Critique de lecture – Lettre au disciple (Al-Ghazâlî ; traduit et annoté par Tayeb Chouiref, éd. Tasnim 2023)

Lettre au disciple (Al-Ghazâlî ; traduit et annoté par Tayeb Chouiref, éd. Tasnim 2023).

« La courte épître intitulée Ayyuha al-walad est l’un des ouvrages les plus connus d’al-Ghazali. Celui qui fut appelé « la Preuve de l’islam » (Hujjat al-islâm) la rédigea vers la fin de sa vie pour répondre à l’un de ses élèves qui avait étudié plusieurs sciences islamiques et finit par se rendre compte de son manque de profondeur et de spiritualité. Elle peut donc être considérée comme une véritable introduction au cheminement spirituel.

L’introduction de Tayeb Chouiref permet au lecteur de saisir d’emblée l’objectif pédagogique d’al-Ghazâlì dans cette épître. Sa traduction soignée, ses notes explicatives et les textes proposés en annexe éclairent la lecture et facilitent une compréhension en profondeur.

A une époque où beaucoup de croyants s’interrogent sur le sens de leur foi et sur la possibilité d’un approfondissement spirituel, cette courte épître peut permettre au lecteur de mieux cerner les conditions d’un véritable cheminement intérieur. En montrant comment le littéralisme religieux peut être dépassé, le présent ouvrage est d’une grande actualité ».

Dans cet ouvrage, Ghazâlî donne de précieux conseils à l’un de ses disciples, l’exhortant à aller à l’essentiel, de revoir ses priorités dans la vie, de s’attarder plutôt sur le combat au sujet des défauts de son âme, l’acquisition des nobles caractères, délaisser ce qui est futile ou nuisible pour mener une vie spirituelle et religieuse plus pieuse et contemplative. Il donne également les qualités qui permettent d’identifier un vrai maître spirituel ainsi que les pièges et défauts qui disqualifient un faux-prétendant (charlatans ou personnes peu qualifiées qui pullulent à notre époque), tout en exposant les règles que doit suivre le disciple, et notamment l’adab qu’il doit manifester à l’égard de son Shaykh comme de ses semblables. Il évoque aussi l’importance de s’éduquer spirituellement auprès d’un maître qualifié qui doit nous rapprocher du Divin et du Bien, et chacun de ses conseils est corroboré par un verset du Qur’ân, un hadith et parfois également avec des sagesses émanant des Compagnons ou de leurs Successeurs parmi les ascètes et les Saints.

Tout en enjoignant les cheminants à étudier et à pratiquer ce qu’ils ont appris (d’utile) dans les différentes sciences, il met en garde contre le fait d’apprendre des choses inutiles ou de s’imprégner de trop de savoir théorique qui ne sera pas mis en pratique, alors qu’il suffit d’apprendre l’essentiel (en termes de savoir théorique) et de le mettre sainement en pratique pour qu’Allâh élève spirituellement la personne et la gratifie d’autres sciences merveilleuses ou utiles qui lui étaient inaccessibles auparavant. De même, il déconseille au cheminant dont la vocation n’est pas d’être un grand juriste, mufti ou théologien, de s’éloigner des polémiques ou des sujets trop techniques et pointus qui peuvent le détourner des œuvres pieuses et des activités spirituelles. Enfin, il place la gustation spirituelle acquise par les œuvres au-dessus des débats ou discours philosophiques ou théologiques (y compris celles du kalâm) qui non seulement ne conviennent pas aux gens du commun, mais qui même pour les personnes averties, exigent énormément de temps pour une science et des bénéfices bien inférieurs à ceux du cheminement initiatique et spirituel, bien que les autres sciences (kalâm, philosophie, droit approfondi, théologie poussée, etc.) puissent être utiles dans un certain nombre de cas limités, mais réservées à certaines personnes savantes seulement.

Aussi, ce n’est pas là un propos tenu par un quelconque complexe d’infériorité, ou découlant de l’ignorance ou de la jalousie de l’auteur, puisque lui-même fut formé non seulement aux sciences islamiques, mais aussi à la physique, à l’astronomie, à la médecine, au kalâm, à la philosophie et à d’autres sciences. Il parle avant tout sur les réalités vécues et réalisées au cours de son propre cheminement initiatique et de tout ce qu’il y a vu et perçu par gustation spirituelle.

Il précise aussi qu’il y a des réponses qui peuvent être exprimées clairement par écrit, mais que pour les questions et problématiques les plus subtiles et métaphysiques, seule la mise en pratique des oeuvres et la Grâce divine peuvent apporter les réponses tant recherchées, qui dépassent les simples raisonnements discursifs, et dont le langage humain ne peut que fournir certaines allusions symboliques et analogies limitées pour en donner un aperçu servant de clés de compréhension, mais qui ne dispenseront jamais d’expérimenter soi-même les réalités et vision spirituelles obtenues et éprouvées lors du cheminement initiatique.

Cette célèbre épitre de l’imâm Al-Ghazâlî connait donc une autre réédition chez Tasnîm, mais qui cette fois-ci ne se contente pas de rééditer simplement ce texte, mais y apporte aussi des annexes utiles, ainsi que quelques commentaires traditionnels issus d’anciens auteurs qui avaient commenté une partie de l’œuvre ghazalienne. Tayeb Chouiref enrichit aussi l’ouvrage par une meilleure traduction d’une part de ce qui était parfois proposé par d’anciennes maisons d’édition, et d’autre part par le référencement ou le rajout de certains ahadiths en lien avec les ahadiths rapportés par Al-Ghazâlî lui-même.

Note personnelle : 9,5/10.

Lien pour l’acheter : https://www.leslumieresdorient.com/spiritualite/1802-lettre-au-disciple-9791091300469.html


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