomo il Giusto », 28 avril 2014 : https://www.pierluigitombetti.com/news-confermata-prima-prova-archeologica-dellesistenza-gesu-nazareth-lossario-giacomo-giusto/ ; Pierluigi Tombetti, « Ossuary of James the Just: The First Archaeological Evidence of the Existence of Jesus of Nazareth? », Ancient-origins, 22 juin 2019 : https://www.ancient-origins.net/artifacts-other-artifacts/ossuary-james-0012181

(20) Amnon Rosenfeld, « The Authenticity of the James Ossuary », Open Journal of Geology,‎ mars 2014, pp. 69 à 78 : https://www.scirp.org/pdf/OJG_2014031213484587.pdf

(21) Aryeh E. Shimron, « The Geochemistry of Intrusive Sediment Sampled from the 1st Century CE Inscribed Ossuaries of James and the Talpiot Tomb, Jerusalem », Archaeological Discovery,‎ janvier 2020, pp. 92 à 115 : https://www.scirp.org/pdf/ad_2019120316084496.pdf


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