L’un des premiers groupes dans l’histoire de l’Islam à vouloir contester la Tradition dans ses fondements est relaté par Muhammad Hamidullah dans la biographie du Prophète Muhammad (‘alayhî salât wa salâm) qu’il écrivit.
On voit déjà des groupes suivant clairement leurs passions cherchaient à contourner les injonctions islamiques permettant de dompter sa nafs et d’assurer la prospérité dans la société.
Muhammad Hamidullah dit donc :
« Le Prophète Muhammad reçut la délégation avec égards, et l’installa dans la mosquée même de Médine ; et comme d’habitude, il lui assura l’hospitalité. La délégation se déclara prête à embarrasser l’Islam, et offrit elle-même les conditions, que voici :
I. Les Tâ’ifites seront exemptés des offices de prières quotidiens.
2. Ils seront également exemptés de payer la taxe-zakât,
3. La ville de Tâ’if sera reconnue comme ville sainte (à l’instar de La Mecque ; elle voulait peut-être une exemption du devoir du pèlerinage de la Ka’bah).
4. Ils seront exemptés du service militaire (jihâd).
5. Le temple de l’idole de leur ville ne sera pas détruit (pour continuer la pratique de l’idolâtrie ?).
6. La prostitution ne leur sera pas interdite.
7. Le prêt d’argent à intérêt ne sera pas non plus interdit.
8. Il ne leur sera pas défendu de boire de l’alcool.
On dit qu’ils avaient même apporté le traité tout rédigé, laissant libre la place pour le sceau du Prophète Muhammad. On ne sait pas s’ils n’avaient pas exigé également une exemption du jeûne du mois de Ramadân, pour compléter la liste. La délégation voulait bien, comme on le voit, reconnaître au Prophète Muhammad le titre d’envoyé de Dieu, pourvu que les Tâ’ifites fussent exemptés de pratiquer l’Islam. Il semble que dans l’esprit de la délégation, l’Islam signifiait un attachement politique, la reconnaissance d’un certain individu comme chef suprême. Pour ces délégué, le Prophète Muhammad ne cherchait que la gloire personnelle.
Le Prophète pouvait dédaigneusement les chasser de sa présence ; mais il leur parla doucement, et s’expliqua de telle façon que la délégation dut même avoir honte de ce qu’elle avait demandé.
Il leur dit : la prière n’est que la reconnaissance extérieure de Dieu, notre Seigneur ; une religion théiste ne mérite pas ce nom si elle ne fait pas acte de reconnaissance due à Dieu par une office de prière. Quant à la fornication et à l’adultère, rien n’est plus abominable dans la vie sociale. Personne parmi vous ne voudra que sa femme, sa sœur ou sa fille soit violée par quelqu’un ; il faut comprendre que les autres aussi ne veulent pas que vous violiez leurs parentes. Les sources n’ont pas conservé les remarques sur le vin ; le Prophète attira sans doute leur attention sur ses effets nocifs pour la moralité et la dignité d’un homme. Quant à reconnaître la sainteté de Tâ’if, le Prophète Muhammad s’y déclara prêt. Il les exempta également du service militaire obligatoire et du paiement de la taxe-zakât. Pour l’usure, il paraît que je Prophète les exempta pour un certain délai — et nous reviendrons sur cette question — pour rassurer les notables de la ville. Quant à l’idole, le Prophète Muhammad s’attaqua à la racine même du problème et leur dit : Si l’idole possède vraiment un pouvoir quelconque, elle doit châtier avant tout celui qui lui fait du mal ; on n’exigera point de vous de la détruire ; nous enverrons d’ici ceux qui la démoliront, et ce seront eux qui encourront éventuellement la colère de l’idole.
La délégation se retira pour réfléchir, et après un certain va-et-vient par personne interposée, la délégation consentit à ce que le Prophète Muhammad lui avait proposé ».
Muhammad Hamidullah, Le Prophète de l’Islam, Sa Vie, Son Œuvre, éd. 1989, Tome I, pp. 461-462.
Il ne faut donc pas s’étonner qu’à travers l’histoire, des groupes ne comprenant pas la portée spirituelle de préceptes fondamentaux (ou non) de l’islam préfèrent céder à leur nafs et rejeter des pratiques dont les bienfaits ont déjà clairement été expérimentés.